La Sécurité routière Luxembourg et la sécurité sur nos routes
Un style de conduite défensif n’offre que des bénéfices
La mobilité est un sujet cher à l’homme du XXIe siècle et fait partie de l’émancipation individuelle. Pourtant, les usagers de la route doivent parfois payer un lourd tribut en se déplaçant. Trop souvent, de mauvais comportements causent des accidents, et cela bien que tous les conducteurs passent obligatoirement un examen avant de recevoir le permis de conduire.
La route est un espace occupé simultanément par un grand nombre d’utilisateurs différents, jeunes, adultes et seniors. Par conséquent, il faut qu’un certain nombre de règles soient respectées afin de faire cohabiter tout ce monde. Le respect des règles est assuré par la police. La Sécurité routière Luxembourg a, quant à elle, pour vocation d’informer, d’éduquer et de faire de la prévention pour les usagers de la route via des communications diversifiées à propos des trois piliers principaux : l’usager, le véhicule et l’infrastructure1. Tout au long de l’année, des campagnes sur des sujets comme la vitesse, l’alcool au volant, le port de la ceinture et d’autres thèmes montrent le comportement à adopter sur les routes, et visent à augmenter la responsabilité des conducteurs.
L’ASBL est active dans plusieurs domaines. Des programmes d’éducation routière dans les écoles voient le jour dans les années 19602. La vitesse, l’alcool et le port de la ceinture constituent dès le début des thèmes phares. La campagne « Raoul », lancée en 2001, reste la référence en la matière. « Raoul » est l’homologue luxembourgeois de « Bob » en Belgique ou de « Sam » (Sans accident mortel) en France. En restant sobre afin de garantir le bon retour à la maison, Raoul, Sam et Bob sont en quelque sorte des héros modernes qui, par leur sens de la responsabilité, se démarquent et deviennent ainsi des modèles à imiter. Au Luxembourg, 86 % de la tranche d’âge des 25-29 ans affirme connaître le personnage « Raoul ». Un score réduit à 59 % pour ceux et 55 % pour celles qui ont entre 15 et 19 ans3.
Évolution de la mortalité routière
La Sécurité routière Luxembourg est créée en 1960 mais « il faut attendre les années 70, les plus meurtrières au Luxembourg avec plus de 100 tués par an, pour voir apparaître une certaine prise de conscience du risque routier4 » affirme Paul Hammelmann, président de l’asbl.
Les deux graphiques en haut de la page suivante montrent comment la mortalité routière et la situation des blessés graves de la route ont évolué en 43 ans au Luxembourg. Une baisse considérable peut être constatée dans les deux cas.
Une abondante littérature existe sur la diminution des accidents de la route, et un grand nombre d’auteurs font allusion à la « courbe de Kuznets » : à mesure qu’un pays s’enrichit, les pouvoirs publics investissent de plus en plus dans la sécurité routière – notamment dans des campagnes de sensibilisation – les règles sont appliquées plus sévèrement et la qualité technique du parc automobile augmente. Même s’il y a un accroissement du parc automobile, les accidents diminuent5.
Entre 1971 et 2008, le nombre de morts sur les routes du Grand-Duché a ainsi été considérablement réduit : on est passé de 131 à 36 victimes par an6. Parallèlement à la France où le président Jacques Chirac a fait de la sécurité routière une cause nationale en 2002, elle est, la même année, définie comme une des priorités du gouvernement Juncker-Asselborn au Luxembourg7. Par conséquent, les campagnes se font de plus en plus souvent en collaboration avec le ministère du Développement durable et des Infrastructures (MDDI)8.
Après 2008, la situation s’est développée de la façon suivante : La problématique de l’alcool
Soulevons à ce stade l’importance des lobbies : lors de l’abaissement du taux d’alcoolémie à 0,5 %, une chambre professionnelle au Luxembourg, non favorable à cette décision, formulait dans un avis « qu’il fallait protéger les vignerons luxembourgeois, déjà affaiblis, entre autres, par la concurrence des vins du nouveau monde9 ». Force est de constater qu’il y a des gens qui veulent boire et conduire ou, dans d’autres termes, qu’il serait impossible d’assurer la sécurité routière sans nuire à l’industrie du vin. Ce type de rhétorique a, pendant plusieurs années, nuit à la prise de décision politique concernant la sécurité routière.
Dans ce contexte, une citation de Robert Goebbels, ministre des Transports de 1989 à 1994, est emblématique. Dans une vidéo célébrant les 50 ans d’existence de la Sécurité routière Luxembourg10, il compare le discours de l’asbl en matière d’alcoolisme au volant au discours d’un ayatollah !.
En ce qui concerne l’alcoolisme au volant, le Luxembourg a pourtant un vrai problème. La police grand-ducale retire régulièrement des permis sur place. En 2019, cela représentait un ensemble de 1 730 permis, dont 85,6 % pour conduite en état d’ivresse contre seulement 11 % pour excès de vitesse. Ces 1 480 permis retirés correspondent à une moyenne de cinq permis retirés par jour majoritairement à cause de l’alcool11 !
Pionniers, prise en charge par l’Etat et assimilation par la population
Selon l’économiste Denis Kessler, l’évolution de la cause de la sécurité routière se divise en trois phases : le temps des pionniers, la prise en charge par l’Etat et l’assimilation ou intégration dans la société12.
Afin de voir apparaître un certain type de comportement, par exemple une conduite responsable, l’Etat doit prendre une part prépondérante dans l’instauration et dans le respect de règles visant à harmoniser la vie publique. Dans le cas de la sécurité routière, « il a fallu quarante-et-un ans pour que l’Etat se sente concerné »13 affirme Paul Hammelmann.
Clairement, au cours des années, le climat dans le domaine de la sécurité routière a significativement changé. Prenons comme exemple l’introduction du permis à points en 2002. Même si les retraits de points sont restés jusqu’en 2015 moins sévères qu’en France ou en Espagne et qu’un conducteur perdait donc significativement moins de points pour le même type d’infraction au Luxembourg qu’ailleurs14, son existence est un élément important dans le parcours de la responsabilisation des conducteurs. En passant, on peut relever qu’en 2018, 93 % des cours obligatoires et 88 % des cours volontaires pour la récupération de points étaient fréquentés par des hommes15.
Campagnes de sensibilisation
Qu’en est-il des campagnes de sensibilisation que les automobilistes peuvent apercevoir le long des routes ? Elles constituent un autre élément important dans la stratégie d’éducation routière et de sensibilisation aux dangers de la route. Les campagnes de sensibilisation visent à induire un changement et proposent à cet effet des modèles de comportement aux usagers de la route. Le but est d’agir sur chaque individu afin d’augmenter la sécurité de tous. Depuis le début des années 2000, la grande majorité des affiches de la Sécurité routière Luxembourg privilégie une approche volontairement humoristique et pédagogique. Elles évitent le shockvertising, peu efficace dans le changement d’attitude à long terme dans lequel s’inscrit la sécurité routière. De nombreuses études sur l’impact du choc dans le domaine de la publicité et des campagnes de sensibilisation ont été réalisées. Outre le fait que ces images sont visibles par tous les usagers de la route, y compris les jeunes enfants, plusieurs auteurs concluent qu’il n’est pas nécessairement plus pertinent d’utiliser une image sanglante afin d’induire un changement de comportement. Wundersitz et al. préviennent ainsi, dans un travail sur les campagnes de sensibilisation dans le domaine de la sécurité routière, que ce type d’images devrait être utilisé avec prudence16.
Cismaru et al. ont réalisé une étude qui se concentre sur l’utilisation de menaces, et concluent que le message pourrait aussi être présenté sous d’autres aspects : plutôt que d’évoquer la menace de manière explicite, les campagnes pourraient proposer des solutions alternatives17. Le travail de Lewis et al. sur l’efficacité de la menace dans les campagnes de sensibilisation souligne également le potentiel des messages positifs utilisant l’humour18.
En 2007, le rapport de Philippe da Costa pour le Conseil économique et social de la République française, sur la responsabilité des différents acteurs en matière de sécurité routière, préconise également d’adopter d’autres manières de communiquer. Trop de campagnes s’adressent uniquement au conducteur alors qu’on pourrait travailler sur d’autres points de vue en y intégrant notamment les autres usagers ou les membres de la famille19.
Comment peut-on dès lors parvenir à toucher les gens ? Les campagnes de sensibilisation constituent un aspect parmi un ensemble de mesures. Les affiches ont le grand avantage d’être disposées directement dans le lieu sur lequel il convient d’agir. Certes, le temps d’attention des conducteurs est limité. En outre, les affiches ne doivent pas divertir inutilement le conducteur. Peu de texte et une accessibilité par le biais de l’image sont des éléments constitutifs d’une campagne réussie.
En deuxième lieu, la répétition du message constitue un atout fondamental de ces campagnes. En 2019, le réseau routier grand-ducal comptait 839 km de routes nationales20 et 165 km d’autoroutes21. La Sécurité routière Luxembourg dispose de 45 panneaux sur ces 1 004 km de voirie, ce qui revient à dire que l’usager de la route est confronté à une affiche tous les 22 km. Certes, le temps d’attention sur la route est réduit, mais il convient de relever que la répétition conditionne l’apprentissage, d’autant plus que chaque campagne est affichée en moyenne pendant trois mois.
Une étude de 2014 souligne par ailleurs l’importance des campagnes : 80 % des sondés dans une étude réalisée par TNS Ilres affirment que ce qui est présenté dans cette campagne vaut la peine d’être visionné ou écouté22.
La formation de chauffeurs responsables, notamment celle des plus jeunes, la sécurité et le maintien de l’ordre sur les routes, restent bel et bien des thèmes d’actualité. Même si des améliorations existent, le combat contre l’insécurité routière doit continuer. Il faut une cohérence absolue entre prévention et répression. Les comportements dangereux étant bien identifiés, il faut répéter continuellement les messages afin de les intégrer dans les mœurs de chacun. In fine, une meilleure prévention et responsabilisation des usagers est plus efficace que la plus forte des répressions.
- Dina FREITAS, « Sécurité sur les routes – usagers, véhicules et infrastructures 5 étoiles », dans Autotouring, n° 2, Luxembourg, Lux Presse International, 2014, p. 16-17.
- Brochure du 50ème anniversaire 1960-2010 : https://tinyurl.com/y65vyu5a (toutes les pages Internet auxquelles est fait référence dans cette contribution ont été consultées pour la dernière fois le 29 novembre 2020).
- https://www.securite-routiere.lu/sans-titre/
- Brochure du 50ème anniversaire 1960-2010, op.cit.
- https://tinyurl.com/y22htqjp
- Brochure du 50ème anniversaire 1960-2010, op. cit.
- https://tinyurl.com/yxjx8log
- Brochure du 50ème anniversaire 1960-2010, op. cit.
- Ibid.
- https://www.youtube.com/watch?v=OE7ngZsypuI
- https://tinyurl.com/yy6o5w6e
- Brochure du 50ème anniversaire 1960-2010, op.cit.
- Ibid.
- Conférence de presse de la Sécurité routière Luxembourg, 12 mai 2015.
- https://tinyurl.com/yymew8sf
- https://tinyurl.com/y3zexjjf
- https://tinyurl.com/y4x8vva4
- https://tinyurl.com/y49unmez
- http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2007/2007_13_philippe_da_costa.pdf
- https://travaux.public.lu/fr/reseau-routier/routes.html
- https://tinyurl.com/y6rwktqc
- Conférence de presse de la Sécurité routière Luxembourg, 17 décembre 2014.
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