- Gesellschaft, Politik
Le système électoral et ses implications pour la vie politique luxembourgeoise
On se rappelle que le programme gouvernemental de décembre 2013 contient un certain nombre d’objectifs politiques importants, tels que l’abolition du cumul entre mandats locaux et le mandat de député, l’intégration politique plus poussée des citoyens résidents non luxembourgeois, la limitation de la fonction ministérielle à deux mandats successifs. Ces objectifs auraient exigé une réflexion sur l’ensemble du système politique en vigueur, dont en particulier le système électoral, réflexion qui n’a pas eu lieu.
Un système bientôt centenaire
Ce système, pratiqué pour les élections législatives et européennes ainsi qu’une partie des élections communales (communes de plus de 3000 habitants), date de 1919 (loi du 16 août 1919, modifiée par la loi du 31 juillet 1924, des modifications intervenant ensuite, reprises dans la loi électorale du 18 février 2003). Il comporte:
– le scrutin de liste
– le panachage entre les listes
– le vote préférentiel sur toutes les listes (donc pas de liste dite bloquée où le parti place les candidats)
– quatre circonscriptions pour les élections législatives, une seule pour les européennes – un nombre fixe de 60 députés indépendamment de l’évolution de la population (depuis la loi du 20 décembre 1988)
– le renouvellement intégral de la Chambre tous les cinq ans (depuis 1954)
– l’inscription automatique sur les listes électorales pour tout Luxembourgeois et l’impossibilité de s’en faire rayer
– l’obligation de vote pour tous ceux qui sont inscrits sur ces listes, sauf quelques exceptions.
Les différences majeures avec des systèmes proportionnels pratiqués en Europe sont le panachage entre les listes, le vote préférentiel sur toutes les listes, des circonscriptions relativement restreintes en terme de population et l’obligation de vote. Ce système garde du système majoritaire d’avant 1919 l’importance extrême accordée aux personnalités plutôt qu’aux partis, ce qui était expressément voulu par le législateur de 1919, tout autant qu’effet de la proximité géographique et sociale des électeurs et des élus.
Le système luxembourgeois est né au cours du 19e siècle, marqué par le vote censitaire jusqu’en 1919, les députés étant élus dans chacun des 12 cantons (le canton judiciaire de Luxembourg formant alors deux cantons électoraux: Luxembourg ville et Luxembourg campagne). Le nombre de députés était fonction de la population, le nombre d’électeurs de la fortune. Le vote était à deux tours, ce qui obligeait les candidats à se rapprocher du centre au deuxième tour et à gommer autant que possible des idées politiques avancées.
Le système actuel est inspiré de systèmes étrangers (Belgique, scrutin proportionnel mais sans les listes bloquées, Suisse pour le quotient électoral Hagenbach-Bischof) et de l’histoire politique du Luxembourg marquée par une très grande stabilité politique.
Un système de notables et comment le changer
Cette stabilité est due à une élite politique qui n’évolue que lentement. Elle a eu comme conséquence que la représentation parlementaire des femmes et des jeunes ne se réalise que lentement. Elle ne permet que difficilement à des citoyens non luxembourgeois de se faire élire dans les communes. Dès lors, on peut se demander si notre système électoral est adapté à la société d’aujourd’hui.
Quels aspects faudrait-il modifier pour tenir compte des évolutions du pays?
Le panachage et le vote préférentiel effacent les clivages politiques au profit de personnalités qui recueillent un maximum de voix dans tous les viviers politiques. Au départ, ce système a eu pour objectif d’affaiblir les partis, ce qui lui a bien réussi. C’est aussi un mode de vote difficile à comprendre et à manier pour des électeurs peu au fait des règles du jeu. Faut-il donc abolir ou du moins restreindre l’influence du panachage et du vote préférentiel? La petite taille du pays et la proximité entre élus et électeurs rendent sans doute illusoire l’abolition pure et simple du système actuel. Des auteurs ont donc imaginé un système mixte selon le modèle allemand: une partie des députés serait élue au scrutin majoritaire, soit sur des listes, comme jusqu’ici, soit uninominal, et une partie au scrutin de liste proportionnel avec listes bloquées, l’inscription des candidats sur ces listes permettant aux partis de placer en position éligible des femmes, des jeunes, des étrangers, voire d’obtenir l’élection d’experts à côté des politiques connus. La personnalisation poussée due au panachage et au vote préférentiel pourrait ainsi être atténuée, et la clarté des choix politiques privilégiée.
Un objectif sur lequel il est peut-être plus facile d’obtenir un accord est l’interdiction du cumul des mandats communaux (maire, échevins) et nationaux. Là encore, la difficulté naît de ce que la notabilité nationale est due surtout à la représentation locale et régionale. L’interdiction du cumul permettrait cependant d’élargir le nombre de responsables politiques, d’approfondir l’implication des maires d’une part et des députés d’autre part dans leurs tâches respectives.
Dans un pays aujourd’hui plus uniformisé qu’autrefois où les régions sont de moins en moins typiques, ne faut-il pas une circonscription unique (comme les Verts l’ont demandé dans leur programme électoral de 2013)? En 1919, quatre circonscriptions furent fixées (sud, nord, centre, est) en fonction de critères géographiques, économiques et sociaux (régions rurales, régions urbaines et industrielles). Le souci de la stabilité ne fut pas la moindre des raisons de cette répartition: il fallait éviter que le sud et le centre ne troublent la paix des campagnes, d’où le renouvellement partiel de la Chambre tous les trois ans (jusqu’en 1954) par des élections au sud et à l’est, puis dans le centre et le nord! Mais les circonscriptions ne correspondent plus qu’en partie à la réalité socio-économique d’aujourd’hui, étant donné l’extrême mobilité des habitants et la dispersion des lieux de vie et de travail sur tout le pays. Un pays fonctionnant comme circonscription unique pour les législatives mettrait chaque électeur à égalité et privilégierait les enjeux nationaux par rapport aux questions locales et régionales. Cependant, une circonscription unique rendrait nécessaire un autre système électoral.
L’obligation de vote, qui est rarement appliquée dans les pays de démocratie parlementaire, est de ce fait mise en question au Grand-Duché. Ainsi, on se demande si cette obligation est démocratique alors que l’abstention ou la non-participation peuvent également être considérées comme l’expression d’une volonté politique. On prétend encore que cette obligation et la sanction qu’elle comporte rebutent pas mal d’étrangers à s’inscrire sur les listes électorales. D’autres enfin maintiennent que l’obligation de vote n’est pas vraiment sanctionnée et pourrait donc être abandonnée. Couramment, cependant, les élections sont considérées comme un élément important du contrat entre le peuple souverain et l’ État. L’habitude prise depuis 1919 a fait que l’obligation n’est pas vraiment mise en question.
Le nombre de députés est actuellement fixé à 60 en 1988 après une pointe à 64 en 1984. Il n’est pas appelé à croître quel que soit le nombre de la population. Mais à mesure que la société s’agrandit et que les tâches politiques augmentent et se complexifient, le nombre de députés ne doit-il vraiment plus évoluer alors que l’exécutif en est aujourd’hui à 16 membres au sein du gouvernement? Comment une Chambre de 60 députés, dont la moitié est largement accaparée par les tâches de gestion locale, peut-elle continuer à contrôler sérieusement un appareil exécutif de cette envergure?
La méthode d’attribution des sièges doit-elle être mise en question pour faciliter l’accès à la Chambre de partis nouveaux? En d’autres termes, faut-il privilégier la représentation des opinions ou plutôt la mise en place d’une majorité de gouvernement stable et efficace?
Ces questions sont à peine posées et traitées puisque le système en place ne se met pas en question malgré les envolées démocratiques répétées. Certes, celles-ci donnent lieu à plus de pétitions sur n’importe quoi, entraînant des débats à la Chambre sans conséquence. D’aucuns veulent même multiplier les référendums bien que la fièvre soit un peu retombée depuis 2015. La logique participative est une tarte à la crème du monde politique. Mais on se soucie à peine d’une Chambre moderne, au diapason d’un peuple souverain dans une société en évolution rapide. La table-ronde que la Fondation Robert Krieps avait organisée le 6 novembre 2014 sur le système électoral avec des représentants des quatre grands partis luxembourgeois a laissé peu d’espoir à ce sujet.
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