Le projet « Cliché – société en migration » : les arts pour libérer la parole

Comment parler de migrations, d’exil et de discriminations avec les jeunes ? Comment évoquer et comprendre ces thèmes délicats qui, souvent, divisent plutôt qu’ils ne rassemblent ?

Dans le contexte du projet « Cliché – société en migration¹», le terme « cliché » prend une double signification, évoquant à la fois le stéréotype associé à certains groupes sociaux et le cliché photographique. Ce jeu de mots reflète l’intention du projet : déconstruire les stéréotypes, tout en utilisant la puissance des images pour sensibiliser et éduquer sur les réalités des migrations, de l’exil et des discriminations.

Le public cible étant la jeunesse luxembourgeoise, plusieurs voies sont utilisées pour y parvenir, notamment grâce à l’exposition photographique et itinérante « mateneen», abordant la migration forcée et qui fait le tour des lycées. Parallèlement, une formation est proposée aux enseignants dans le but de les aider à avoir une meilleure approche en classe.

L’exposition s’efforce de briser les stéréotypes associés aux migrants, en mettant en lumière leur humanité et leur rési­lience face à des conditions de vie diffi­ciles, même au Luxembourg. Lors de visites guidées interactives, un travail est fait avec les jeunes pour qu’ils puissent voir les parallèles qui peuvent exister entre eux et les personnes demandeuses de protection internationale au Luxembourg.

Ainsi, à travers le lien émotionnel suscité par l’exposition et les discussions générées, une compréhension plus approfondie des défis auxquels sont confrontés les migrants est établie. Ceci permet la déconstruction des idées préconçues souvent associées à ces communautés.

L’initiative « mateneen²» a également donné naissance à la plateforme « Cliché – société en migration». Telle une boîte à outils pédagogiques, elle offre aux en­seignants et élèves des informations sur les migrations forcées, les discriminations et les différentes formes de migrations au Luxembourg, via des vidéos et des articles rédigés par des experts et/ou des personnes concernées. 

Cette plateforme comprend également le dossier pédagogique de l’exposition, avec des données officielles sur les demandeurs de protection internationale ainsi que des propositions d’activités en classe pour aborder le sujet. 

De plus, à travers des concours photo et des ateliers artistiques, les jeunes peuvent exprimer de manière créative leurs opi­nions, ressentis, vécus personnels sur des sujets de société, ce qui leur permet ainsi de refléter la diversité du pays, en plus de favoriser l’expression artistique et la déconstruction des stéréotypes.

Mais qu’est-ce qu’un cliché et où se situe le danger ? 

Un cliché, synonyme de stéréotype, consiste en une croyance concernant les caractéristiques supposées d’un groupe. Ces croyances, si elles ne sont pas re­mises en question, peuvent conduire à des préjugés et à des comportements discriminatoires, limitant ainsi les opportunités des individus en fonction de caractéristiques perçues, plutôt que de leurs réelles compétences. Ceci a notamment été souligné dans le Rapport national sur l’éducation au Luxem­bourg de 2018 rédigé par le Service de coordination de la recherche et de l’innovation pédagogiques et technologiques.

Il est crucial de souligner que les stéréo­types font partie intégrante de notre perception. Ils représentent une généralisation à laquelle notre cerveau recourt pour catégoriser et anticiper les comportements. Toutefois, ne pas remettre en question ces généralisations contribue à figer de fausses représentations concernant certains groupes. Il est donc primordial de prendre en compte la parole des personnes concernées et minorisées, en particulier en ce qui concerne leur expérience scolaire.

Pour répondre à ce besoin, le podcast «Under Pressure» a été créé pour explorer l’impact de la scolarisation au Luxembourg sur les élèves ayant un arrière-plan mi­gratoire. Diffusé chaque 15^e du mois, ce podcast est constitué de cinq épisodes où des experts et des individus directement touchés partagent leurs expériences et opinions. 

Ces échanges soulignent fréquemment que le manque d’écoute peut affecter la santé mentale des personnes potentiellement discriminées. Ils insistent sur l’importance d’accorder la parole à ces personnes afin de favoriser une meilleure compréhension mutuelle et renforcer la cohésion sociale.

Aujourd’hui, il est donc important de favoriser l’écoute et le dialogue afin de ne pas tomber dans des généralisations hasardeuses. 

Si le projet « Cliché – société en migration» se concentre sur le domaine de l’éducation formelle, il ne faut cependant pas négliger le fait de continuer la sensibilisation dans le domaine informel, grâce notamment à des concepts pouvant y être développés, tels que par exemple l’éducation populaire.  

1. « Cliché – société en migration » est un projet initié par l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte, en partenariat avec l’Association de soutien aux travailleurs immigrés et réalisé par l’IKL – centre d’éducation interculturelle. Lien vers toutes les plateformes du projet : https://linktr.ee/projetcliche. 
2. L’initiative « mateneen » a été lancée dans le contexte de la crise migratoire de 2015 par l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte et reste à ce jour le plus grand appel à projets initié par l’Œuvre. Le but est de soutenir l’élan de solidarité de la société civile vis-à-vis des réfugiés.

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Dalila Kamunga est chargée du projet « Cliché – société en migration » et travaille depuis mars 2022 pour l’ASBL Association de soutien aux travailleurs immigrés.