Entre visions et perspectives

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

(Correspondances, Charles Baudelaire, 1857)

Dans ce premier quatrain d’un sonnet très connu, Charles Baudelaire évoque non seulement une nature idéalisée, mais aussi un tout complexe dans lequel se confondent le dynamisme du vivant avec la vie secrète du mystère – parfait pour commencer l’introduction au dossier.

Le nord du Luxembourg: la région qui a la plus faible densité, mais la plus grande superficie de forêts sur le terrain national! C’est à peu près tout ce que nous pouvons dire à propos de cette partie du Luxembourg. Vraiment? Ajoutons à cela peut- être les éternels clichés des paysans, de la nature, du froid, ou encore du vide social ou culturel. Lorsque nous pensons «Oesling», appellation qui désigne la partie supérieure du pays, nous sommes en effet confrontés à des stéréotypes qualifiables de (excusez le jeu de mots) véritable evergreen.

Mais quant est-il vraiment? Où en sommes-nous avec cette région et que se passe-t-il, «là en haut»? L’exode rural pendant la deuxième moitié du XIXe siècle est une réalité et les anciens mythes (mentionnés plus haut) sont devenus des histoires du passé. Vu sur les dernières décennies, il devient clair que le Nord n’avait pas d’excellentes perspectives d’avenir. Non seulement ses propres sols étaient ingrats; le climat politique national n’a en effet contribué peu à de riches récoltes, que ce soit sur le plan économique, culturel ou social. Les ombres à l’horizon étaient donc pendant longtemps assez sombres.

Une modernisation lente

Mais peu à peu, et grâce aux nombreuses actions locales et efforts laborieux le soleil a percé les profonds nuages. Il a même brillé aussi fort que le canton Clervaux détient aujourd’hui le. plus grand nombre de postes de travail en industrie par tête/PIB 1. Mentionnons en outre la Nordstrooss, ou autoroute luxembourgeoise A7. Inauguré un peu plus d’un an, le 23 septembre 2015 pour être exact, elle assume une fonction clé pour le développement régional. Elle symbolise une reconnaissance pour la population locale. Le trajet Luxembourg-Ettelbruck se fait aujourd’hui presqu’aussi rapidement que celui de Luxembourg-Esch-sur-Alzette. La construction du nouveau lycée à Clervaux est certainement un autre aspect positif. Bientôt, les chemins pour aller à l’école seront également plus courts pour les jeunes de la pointe nord du pays.

Comment faut-il alors aborder cette région paradoxale, vu la richesse des activités d’un côté et la quiétude de l’autre côté, mais aussi une des plus défavorisées 2 dans forum? Telle fut une des questions fédératrices de ce dossier.

Dès le début, il semblait clair qu’il ne s’agissait pas de se pencher sur les innombrables sentiers et chemins, les beaux ruisseaux coulants à travers les profondes vallées, les éternels châteaux, ou les hauts plateaux desquelles il y a, à part les vues lointaines, peu à retenir. Plutôt, l’idée sousjacente est celle du développement régional et d’un certain dynamisme au Nord. À travers une panoplie d’articles, le lecteur est confronté aux lentes et récentes évolutions, aux défis, mais aussi aux perspectives, et ce du point de vue des gens locaux.

Un voyage avec les habitants à travers l’histoire et les différentes régions

Ce qui vous attend concrètement: Joël Adami fait le début en traçant les frontières de l’Oesling. Jos Thill nous raconte une histoire du passé lorsque cette région était tout sauf attractif en termes de (sur)vie. Son article évoque l’exode rural et les aspirations à un meilleur futur à l’époque de l’ARBED. Marco Schank nous amène à la source d’un des projets les plus emblématiques du Nord: la création des parcs naturels. Une interview avec le député-maire Emile Eicher s’est également imposée. Dans un échange, le bourgmestre de Clervaux expose les spécificités de la région, il insiste sur l’importance des fusions et sur la revalorisation des centres-villes. Ensuite, Frank Bingen, agent immobilier, analyse la situation spécifique du marché immobilier au nord du pays.

Nous avons également interrogé André Schank, directeur d’Oikopolis et agriculteur biologique au (nord du) Luxembourg, sur son métier et l’intérêt aux produits biologiques. Paul Zeimet, secrétaire général de SEO, répond à nos questions en rapport avec un projet qui semble déjà sorti de son adolescence: l’énergie éolienne au Luxembourg. Nathalie Schmitz et Eric Wadlé évoquent la vie des jeunes au Nord dans les clubs de jeunesse et dans les maisons de jeunes qui assument de plus en plus le rôle de ces associations. Enfin, Maurice Losch récapitule le développement de la Nordstad et propose de futures pistes pour cette collaboration.

Nous regrettons de ne pas vous fournir un article à propos des variations  linguistiques au nord du Grand-Duché, un sujet captivant qui met en question l’idée de «la» langue luxembourgeoise toujours évoquée dans le débat actuel. Nous avons essayé de pallier ce manque à travers un petit lexique des variétés locales en termes de langue.

Quant est-il à la culture se demandent peut être certains d’entre vous? La question est légitime et nous avons pensé à un article illustrant les spécificités de la région au niveau culturel. Contrairement aux centres urbains de Luxembourg-Ville et Esch-sur-Alzette par exemple, la vie sociale se déroule plutôt am Proufsall ou dans le Veräinsbau. Ce sont souvent les associations de musique, le club des jeunes ou encore les sapeurs pompiers qui organisent des soirées de théâtre après un bon nombre de répétitions (où la bière ne peut bien sûr pas manquer!). Comment cet aspect influence-t-il la perception du culturel et la vie locale en générale ? Cette fois-ci, il n’était pas possible d’intégrer un article sur ce sujet précis. Mais si vous vous sentez inspiré, envoyez-nous votre contribution !

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