Ironie de l’histoire, c’est en Europe que la part de marché de Google est la plus écrasante (95%), même plus qu’aux Etats-Unis (88%), ne laissant que des miettes aux autres moteurs de recherche. Par ignorance, facilité, paresse ? Sur fond de polémique sur l’exploitation de nos données personnelles et le respect de notre vie privée, nous sommes nombreux à vouloir explorer des solutions alternatives. En mars 2017, nous avions parlé dans cette rubrique d’une initiative européenne, Qwant, qui ne piste pas ses utilisateurs, ne conserve pas d’historique de leurs recherches et ne transmet donc pas de données sur leur activité à des tiers. Depuis novembre dernier, Qwant équipe l’ensemble des ordinateurs de l’Assemblée nationale française ainsi qu’un nombre croissant d’autres institutions. Plusieurs à l’avoir adopté au sein de forum, les avis sur l’efficacité de ses résultats divergent suivant la langue d’utilisation : de « très satisfaisant » pour les francophones à « plutôt mitigé » pour les germanophones. Mais d’autres solutions existent (à part Bing de Microsoft et Yahoo qui ont le même business model que Google) qui ont chacune leurs atouts.
Moteurs et métamoteurs
Soutenu par la Banque européenne d’investissement et par le groupe allemand Axel Springer, Qwant a ses serveurs en Europe, travaille avec sa propre base de données, a développé Qwant Junior qui filtre les images choquantes et planche maintenant sur Qwant Mail, un service de messagerie. Autres alternatives intéressantes : les « métamoteurs » qui ne possèdent pas leur propre base de données mais vont interroger les grands moteurs de recherche pour exploiter leurs résultats. Le métamoteur élimine les pages similaires pour éviter les doublons et les trie en fonction de leur pertinence. Cette solution permet aussi de « protéger » les données de l’utilisateur car le métamoteur effectue en fait la requête sur les moteurs de recherche à notre place, ce qui fait qu’ils n’ont pas accès à nos informations personnelles. L’américain Duckduckgo, le « moteur qui ne vous espionne pas », a ainsi fait de la discrétion et du respect de la vie privée sa marque de fabrique. Depuis près de 5 ans, il est inclus dans le navigateur Safari d’Apple et connait un succès grandissant au Luxembourg (1,76 % de part de marché fin 2018). L’allemand Ecosia, qui revendique 5 millions d’utilisateurs dont beaucoup aussi en France, a quant à lui fait de la reforestation son cheval de bataille et reverse ses bénéfices à des ONG pour le reboisement. Plus de 55 millions d’arbres auraient ainsi déjà été plantés grâce aux revenus de publicité générés par les internautes. Mais, s’appuyant sur les résultats de recherche de Bing, il doit rétrocéder une partie de ses recettes à Microsoft. Autre métamoteur, le français Lilo verse 50% de son chiffre d’affaires généré grâce à la publicité qui s’affiche en même temps que les résultats de recherche à des projets solidaires et 5% à la compensation carbone. Lilo affirme ne collecter ni ne revendre les données de recherche. Dédié à la cause animale, le métamoteur français YouCare finance un repas pour un animal abandonné toutes les 45 requêtes. Il s’appuie aussi sur Bing mais ses serveurs sont en France. Enfin, autre solution américaine mais participative celle-là, la mission de Quora est de tenter d’offrir des réponses à n’importe quelle question grâce au concours de ses utilisateurs et de ses experts bénévoles (parfois illustres comme Barack Obama au sujet de l’accord sur le nucléaire iranien…).
On le voit, il y a beaucoup de possibilités de protéger ses données tout en choisissant de ne pas laisser l’intégralité des ressources générées par notre activité sur Internet dans les seules mains de Google. Reste à changer des habitudes bien ancrées…
F.L-B (@f_lavabre)
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