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Quand l’architecture se met au service de l’école conviviale
« John Ruskin (a suggéré) que nous exigeons deux choses de nos bâtiments. Nous voulons qu’ils nous abritent – et nous voulons qu’ils nous parlent – nous parlent de ce que nous trouvons important et que nous avons besoin qu’on nous rappelle ».
A. de Botton (2007) dans Architecture du bonheur.
Des préoccupations telles que le développement du bien-être individuel ou la cohésion au sein d’une population multiculturelle sont attenantes à notre époque. Afin de relever ces défis, il est nécessaire de repenser la planification et la conception des bâtiments, et cet article propose une analyse des édifices scolaires en contexte urbain au vu de ces défis. Le fait que la durée de vie du bâti dépasse celle des préoccupations qui sous-tendent sa construction nécessite des anticipations sur l’évolution de dynamiques fort hétérogènes. Le Luxembourg constitue un cas particulier dans cette réflexion (taille de son territoire, richesse multiculturelle de la population scolaire et augmentation démographique en rapide expansion). Il est intéressant de réfléchir à comment transformer l’espace scolaire en lieu convivial, où chacun puisse trouver sa place. Trois moments clés dans le processus de conception permettent de porter cette réflexion: la planification urbaine de l’édifice, les considérations plus techniques et enfin les choix conceptuels en matière d’interactivité. Nous allons aborder successivement ces dimensions afin de cerner les problématiques qui y sont liées et identifier les leviers par lesquels il est possible d’intervenir.
De la convivialité entre communauté scolaire et communauté habitante
C’est donc par la planification urbaine des édifices scolaires et leur potentiel de mettre les communautés du quartier en contact que nous ouvrons notre réflexion. « L’espace scolaire interfère avec l’espace de la famille, du quartier, de la ville. L’école permet une articulation de ‘l’identité scolaire’ et de ‘l’identité sociale’».1 En ce sens, la structure scolaire ne peut être hermétique à son environnement. Au Luxembourg, la réglementation encourage d’ailleurs la construction d’écoles au sein du tissu urbain et conseille d’éviter les pôles urbains isolés, laissant la possibilité de créer un lien entre les entités.
Afin de stimuler un climat de rencontre au-delà de l’horaire scolaire, la mobilité pourrait se révéler comme un moteur d’échanges. En prenant davantage d’ampleur dans la réflexion du projet en amont de l’insertion d’un bâtiment scolaire, celle-ci pourrait permettre la création d’environs plus sécures, favorables aux mobilités douces. En Europe, divers dispositifs sont expérimentés dans cette optique. A Salzbourg (depuis 2017) et à Vienne (depuis août 2018), toute circulation automobile est stoppée autour de certaines écoles une demi-heure avant et après l’horaire des classes. Au Luxembourg, certaines villes proposent, comme de nombreuses villes des Pays Bas, du Royaume-Uni ou d’Allemagne, l’instauration d’un shared space, qui dans le cas de Bertrange par exemple touche l’espace scolaire du centre ville. Le programme MODU 2.0, planifié par le ministère du Développement durable et des infrastructures, va dans le sens de rues plus agréables et sûres favorisant la marchabilité.
Un autre levier d’action pourrait être la création de liens conviviaux entre communautés scolaire et habitante via des espaces plus perméables. Des exemples de partage d’infrastructure porteurs de convivialité existent ailleurs : en Islande, l’école SnadFellness High School est ouverte toute l’année et propose des services ouverts aux externes (squares, cafétéria, bibliothèque…). Certains pays limitrophes du Luxembourg ont mis en place des initiatives visant à ne pas séparer la communauté scolaire de son écosystème social. Le dispositif Contrat Ecole, à Bruxelles, se veut justement un stimulateur du lien communauté scolaire/quartier en créant des espaces semi-publics dans les cours d’école, en proposant un partage des équipements scolaires avec les habitants ou encore en encourageant les partenariats avec les associations locales. De tels dispositifs, notamment le partage des locaux et équipements, sont d’ailleurs préconisés dans la législation luxembourgeoise régissant les constructions scolaires. Selon l’auteure de cet article, sur un territoire restreint comme celui du Luxembourg, la densification via des projets compacts et hybrides ainsi que le partage des infrastructures constitue, outre la possibilité de créer du lien, une alternative intéressante pour limiter l’étalement urbain. Totalement opaque à son environnement, une école ne peut prétendre à la sociabilité et à la convivialité.
Enfin, l’instauration d’une économie circulaire pourrait favoriser la convivialité entre communautés, offrant aux habitants du quartier des services fournis par les élèves qui inséreraient alors ces pratiques dans leurs apprentissages (vente de légumes bios cultivés par la communauté scolaire, ateliers de réparation d’objets ou d’électronique comme lieu d’application pour un lycée technique…). Cela dit, ces dispositifs ne doivent en aucun cas affaiblir la sécurité des élèves, c’est pourquoi l’ensemble de ces actions doit impliquer toutes les communautés concernées. L’architecture peut alors intervenir en élaborant une circulation intelligente et efficace permettant de partager les zones sans les confondre.
Le bien-être au service de la convivialité
La santé et le bien-être constituent deux éléments importants pour la convivialité, rendant propice à aller vers l’autre. Dans la majorité des pays européens, les enfants ne sont protégés par aucune législation spécifique, la majeure partie des Etats se référant uniquement à la Convention internationale des droits relative aux Droits de l’Enfant (ONU), comme c’est le cas pour le Luxembourg. Ce souci de protection débute par des espaces sains. L’architecture scolaire se voit donc obligée de porter une attention particulière aux matériaux utilisés pour la construction et la qualité des espaces qu’elle génère. Si bétons biosourcés ou bétons purifiants sont des dispositifs en développement intéressants, les fondements du confort passent avant tout par la qualité de l’air, de l’acoustique, la quantité de lumière naturelle, etc.. Une bonne conception architecturale (proportion, choix des matériaux…) évite des soucis liés à l’acoustique de locaux plus ouverts. Concevoir le bien-être dans l’édifice scolaire passe aussi par la présence d’éléments de biophilie. L’être humain a besoin de lumière naturelle pour renforcer son système immunitaire et pallier à certaines carences. La favoriser au sein de l’édifice est désormais évident, mais envisager la possibilité de pratiquer l’enseignement en dehors des parois de l’édifice porte une réflexion nouvelle et inédite aux aménagement extérieurs d’une école. En ce sens, les jardins collaboratifs – excellents prétextes au partage et au partenariat – et les potagers scolaires pourraient, outre le fait de rephaser les élèves avec leur environnement direct en les confrontant aux cycles naturels, constituer un élément de santé. C’est dans cet esprit que le projet Rome (lauréat du concours d’idée AWR International Ideas Competition) propose un projet interpénétrant nature et école, s’inspirant d’études récentes mettant en exergue une facilité accrue des élèves à apprendre dans un contexte naturel2 fournissant au passage le terrain optimal à la découverte des énergies renouvelables telles que les énergies solaires ou éoliennes. Certaines symbioses école-nature s’avèrent simples à mettre en œuvre et utiles à d’autres fins. Par exemple, planter une allée d’arbres à feuilles caduques face à une façade exposée au sud permet de fournir une allée ombragée aux élèves, de protéger les baies en été grâce au feuillage tout en continuant à bénéficier d’une généreuse quantité de lumière en hiver lorsque les arbres sont nus.
Plus les élèves seront plongés dans un milieu dans lequel les conditions de confort sont respectées, plus ils s’y sentiront à leur aise et seront enclins à l’échange et à la convivialité.
La configuration spatiale au service de l’échange convivial
Certaines pédagogies, comme la Reggio Emilia, ont identifié l’espace comme le third teacher ou encore le silent curricula. Les pédagogies Montessori, Freinet, Steiner-Waldorf et d’autres misent sur des configurations spatiales précises. Nous avons comparé les typologies rattachées à ces pédagogies afin d’en dégager les concepts spatiaux communs. On y décèle des transcendances spatiales telles qu’une attention particulière portée à l’espace commun, un lien à l’environnement naturel, une salle de classe flexible dotée de multiples sous-espaces, l’idée ancrée d’une communauté et une prise en compte indispensable du contexte urbain et social. Ce dernier point s’avère discutable, les écoles alternatives ayant souvent des frais d’inscription conséquents qui ne permettent pas forcément une réelle mixité sociale ni la présence d’élèves du même quartier. Néanmoins la volonté d’ouvrir l’école à la société et à son territoire est présente. Hors pédagogies alternatives, une mise en parallèle de projets d’école qualifiés comme « les plus innovants » (qui ont fait l’objet d’articles ou lauréats de prix spécialisés), a été également réalisée pour en dégager les invariants spatiaux: une attention particulière portée aux espaces de distribution, un maximum de transparence (préconisé également dans les principes spatiaux des écoles Montessori), une intégration dans le tissu urbain, une plus grande flexibilité des lieux, une importance donnée à la concertation avec la communauté scolaire au moment du projet.
En croisant les résultats, il ressort que 1) la qualité de l’espace commun, 2) la flexibilité des espaces et 3) l’intégration dans la ville sont des principes fondamentaux. Cependant, différentes remarques sont à formuler. D’abord, si dans les projets innovants l’espace commun est mieux considéré, une réflexion autour de leur aménagement semble nécessaire afin de leur conférer un réel statut fédérateur. Ensuite, l’ouverture à la société dans les projets est souvent freinée par une réglementations très stricte liée à la sécurité. Au Luxembourg, les normes de sécurité et d’hygiène sont particulièrement strictes comparées aux pays voisins. Enfin, d’après les retours d’expériences sur des projets luxembourgeois, l’étape de co-concertation semble souvent mal orchestrée, les discussions trop tardives se révèlant parfois sources de tensions et de frustration à la fois pour l’équipe enseignante, insatisfaite du modèle proposé, et pour l’équipe de conception qui se voit infliger des changements majeurs à une étape déjà bien avancée du projet. Or, le dispositif de conception participative permet de se rapprocher de méthodes telles que le responsive design, le responsive commissioning, ou encore l’iterative design. En effet, une architecture conviviale est avant tout une architecture reconnue par ses utilisateurs, adaptée à leurs besoins et à leurs pratiques.
D’autres éléments sont à considérer, comme le fait que le design de l’environnement physique actuel n’est pas propice à l’intégration des technologies de l’information et de la communication (ICT). Or, celles-ci sont en train de changer profondément le binôme instruction-apprentissage et les interactions au sein de la communauté scolaire. Anticiper les besoins liés à ces avancées fait partie des enjeux de l’architecture scolaire, à l’heure où une digitalized media ecology est mise en place, comme le soulignent le Digital Education Action Plan de la Commission Européenne, voire le Digital Classroom Lëtzebuerg au Luxembourg.
Plus généralement, les édifices ayant des configurations plus flexibles permettent une articulation entre la structure des espaces scolaires et leurs aménagements afin de favoriser les apprentissages et le développement des apprenants.3 En Europe, de nombreux bâtiments scolaires l’illustrent, comme le Nuovo Complesso scolastico di Monzambano en Italie via un espace commun central extrêmement flexible ou encore l’Onestag Gymnasium à Copenhague et ses salles de classes installées sur des terrasses circulaires. Au Luxembourg, le récent Luxembourg Learning Center de l’Université à Belval propose un lieu doté de sous-espaces séquencés et conviviaux permettant de travailler seul ou à plusieurs, avec ou sans écran, etc.. Cette typologie spatiale multiforme est unique non seulement sur le campus de Belval, mais également dans le pays entier. Ainsi, certaines typologies peuvent être plus ou moins porteuses d’échange et de convivialité.
Les bâtiments scolaires existants constituent de fait un point de réflexion important. L’idée est de proposer des interventions séquencées par étapes afin de tendre vers un idéal architectural. Ces métamorphoses peuvent être pensées dans un souci de maîtrise des dépenses liées au fonctionnement du bâtiment en favorisant les énergies renouvelables, en réduisant les frais d’entretien via des matériaux plus durables et en offrant une modularité suffisante pour réduire les interventions futures en cas de changement d’affectation ou d’un besoin d’agrandissement.
C’est donc à travers un changement du mode de conception, incluant une dimension participative efficace, et de configurations spatiales plus flexibles, porteuses de rencontres et à leurs équipements que l’architecture, en interaction avec les autres champs disciplinaires de l’école, actuels et futurs, peut contribuer à la convivialité de l’école de demain.
1 V. Pugin: « L’école dans son environnement social et urbain » in Millénaire, Le Centre Ressources Prospectives du Grand Lyon, 2008
2 A. Peters: « This Preschool Doubles as an Urban Farm » in Fast Company, category Change Generation, 02.25.16 (online)
3 P. Lippmann: « L’environnement physique peut-il avoir un impact sur l’environnement pédagogique? » in CELE Echanges 2010/13, OCDE 2010
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