Devenue une grande puissance économique au plus tard dès la création du marché unique en 1992, l’Union européenne (UE) a récemment fait des efforts afin de mieux se positionner dans la politique
étrangère. Le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, a créé le Service européen pour
l’action extérieure (SEAE). Or, malgré la création de cette structure européenne, nous ne pouvons pas parler d’une véritable politique extérieure commune, le SEAE ne soccupant que de la mise en oeuvre : « le SEAE n’est pas un ministère européen des Affaires étrangères (…) Le SEAE assure que la politique étrangère de l’UE est correctement exécuté »1. Aujourd’hui, l’Union et ses citoyens sont représentés
au niveau global à travers un réseau de 139 délégations, représentant l’UE entre autres en Australie, au Chili, en Égypte, au Népal et au Zimbabwe ; au total, l’UE entretient des représentations auprès de 163 pays et institutions internationales. Il s’agit du sixième plus grand service diplomatique du monde, comptant 3 909 employés – dont 1 724 à Bruxelles et 2 185 au sein des délégations – doté, pour 2014, d’un budget de 519 millions d’euros réparti entre le siège (41 %) et les délégations (59 %) ; la Commission complète le budget des délégations de l’UE en leur allouant quelque 270 millions d’euros par an2.

Le rôle du SEAE est de « rendre l’action extérieure de l’UE plus cohérente et efficace et de renforcer ainsi l’influence de l’Union européenne dans le monde3 ». Néanmoins, le SEAE n’est pas un ministère européen des Affaires étrangères qui remplace les ministères des États membres4 – comme le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a remarqué en 2010 : « il faudra veiller à ce
que le Luxembourg développe son propre réseau de postes diplomatiques et consulaires dans des pays où il existe des intérêts luxembourgeois spécifiques5». Récemment, les délégations de l’UE ont commencé à héberger des ambassades des États membres : cette forme de colocation permet une collaboration plus efficace, sans mentionner la réduction des coûts pour les États membres. La création d’un tel service diplomatique européen peut entraîner des bénéfices particulièrement pour les petits États membres. Ainsi, le Grand-Duché peut profiter de la réduction des coûts et d’une coopération plus efficace dans un dossier spécifique. Elle profite aussi de l’UE en tant que plateforme globale et ainsi il est
plus facile de réaliser les buts nationaux sur la scène internationale6. En effet, le poids de l’UE est supérieur au poids d’un seul État membre et favorise l’accomplissement des buts qui sont dans l’intérêt
commun. Or, il ne faut pas oublier que l’UE, malgré le pouvoir attribué aux institutions européennes,
se base sur les États membres et les décisions prises par ceux-ci. Avant que l’UE puisse agir à travers ses institutions dans un certain domaine, les États membres doivent céder volontairement leur souveraineté au niveau européen sur le sujet en question. Étant donné que la politique étrangère touche au noyau de la souveraineté nationale des États membres, le Traité de Lisbonne leur donne la liberté de définir leur propre politique extérieure. Ceci crée des défis importants parce que les intérêts ne sont pas toujours les mêmes comme l’ont montré les différentes positions dans la crise en Ukraine.

Le Luxembourg et l’influence sur la politique étrangère de l’UE

Malgré la présence des grands États dans les médias en ce qui concerne la politique étrangère de l’UE, la
participation de petits États membres – la majorité des États membres de l’UE sont à considérer comme
« petits » – dans les activités internationales de l’UE n’est pas sans intérêt. Quant à son influence sur la
politique étrangère de l’UE pendant les dernières années, le Luxembourg est considéré par le think tank
European Council on Foreign Relations (ECFR) comme leader surtout dans l’aide humanitaire, l’aide au développement et l’assistance aux réfugiés syriens. Contrairement à des États majeurs comme l’Allemagne, la France et l’Espagne, le Grand-Duché n’est pas considéré comme un « slacker7 », donc
comme étant à la traîne, un fait remarquable, tenant compte du fait que l’ECFR n’utilise cette dénomination que pour 11 des 28 États membres dans le cas de la politique extérieure de l’UE8. Par conséquent, on ne doit surtout pas négliger ou sous-estimer l’impact potentiel des États membres plus petits sur la politique étrangère de l’UE. Un État membre très actif dans un certain dossier peut entraîner des bénéfices pour l’ensemble de l’UE. Cependant, il est important de placer l’analyse concernant l’influence de la politique extérieure luxembourgeoise dans la politique internationale de l’UE dans un contexte global. Vu que l’UE n’est pas un État national, mais plutôt une construction sui generis, elle ne bénéficie pas du statut de membre dans une panoplie d’organisations internationales. D’un point de vue purement démographique, l’UE est petite comparée à l’Inde ou la Chine. Au niveau économique, l’UE peut être considérée comme un géant. Elle se place au premier rang selon le produit intérieur brut nominal9 mais il faut aussi tenir compte de la croissance rapide des économies en voie de développement. C’est surtout au niveau militaire que l’UE est un nain sur la scène globale et il en résulte qu’elle se base toujours plus sur le « soft power » que le «hard power ».

Par conséquent, il y a une certaine tendance à la surestimation de soi, l’UE étant « uniquement » un vrai
leader sur la scène globale dans l’aide au développement, les politiques environnementales et en tant
que puissance économique. Ainsi, malgré une zone d’influence de plus en plus globale qui résulte de la
mondialisation, l’UE doit tout d’abord être considérée comme un acteur régional (le continent européen
et son voisinage). La zone d’influence de l’UE peut être visualisée par des cercles concentriques : l’UE
exerce la plus grande influence au noyau, c’est-à-dire au niveau de ses États membres, tandis que son influence devient plus faible vis-à-vis des pays candidats et diminue encore vis-à-vis des pays tiers10. Par
conséquent, il faut relativiser les mots prononcés par Louis Michel, Commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire de 2004 à 2009 : « (…) nous pouvons en tant qu’Européens véritablement façonner un monde plus juste et plus équitable, et donc peser sur le destin du monde.11»

Dominance des relations économiques dans la diplomatie ? 

Durant les dernières décennies, l’économie a commencé à jouer un rôle de plus en plus important dans la diplomatie. Cette impression devient plus forte si on considère par exemple le nombre des consulats honoraires entretenus par le Grand-Duché12. Louis Michel, actuellement député européen, résume cette évolution en constatant : « En principe, les diplomates ont horreur d’être instrumentalisés à des fins mercantiles, mais il faut s’y faire. » Donc, il se pose la question de l’importance de la diplomatie traditionnelle aujourd’hui et si celle-ci poursuit encore des buts politiques. Pour les petits États membres de l’UE et surtout pour le Luxembourg, la différence entre politique interne et politique extérieure semble fluide. L’économie luxembourgeoise dépend fortement du degré de son ouverture et il va sans
dire que les frontaliers allemands, belges et français sont essentiels pour l’économie du Grand-Duché13.
On peut donc conclure que l’influence luxembourgeoise sur les affaires européennes dépasse la taille
géographique du Grand-Duché – il s’agit d’influence sans pouvoir. La taille petite ainsi que des ressources limitées ne sont pas forcément gênantes, mais il faut les considérer plutôt comme des opportunités14. Ainsi, s’il y a la volonté politique, le Luxembourg peut continuer d’exercer une influence significative sur la scène internationale via sa politique étrangère.

1 Page 5 du rapport d’examen du SEAE (2013) : http://eeas.europa.eu/library/
publications/2013/3/2013_eeas_review_fr.pdf
2 Rapport spécial par la Cour des comptes européenne intitulé « La mise en place du Service européen
pour l’action extérieure », n° 11, page 6 : http://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/
SR14_11/SR14_11_FR.pdf
3 Délégations de l’UE sur le site du SEAE : http://www.eeas.europa.eu/delegations/index_fr.htm
4 Page 5 du rapport d’examen du SEAE (2013) : http://eeas.europa.eu/library/
publications/2013/3/2013_eeas_review_fr.pdf
5 « Dans sa réponse à une question parlementaire de Félix Braz, Jean Asselborn souligne que la
priorité du gouvernement luxembourgeois à l’égard du Service européen d’action extérieure est
de favoriser son essor » sur le site Europawww.forum.lu : http://www.europaforum.public.lu/fr/actualites/
2010/10/qp-braz-seae/index.html
6 Article intitulé « EU foreign policy after Lisbon: what role for small state diplomacy? » par
Skander Nasra, 14 août 2011, E-International Relations : http://www.e-ir.info/2011/08/14/
eu-foreign-policy-after-lisbon-what-role-for-small-state-diplomacy/
7 Profil du Luxembourg sur le site de l’ECFR : http://www.ecfr.eu/scorecard/2014/countries/
luxembourg
8 La Finlande, le Danemark, la Lettonie, l’Estonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la
Slovaquie, Malte et la Roumanie
9 18 495 349 millions de dollars en 2013
10 Entrée «Cercles concentriques » dans le glossaire « Synthèses de la législation européenne » : http://
europa.eu/legislation_summaries/glossary/concentric_circles_fr.htm
11 Discours « La nouvelle politique de développement de l’Union européenne » par Louis
Michel au Parlement européen à Bruxelles le 29 septembre 2005 : http://europa.eu/rapid/
press-release_SPEECH-05-563_fr.htm
12 Représentations consulaires du Grand-Duché à l’étranger, Ministère des Affaires étrangères et
européennes : http://www.mae.lu/content/download/45862/372838/version/1/file/Liste+Consulaire+
%C3%A0+l%27%C3%A9tranger+%282%29.pdf
13 Article intitulé « Letter From Luxembourg » par Mario Hirsch, publié le 29 mai 2015 sur le site du
think thank Carnegie Europe : http://carnegieeurope.eu/strategiceurope/?fa=60247
14 idem

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