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Ces robots qui envahissent le monde du travail
La non scientifique que je suis observe avec fascination les vagues d’innovation qui submergent le monde. La convergence des technologies et des différentes sciences rend possibles des réalisations et créations que je croyais réservées aux films de science-fiction.
Nous assistons à un phénomène considéré comme à la fois irréversible et incertain: irréversible parce qu’il n’y a pas ralentissement mais renforcement des interactions entre les différentes disciplines. Les laboratoires interdisciplinaires prolifèrent au niveau mondial, ce qui incite à une compétition ardue entre scientifiques de tous les continents – et évidemment aussi d’entrepreneurs plus ou moins scrupuleux qui poussent à la mise sur le marché de tous les artefacts présentant un intérêt pour des consommateurs potentiels.
Le phénomène est également incertain parce que par définition l’avenir n’est pas connu et que les grandes découvertes sont le fruit de beaucoup de travail certes, mais également du hasard et que leurs conséquences directes et indirectes sont imprévisibles.
Un secteur d’avenir
Il en est notamment ainsi de la robotique et de l’intelligence artificielle qui allient mécanique, électronique et informatique et qui s’associent de plus en plus à la biologie, la nanotechnologie et les sciences cognitives.
De l’avis général la robotique est un secteur d’avenir et il est tout à fait réaliste de prédire que les robots seront de plus en plus présents dans la production industrielle, mais aussi dans l’agriculture, les transports, la santé, les services aux personnes et aux ménages, sans parler du secteur des jouets et du système éducatif, bref aucun secteur d’activité ne sera exclu. Les robots deviendront plus intelligents et plus autonomes, les futurs robots ne seront pas programmés pour répéter toujours la même tâche, ils seront capables d’apprendre et donc de s’adonner à des tâches qui pour l’instant, sont accomplies de façon plus satisfaisante par l’homme.
Le défi du législateur consiste donc à accompagner ce développement, à créer un cadre suffisamment flexible pour ne pas étouffer l’industrie européenne – en 2014 l’industrie européenne représente 32% de la production mondiale – et en même temps suffisamment strict pour protéger le consommateur et surtout pour défendre la dignité des hommes et la cohésion de nos sociétés.
Parmi les nombreuses questions et réserves que soulève la révolution robotique se trouve évidemment la question de l’emploi. Les robots vont-ils détruire massivement nos emplois et augmenter le taux de chômage déjà substantiel dans nos pays?
Les avis des experts divergent. À la question si les applications de l’intelligence artificielle et les robots détruiront plus d’emplois qu’ils n’en créeront d’ici 2025, question adressée à 1896 experts, les réponses se tiennent la balance: 48% estiment qu’un nombre important d’emplois seront supprimés, alors que 52% s’attendent à ce que il y aura autant de nouveaux emplois créés que d’emplois existants détruits1.
Une chance pour la compétitivité
Ces derniers que je qualifie d’optimistes recourent aux arguments historiques. Chaque révolution technologique a créé plus d’emplois qu’elle n’en a détruits et il n’y a aucune raison que cette règle historique ne s’applique pas à la robotique. Ils recourent à la théorie économique classique: la robotisation qui accroît la productivité des industries concernées réduira le prix des produits, ce qui augmentera la demande pour ces biens et entraînera une demande de travail plus élevée de ces secteurs. Et de citer l’exemple de l’industrie allemande, la plus performante en Europe, qui est aussi la plus robotisée. Et de prédire que des chaines de production délocalisées actuellement vers des pays à main d’œuvre bon marché seront rapatriées vers des pays à haute productivité. Cependant, cette hypothèse ne se réalisera que si l’Europe réussit à empêcher la fuite des cerveaux. À l’heure actuelle, trop de starts-up ou même des entreprises bien établies sont achetés par les grandes multinationales américaines, voire japonaises. Même le fleuron du know-how français, la société Aldebaran, créatrice du NAO, a été cédée aux Japonais.
Il ne s’agit pas de méconnaître les opportunités et les bienfaits des robots. Ils seront utilisés dans des domaines qui sont trop difficiles ou trop dangereux pour les hommes, comme l’exploration spatiale, les tâches de recherche et de sauvetage, la décontamination de centrales nucléaires ou encore l’entretien de plateformes en mer. Je ne mentionnerai pas les usages militaires de robots, sujet qui soulève des questions autrement plus complexes.
Les robots peuvent être chargés de charges trop lourdes pour les hommes, comme de soulever des objets pesants, de retourner des patients dans leur lit, ce qui ménagera la santé des humains et permettra aux professionnels de ne pas être renvoyés de leur emploi pour cause d’invalidité.
Une menace pour l’emploi
Àl’opposé, ceux que j’appelle les pessimistes, donnent à considérer que l’accélération du développement technologique est si rapide que le marché de travail et les hommes n’auront pas le temps de s’y adapter. La révolution industrielle a pris des dizaines d’années pour se déployer, ce qui a permis aux sociétés de développer progressivement de nouveaux emplois. Mais aujourd’hui, face à l’accélération de l’innovation, l’humanité risque d’être prise de court: les technologies changeront avant que l’homme n’ait pu s’adapter.
Pessimistes et optimistes s’accordent toutefois pour prévoir que, dans la phase transitoire, des emplois seront supprimés et surtout que certaines tâches seront affectées plus que d’autres. Le secteur du transport sera certainement le plus touché: les voitures sans chauffeur vont supprimer des millions d’emploi sans forcément en créer des nouveaux. La logistique est considérée comme vulnérable et les emplois administratifs. On observe déjà maintenant que les postes exigeant des qualifications «moyennes» sont rationalisés parce que les robots et leurs algorithmes sont plus rapides et plus fiables que les hommes pour tout ce qui concerne les tâches répétitives.
On assiste à une polarisation de l’emploi: les emplois hautement qualifiés exigeant de l’esprit d’initiative, de la créativité, de la communication, de l’intuition restent réservés l’homme. À l’autre extrémité de l’échelle les emplois dits à faible qualification ne sont pas non plus pris par les robots. Les robots ne sont pas capables de préparer la nourriture, de servir en restauration, de nettoyer convenablement.
Il y aura des gagnants et des perdants face à la robotisation du travail: les gagnants sont les personnes hautement qualifiées, notamment les ingénieurs, les scientifiques, les informaticiens, mais aussi des techniciens. Les perdants seront les personnes moyennement qualifiées qui verront leur emploi disparaître. Selon toute logique ceux-ci se rabattront sur les emplois à faible qualification avec le résultat que les personnes faiblement qualifiées ne trouveront plus du tout leur place sur le marché du travail.
Les défis à relever
Un des grands défis consiste donc à élever le niveau de qualification de tous et de doter tous les jeunes et moins jeunes des compétences requises pour interagir avec les robots. Ceux-ci sont déjà présents dans bien des secteurs: l’agriculteur fait traire ses vaches par des robots, le chirurgien opère avec le da Vinci, NAO pénètre dans les écoles et semble bien accueilli par les enfants autistes, des diagnostics médicaux sont posés par des programmes informatiques. Il faut donc former non seulement en formation initiale mais aussi en formation continue. Le Life Long Learning est plus que jamais d’actualité et il faut veiller à éviter les inégalités d’accès à la formation.
S’il y a une incertitude sur l’évolution de l’emploi, en revanche il est certain que les robots modifieront les modes de travail. Leur présence sur les lieux de travail et leur interaction avec les hommes induit des questions de sécurité qui devront être traitées dans la standardisation des produits, mais aussi dans les règlementations sur la sécurité au travail.
Plus compliquée à résoudre sera la question de la protection de la sphère privée. Par essence un robot ne peut fonctionner que s’il est équipé de capteurs qui collectent une foule de données. En plus chaque robot interagira avec d’autres robots et avec des plateformes. La législation sur la protection des données devra donc être revue à la lumière de ces évolutions, notamment pour savoir qui a accès à ces données et dans quelle mesure le travailleur jouit de la protection de sa sphère privée dans ses relations de travail.
Il sera impératif de fixer des règles imposant aux concepteurs de robots des principes qui devront être respectés dans le développement des algorithmes. D’autres principes seraient le respect de la sphère privée et le respect de la proportionnalité afin de n’enregistrer que les informations nécessaires au bon déroulement des opérations, définir la durée de sauvegarde et les personnes qui ont accès aux données.
Comme la robotisation est un phénomène irréversible et incertain, j’estime néanmoins que nos sociétés devraient se préparer à différents scénarios. Quid si les prévisions les plus pessimistes se réalisent, si 80% des emplois actuels2 seront pris par des robots sans être remplacés par des emplois nouveaux? Les conséquences sur les systèmes de sécurité sociale, reposant sur des cotisations sur les salaires seront dramatiques. Comment financer l’assurance retraite, l’assurance maladie? Pourra-t-on taxer les robots et lesquels? En tout état de cause il sera utile d’organiser dès à présent un observatoire qui fera le suivi minutieux de l’évolution de l’emploi, des qualifications requises et des tâches robotisées.
Et pourquoi pas?
Certains arguent que ce scénario du pire est en fait le plus souhaitable: l’homme sera enfin libre, libéré du travail. Il pourra se consacrer aux loisirs et comme Keynes écrivit en 1930 dans son essai Economic Possibilities for our Grandchildren «for the first time since his creation man will be faced with his real, his permanent problem – how to use his freedom from pressing economic cares, how to occupy the leisure, which science and compound interest will have won for him, to live wisely and agreeably and well».
Tout de suite me vient à l’esprit le parallélisme avec l’empire romain: les esclaves travaillaient, il fallait assurer aux citoyens panem et circenses.
Il n’est donc que logique que les propositions sur l’introduction d’un revenu universel se multiplient dans tous les pays européens et dans les partis politiques les plus divers. Quant aux circenses, appel aux créateurs!
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