- Gesellschaft
L’identité : éteindre la raison pour enfin écouter son cœur
Tu te sens plus cap-verdienne ou plus luxembourgeoise ? Sous-entendu : à laquelle des deux cultures est-ce que tu attribues le plus de valeur ? Ta culture d’origine ou la culture du pays dans lequel tu es née et dans lequel tu as grandi ? A laquelle est-ce que tu t’identifies ? Tu dois faire un choix.
J’ai mis plus de 25 ans pour trouver une réponse qui soit satisfaisante pour moi-même. Avant cela, j’étais dans une errance angoissante par rapport à la question de la définition de mon identité culturelle. Tu ne sais pas encore lorsque tu es enfant que tu vas passer ta vie entière à être confrontée à ce genre de questions.
Je suis cap-verdienne. C’était ma première réponse en étant plus jeune lorsqu’on me posait la question. Très vite, j’ai été amenée à reconsidérer cette réponse. Plusieurs éléments sont venus perturber cette certitude que j’avais.
La première, c’était que pour mon propre entourage, je ne l’étais pas. Cela semble contradictoire, et pourtant. Même si certaines valeurs culturelles m’ont été transmises à travers mon éducation, je ne suis pas née au pays, je n’y ai pas grandi… je ne connais pas le pays, finalement. « Tu ne peux pas dire que tu es cap-verdienne, tu ne l’es pas vraiment. » J’ai tellement entendu cette phrase, qu’elle est restée imprégnée pendant de longues années. Première remise en question.
Un autre élément qui m’a très vite obligée à reconsidérer ma réponse initiale était la réaction de la société luxembourgeoise. Dès que tu sors de la protection de la sphère familiale, tu comprends qu’on te voit différemment. Tu es « l’étranger ». Et ta culture « étrangère » dérange. Les Cap-Verdiens parlent fort, écoutent la musique trop fort, sont en retard, restent toujours entre eux, ne s’adaptent pas… J’ai eu besoin de quelques années pour mettre le terme « préjugé » sur ces paroles que j’ai tellement entendues. Mais en étant jeune, tu ne le comprends pas encore, tu ressens uniquement que ta culture d’origine pose problème et tu intègres ce message. Deuxième grande remise en question.

© Philippe Reuter / forum
Celle-ci a laissé place à une première évolution dans ma réponse. Autour de l’adolescence, j’ai commencé à dire que j’étais luxembourgeoise. Mais là encore, cela a posé problème. D’un côté, j’ai entendu de mon entourage que je reniais mes origines et que je devrais avoir honte, de l’autre, je me suis entendu dire que : « Mirlene, tu ne peux pas dire que tu es luxembourgeoise, cela se voit que tu ne l’es pas. » Car oui, l’élément crucial de la couleur de peau a son importance dans cette histoire.
A ce stade, je me sentais comme prise dans un piège duquel il m’était impossible de sortir. Peu importe comment je souhaitais répondre, la réponse ne convenait pas. On avait toujours quelque chose à me reprocher. D’un côté comme de l’autre, de la communauté cap-verdienne comme de la société luxembourgeoise. Les deux ne voulaient pas complètement m’accepter comme l’une des leurs, mais les deux m’en voulaient si je tendais un peu plus vers l’autre. Une impasse à laquelle je me suis retrouvée confrontée tout au long de ma vie. Et je me demandais sans cesse : comment répondre à cette question de façon à ce que tout le monde soit satisfait ?
Tu te sens plus cap-verdienne ou plus luxembourgeoise ? Cette question est posée avec tellement de légèreté. La plupart du temps, il s’agit d’une simple question de curiosité, avec un réel intérêt de comprendre le vécu d’une personne. Elle est néanmoins posée sans se rendre compte à quel point il est difficile d’y répondre. Sans se rendre compte que cette question vient fissurer davantage une blessure déjà existante à l’intérieur. Comment répondre à cette question si, au final, je ne le sais plus moi-même ? Comment expliquer à une personne comment je me définis, comment je définis cette identité, si à chaque fois que j’essaie, on me juge, on me critique, on me rejette ?
J’ai pu enfin me libérer de cette pression en réalisant qu’elle émanait de l’extérieur. Lorsque les gens posent la question, ils ont une attente par rapport à la réponse, parfois sans même le savoir. Or, le fait de décrire ce qui se passe à l’intérieur de soi, de décrire qui tu es au final, ne devrait pas correspondre à une attente.
J’ai pu me libérer de cette pression lorsque j’ai arrêté de raisonner, de me poser plein de questions, de trouver des arguments, des justifications. Je me suis libérée lorsque j’ai éteint la raison et que je me suis permis d’écouter mon cœur. Mon cœur porte les deux. Je ne dois pas faire de choix, c’est cela ma réponse.
Assistante sociale de formation, Mirlene Fonseca a toujours eu un intérêt particulier pour les différentes réalités sociales. La rédaction de son étude dans le cadre de son master lui a permis de prendre conscience de l’impact que les différentes discriminations peuvent avoir sur l’être humain.
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