EnovA, école à pédagogie nouvelle et projet citoyen
Au départ, Isabel Ledecq, institutrice arlonaise, ainsi que trois proches, famille, parents et/ou enseignants comme elle, constatent que l’enseignement fondamental de leurs enfants dans leur lieu de vie du Sud-Luxembourg belge n’est pas optimal. L’enseignement actuel et traditionnel présente certains atouts se disent-ils, mais cette école où l’enfant vit près d’un tiers de sa journée, dont une grande partie assis, pourrait offrir tellement plus et tellement « autrement » ! Ainsi, l’école pourrait être davantage centrée sur l’enfant, l’accent serait mis sur ses talents, sur la coopération, la confiance et la bienveillance envers soi et envers les autres, le droit à l’erreur et sa valorisation, la solidarité, la créativité, la réflexion critique, la relation, le plaisir… Toutefois, ces valeurs seraient vécues dans un environnement cadré et ne seraient pas en opposition avec les exigences ministérielles relatives au programme et aux savoirs intellectuels à acquérir. L’idée de créer l’école EnovA1, était née…
Une cocréation citoyenne
L’échevin concerné et le bourgmestre d’Arlon ne souhaitant pas soutenir le projet, le petit groupe initial décide d’organiser une soirée d’information destinée au public avec l’objectif, d’une part, d’annoncer qu’une autre école subventionnée, donc accessible à tous, est en gestation à Arlon et d’autre part, prendre le pouls de l’intérêt des citoyens pour une telle initiative. Le 3 mai 2016, la séance d’information se tient et réunit près de 130 personnes qui manifestent un grand intérêt pour la création d’une telle structure. De plus, un formulaire complété par les participants révèle qu’environ 45 personnes inscriraient « certainement » leur(s) enfant(s) si l’école voyait le jour demain et qu’environ 20 personnes effectueraient « probablement » cette inscription. Enfin, en ce qui concerne la fondation de cette école, une trentaine de personnes, soit près d’un quart des participants, demande à faire partie du comité de pilotage dédié.
Ce comité de pilotage est créé assez rapidement et découvre toute la richesse et la diversité de ses membres : femmes et hommes de 20 à 70 ans, étudiants, enseignants, professionnels dans de multiples domaines. Le Comité se réunit plusieurs fois par mois et se répartit en commissions thématiques (dossier pédagogique, bâtiments, finances, communication interne et externe, …). Une seconde soirée d’information en juin réunit à nouveau environ 130 personnes.
Le Comité se fixe la rentrée septembre 2017 pour l’ouverture de l’école. Cette échéance rapprochée intensifie le rythme des réunions du groupe et des démarches auprès des instances politiques et des ministères, des pouvoirs organisateurs, des représentants des différents réseaux, des organismes de crowdfunding, etc. Au sein du Comité, un esprit de solidarité et de méthode se pratique à l’image du projet souhaité pour les futurs enfants d’EnovA. Le travail en groupe se fait selon les pratiques de l’intelligence collective.
Un pas décisif : le soutien de la commune d’Attert
Afin de sensibiliser davantage la population et les pouvoirs publics, une marche des familles est organisée dans les rues d’Arlon en octobre 2016, elle regroupe 180 personnes. A l’automne 2016, le projet EnovA est présenté à travers divers événements : projection de film, salons, … Le tournant a lieu en novembre 2016 avec l’intérêt pour le projet de la commune voisine d’Attert. Son bourgmestre, Josy Arens, a déjà soutenu des projets similaires, notamment au sein de l’école de Metzert connue notamment pour sa pratique de la pédagogie de projet. De même, un directeur d’écoles de la commune, Jean-François Fonck, fonctionne déjà avec des principes pédagogiques alternatifs. Tous deux se montrent non seulement vivement intéressés par l’implantation d’EnovA à Attert mais aussi particulièrement déterminés à aider le Comité à la réaliser. Ainsi, d’une part, Josy Arens consulte Charles Pepinster et Jean-François Manil sur le sujet, d’autre part, il propose l’ancien presbytère sis rue des Deux-Églises dans le village d’Attert pour accueillir l’école.
À la vue de la solidité des propositions de la commune d’Attert, de la confiance et de l’enthousiasme ressentis de la part de ses représentants, de l’adhésion de ceux-ci à la « Charte des enseignants » d’EnovA écrite par le comité de pilotage et de l’opportunité de faire vivre le projet dans un lieu chaleureux et de taille humaine, le Comité décide d’accepter la proposition du bourgmestre.
Après deux séances d’information en conseil communal et de multiples échanges avec les instituteurs locaux sur le contenu du projet pédagogique de l’école, le conseil communal vote la création de l’école en février 2017.
Mise en route sur les chapeaux de roue
Les inscriptions pour la rentrée septembre 2017 ont débuté à la suite de la réunion d’information aux parents le 15 mars 2017 au cours de laquelle trois membres de l’équipe se sont présentés au public présent : le directeur Jean-François Fonck, Isabel Ledecq, fondatrice du projet et enseignante à Arlon ainsi que Geoffroy Dossogne, enseignant à l’école de Nothomb dans la commune d’Attert. La commune a reçu plus de 200 demandes d’inscription pour 85 places disponibles, signe du grand engouement des parents pour ces nouvelles pédagogies. En Belgique, une école peut être subventionnée si elle est portée par l’un des trois réseaux suivants qui ont chacun leurs avantages et inconvénients : l’enseignement communal, l’enseignement catholique et la fédération des écoles libres (FELSI) dans le cadre de laquelle il est impératif de disposer d’un bâtiment (à noter que cette option avait été éventuellement envisagée par le comité de pilotage dans l’optique d’un financement citoyen). Dans le cas d’EnovA, l’école étant communale, le bâtiment est fourni et entretenu par la commune d’Attert. Une charte des enseignants spécifiant les pratiques auxquelles devraient s’engager les enseignants, en lien avec la pédagogie envisagée, a été écrite par le comité de pilotage. La procédure de nomination des enseignants dans le réseau communal ne peut assurer qu’un enseignant nommé s’engage à suivre cette charte, mais les enseignants d’autres écoles du village qui sont intéressés à rejoindre l’équipe peuvent postuler et envisager de changer de poste avec un enseignant nommé qui ne souhaiterait pas s’engager dans cette pédagogie.
Dans le cadre de la création d’EnovA, il a fallu recruter tous les enseignants et l’équipe pédagogique et de nombreux C.V. ont été reçus. Ce type de pédagogie attire un nombre croissant d’enseignants qui y sont de plus en plus formés. Une trentaine d’écoles primaires et secondaires à pédagogie nouvelle existent en Belgique et reçoivent des stagiaires régulièrement et de nombreuses autres sont en création.
Les premiers résultats
Il est difficile de tirer un bilan après seulement un an. Néanmoins, le fait que tous les parents aient réinscrit leur enfant pour la suite est un signal clair que l’école plait, tant aux parents qu’aux enfants. Les enfants ont pu réaliser et produire énormément par eux-mêmes dans la logique de capacitation et de responsabilisation des élèves : proposer des sujets de travail, faire des recherches, des exposés, participer à la vie et au fonctionnement de l’école via de responsabilités hebdomadaires, en co-élaborer les règles et les limites, … Ils ont pu aussi partager leurs passions et leurs talents avec leurs camarades.
Les résultats encourageants de cette école ont permis d’étendre le développement de nouvelles pratiques aux autres écoles de la Commune d’Attert, notamment dans le cadre d’un projet « bien-être » avec l’engagement d’une enseignante à temps plein pour enseigner yoga, méditation, relaxation, massage, travail de l’empathie. Autre axe de développement, le numérique, avec la multiplication de tableau blanc interactifs dans les écoles.
La suite : une école secondaire et transfrontalière
À la rentrée de septembre 2017, certains membres du comité de pilotage ont rejoint un comité de parents de l’école EnovA. Ce comité, qui dispose de sa propre charte, s’est montré très actif en proposant plusieurs événements (des fêtes mais aussi des sensibilisations aux pédagogies nouvelles) et a été notamment sollicité par les enseignants pour des journées de découverte et de présentation des talents de chacun.
Une autre partie du groupe a rejoint la commission existante « enseignement secondaire » dans l’optique de fonder une école secondaire semblable à EnovA sur le territoire de la commune d’Attert. Des échanges sont en cours avec les différents ministères et la commune d’Attert pour la création d’un projet pilote. Ce projet pourrait être transfrontalier si le Grand Duché de Luxembourg y prend part. Le concept ambitieux de cette école pilote pourrait être : une « école secondaire transfrontalière, contributive d’un projet de société durable, en lien et au service du territoire et du vivant, ouverte sur les nouvelles sciences et technologies », avec ce même souci de mettre en valeur les talents de chaque apprenant et de le mettre en capacité d’être acteur en coopération de la société de demain.
www.ecoleenova.be
www.lamaisondesenfants.be
www.gben.be
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