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Les médias sociaux et les jeunes
Facteurs de développement, utilisation problématique et relations avec les influenceurs
Les médias sociaux, leur utilisation excessive ainsi que leurs effets potentiels sur la vie et le bien-être des individus font l’objet de débats fréquents. Comme avec la plupart des nouvelles technologies, des questions et des inquiétudes émergent quant aux conséquences négatives potentielles de ceux-ci. Ces préoccupations, concernant notamment les jeunes et d’autres groupes vulnérables, appellent à des mesures préventives visant à les protéger. Un large éventail de sujets peut être rattaché au thème général des médias sociaux, tels que leur rôle dans le développement des jeunes, leur utilisation problématique ou les relations parasociales avec les influenceurs. Bien que la recherche sur les médias sociaux soit encore à un stade relativement précoce, notre compréhension actuelle de ces plateformes laisse entrevoir un mélange de défis et d’opportunités.
Les préoccupations concernant l’impact des médias sociaux sur les individus, en particulier les jeunes, portent souvent sur les effets des médias en général. Liés à l’utilisation des médias, ces effets engendrent des changements intentionnels ou involontaires chez une personne, et agissent notamment sur ses émotions, son comportement ou ses croyances1. Ces changements peuvent survenir à court ou à long terme. Notre compréhension actuelle des effets des médias a fluctué au fil du temps et elle est toujours en évolution ; l’émergence de nouvelles technologies, telles que la radio et le cinéma, marquant le début des théories et des études sur ce sujet. Si, au départ, les théories reposaient sur l’idée que les effets des médias étaient puissants et très semblables d’une personne à l’autre, à présent l’on considère plutôt que les effets des médias sont conditionnels et que les utilisateurs des médias (sociaux) jouent un rôle actif dans le façonnement de leurs propres interactions et comportements en ligne2. Pour être plus précis, les théories actuelles avancent que les effets des médias ne sont pas universels et qu’ils sont influencés par des facteurs dits de différence individuelle et de contexte social3. Parmi ces facteurs, citons les valeurs, l’humeur, le développement cognitif, l’influence des parents et du cercle d’amis de chaque personne. Ces différences entre individus constituent une première source de variation dans les effets des médias. Une deuxième source de disparités réside dans les différences de contenu des médias (sociaux) consommés. Les influenceurs et les créateurs de contenus jouent un rôle important dans ce domaine, lié au contenu qu’ils proposent.
Les médias sociaux comme facteurs de développement pour les jeunes
Les médias sociaux jouent un rôle important dans le développement des jeunes, en leur offrant un contexte pour explorer leur identité4. Ils peuvent en effet utiliser ces plateformes pour exprimer différents aspects de leur identité, ce qui peut contribuer de manière positive à leur développement5. Cependant, les médias sociaux peuvent aussi rendre plus difficile le fait de se détacher de certains aspects identitaires, ce qui, à l’inverse, peut avoir une influence négative sur la formation et l’exploration de l’identité des jeunes. En outre, les médias sociaux offrent aux adolescents la possibilité de pratiquer l’expression de soi, de trouver ainsi que de renforcer un soutien social et émotionnel à travers les interactions en ligne6. Les fonctionnalités des médias sociaux sont liées aux besoins de développement des jeunes. Elles offrent aux utilisateurs des options comme le contrôle du degré d’anonymat du contenu qu’ils publient ou par rapport auquel ils s’engagent, ou encore la possibilité de répondre aux messages de manière immédiate ou différée. Ces fonctionnalités expliquent en partie l’attrait que les médias sociaux exercent sur les jeunes.

Utilisation problématique des médias sociaux
Lorsqu’on parle d’utilisation problématique des médias sociaux, plusieurs comportements peuvent être envisagés. Cela peut faire référence à une utilisation « addictive », à des comportements agressifs sur les plateformes ou encore à la consommation de contenus jugés « problématiques ». Une inquiétude courante est que les jeunes passent trop de temps sur les médias sociaux. Ce comportement, souvent appelé « utilisation problématique des médias sociaux », « utilisation excessive des médias sociaux » ou « addiction aux médias sociaux », n’est pas officiellement reconnu comme un trouble mental dans le DSM-5, le manuel des troubles mentaux actuellement en vigueur. La communauté scientifique se questionne, entre autres, sur la nature de l’utilisation excessive des médias sociaux : s’agit-il réellement d’une addiction comportementale ou plutôt d’une stratégie d’adaptation pour gérer les expériences et émotions négatives ? Bien que le débat ne soit pas tranché, on s’accorde généralement à dire que l’utilisation excessive des médias sociaux peut avoir des effets néfastes sur les individus.
Comme on peut l’imaginer, la définition de l’utilisation problématique des médias sociaux varie selon la manière dont ce comportement est évalué d’une étude à l’autre. Par exemple, l’étude sur le comportement des enfants en matière de santé (Health Behaviour in School-aged Children, HBSC) utilise des critères tels que l’incapacité à réduire le temps passé sur les médias sociaux et l’utilisation des médias sociaux pour se défaire de sentiments négatifs. Selon l’étude HBSC datant de 2018, 5,9 % des adolescents au Luxembourg présentaient un profil d’utilisation problématique des médias sociaux7. Le pourcentage d’utilisation problématique des médias sociaux était plus élevé chez les filles que chez les garçons, respectivement de 6,5 % et de 4,8 %. En comparaison avec les données de l’étude internationale HBSC, le pourcentage d’adolescents présentant une utilisation problématique des médias sociaux au Luxembourg se situe dans la moyenne8. Il est crucial de faire la distinction entre l’utilisation problématique des médias sociaux et l’utilisation intensive de ces derniers. Bien que ces deux comportements soient liés, il est incorrect d’affirmer que toute personne passant beaucoup de temps sur les médias sociaux a un profil d’utilisation problématique. Ce qui différencie une utilisation non problématique d’une utilisation problématique n’est pas tant la quantité de temps passée sur les médias sociaux, mais plutôt la manière dont ils sont utilisés et leur impact sur la personne concernée9.
Influenceurs, relations parasociales et bien-être
Les jeunes, tout comme les adultes, peuvent développer des relations parasociales avec des personnalités qu’ils voient sur les médias sociaux, telles que des influenceurs ou des célébrités. Les relations parasociales sont des liens émotionnels noués avec une figure médiatique, sans qu’il y ait cependant de réciprocité. Tout comme d’autres recherches liées aux médias sociaux, les recherches sur les relations parasociales sont encore limitées, mais elles laissent entrevoir des effets potentiels à la fois positifs et négatifs sur les individus10 11. Sur le plan négatif, ces relations parasociales peuvent affecter le bien-être, qu’il soit mental ou physique. A titre d’exemple, les utilisateurs des médias sociaux peuvent se livrer à des comparaisons négatives avec des influenceurs, que ce soit en matière d’apparence physique, d’expériences comme les voyages ou de biens possédés. Par ailleurs, les utilisateurs des médias sociaux peuvent être tentés d’imiter les comportements à risque des influenceurs, tels que la consommation de substances ou de nourriture peu saine.
Il est crucial de faire la distinction entre l’utilisation problématique des médias sociaux et l’utilisation intensive de ces derniers.
Cependant, les relations parasociales avec des influenceurs peuvent aussi avoir un impact bénéfique sur le bien-être. En partageant par exemple ouvertement leurs propres difficultés psychologiques, les influenceurs pourraient contribuer à réduire les préjugés liés à la santé mentale. Les influenceurs peuvent également encourager leurs abonnés à faire du sport, en partageant leurs exercices ou en lançant des défis de remise en forme. Ainsi, l’impact des influenceurs sur le bien-être peut varier en fonction des résultats considérés. Ces exemples soulignent une fois de plus que ce qui compte dans l’utilisation des médias sociaux, c’est la manière dont ils sont utilisés, et non seulement leur durée d’utilisation. Cela s’applique également au contenu que les utilisateurs consomment et à celui par rapport auquel ils s’engagent, ce qui est particulièrement important lorsqu’il s’agit d’influenceurs.
Perspectives et synthèse
Vu l’importance des médias sociaux pour les jeunes et leur bien-être, ce sujet est repris dans la loi du 30 juin 2023 modifiant la loi du 25 juin 2004 portant organisation des lycées. Cette loi prévoit que le Service psychosocial et d’accompagnement scolaire (SePAS) et le Service socio-éducatif (SSE) mettent en œuvre des activités de prévention visant à réduire les risques associés aux médias sociaux. Dans cette optique, le Centre psycho-social et d’accompagnement scolaires (CePAS), responsable de ces services, élaborera dans les années à venir une stratégie de prévention en matière de médias sociaux.
Pour résumer, lorsqu’il est question des médias sociaux, que ce soit dans les médias, la politique ou la recherche, ce sont souvent les dangers potentiels et les effets négatifs qui retiennent le plus l’attention. Bien que ce soit compréhensible et important d’en reconnaître les aspects nocifs, cette perspective est incomplète. Pour bien appréhender ce sujet, il est nécessaire de prendre en compte et d’examiner à la fois les opportunités et les défis qu’ils représentent.
Claire van Duin, docteure en sciences sociales, travaille au Centre de ressources du Centre psycho-social et d’accompagnement scolaires.
1 Patti M. VALKENBURG et Jochen PETER, « The Differential Susceptibility to Media Effects Model », dans Journal of Communication, vol. 63, n° 2, 2013, p. 221-243.
2 Patti M. VALKENBURG, « Theoretical Foundations of Social Media Uses and Effects », dans Jacqueline NESI, Eva H. TELZER et Mitchell J. PRINSTEIN (éds), Handbook of Adolescent Digital Media Use and Mental Health, Cambridge University Press, 2022, p. 39-60.
3 Patti M. VALKENBURG et Jochen PETER, op. cit., p. 221-243.
4 Roslyn L. GERWIN, Kristopher KALIEBE et Monica DAIGLE, « The Interplay Between Digital Media Use and Development », dans Child and Adolescent Psychiatric Clinics of North America, vol. 27, n° 2, 2018, p. 345-355.
5 Hiromitsu MORITA, Nastasia GRIFFIOEN et Isabela GRANIC, « Digital Media and the Dual Aspect of Adolescent Identity Development: The Effects of Digital Media Use on Adolescents’ Commitments and Self-Stories », dans Jacqueline NESI, Eva H. TELZER et Mitchell J. PRINSTEIN (éds), Handbook of Adolescent Digital Media Use and Mental Health, Cambridge University Press, 2022, p. 63-84.
6 Minas MICHIKYAN et Carola SUÁREZ-OROZCO, « Adolescent Media and Social Media Use: Implications for Development », dans Journal of Adolescent Research, vol. 31, n° 4, 2016, p. 411-414.
7 Gesundheit von Schülerinnen und Schülern in Luxemburg – Bericht zur luxemburgischen HBSC-Studie 2018: http://tinyurl.com/yc63mzb5 (dernière consultation : 16 février 2024).
8 Spotlight on adolescent health and well-being. Findings from the 2017/2018 Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) survey in Europe and Canada. International report: http://tinyurl.com/5y5kt7rf (dernière consultation : 16 février 2024).
9 Sarah E. DOMOFF, Aubrey L. BORGEN, Bonny RYE, Gloria ROJAS BARAJAS et Karie AVERY, « Problematic Digital Media Use and Addiction », dans Jacqueline NESI, Eva H. TELZER et Mitchell J. PRINSTEIN (éds), Handbook of Adolescent Digital Media Use and Mental Health, Cambridge University Press, 2022, p. 300-316.
10 John POWELL et Tabitha PRING, « The impact of social media influencers on health outcomes: Systematic review », dans Social Science & Medicine, vol. 340, n° 8, 2023.
11 Cynthia A. HOFFNER et Bradley J. BOND, « Parasocial relationships, social media, & well-being », dans Current Opinion in Psychology, vol. 45, 2022.
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