Comment souhaitons-nous vieillir?

Maison de retraite, maison de soins, résidence senior, logement encadré, il y a beaucoup de possibilités offertes aux personnes vieillissantes, mais sont-elles suffisantes? Et surtout, répondent-elles à leurs besoins? Plaidoyer pour le cohabitat.

En 1900, les gens avaient une espérance de vie de 50 ans. Aujourd’hui, l’espérance de vie à la naissance, hommes et femmes confondus, tourne autour des 82 ans1. L’âge de la retraite étant en moyenne de 58 ans2, notre troisième âge dure environ 25 ans? 25 ans à être «vieux». Regardez vos 25 premières années de vie ou celles entre 25 et 50 ans. Nous faisons beaucoup de choses dans ces années. Et de 60 à 85, quel est le plan? Quel plan avons-nous pour notre vieillesse? La plupart des gens veulent rester à la maison aussi longtemps que possible. C’est compréhensible car on met beaucoup d’énergie et de temps à construire son «chez-soi». Mais la maison que l’on a créée pour sa famille n’est peut-être plus la maison idéale à l‘âge de la retraite. Elle se fait grande, demande beaucoup d’entretien et puis surtout, elle se vide. Nous avons tous des souvenirs de notre maison d’enfance, nous en avons de notre maison familiale. À nous d’en créer dans la maison de nos vieux jours.

Les solutions existantes

Au Luxembourg, 15% de la population a plus de 65 ans. D’ici 2040, ce sera plus de 20%3. Il est urgent de créer plus de solutions d’habitat pour les personnes vieillissantes. Il n’y en a déjà pas assez aujourd’hui4. De quelles solutions dispose-t-on actuellement?

Rester chez soi le plus longtemps possible. En cas de besoin, des organismes d’aide à domicile proposent leurs services.

Les résidences senior accueillent des personnes de 60 ans et plus dans des appartements de 1 à 3 chambres, en vente ou en location. Une résidence service n’a pas d’agrément du ministère de la Famille et ne peut donc pas proposer des soins en interne. En cas de besoin, on peut faire appel à un organisme externe d’aide à domicile, souvent imposé par le gestionnaire de la résidence senior.

Les logements encadrés s’adressent à des seniors autonomes et valides. Ils proposent des appartements/studios mis à disposition sous forme de vente ou de location comportant des services d’assistance et/ou de soins. En cas de besoin, des soins infirmiers ponctuels peuvent être prestés sur place. Si la dépendance devient trop importante, la personne doit déménager en maison de retraite ou de soins.

Les maisons de retraite ou les CIPA (Centre intégré pour personnes âgées) sont conçus pour des seniors nécessitant au moins d’une aide minimale pour les activités de la vie quotidienne (nutrition, mobilité, hygiène corporelle). Les personnes peuvent conserver leur chambre/studio jusqu’à la fin de leurs jours sans devoir changer d’établissement même si elles deviennent plus dépendantes. La palette des services couvre les prestations de soins, les services de restauration et d’hôtellerie ainsi que l’encadrement social et socioculturel.

Les maisons de soins accueillent les personnes dépendantes qui, dès leur entrée, nécessitent plus de 12h de soins par semaine. Elles offrent une chambre dans une résidence avec tous les soins (le personnel soignant est sur place) et services nécessaires (restaurant, laverie, nettoyage, repas sur roues). Elles proposent également certaines activités sociales.

Les résidences senior ne sont rien d’autre que des immeubles réservés aux seniors avec des appartements adaptés aux personnes à mobilité réduite et certains services en option. Au final, cela revient assez cher. On peut compter autour des 2000 € de location par mois en moyenne, sans compter la facturation de certains services en option.

Les logements encadrés peuvent être une solution intermédiaire. On y est indépendant tout en ayant la sécurité d’un certain encadrement (personne sur place en journée, téléalarme, etc.). Les coûts sont similaires à ceux des résidences senior. En cas de plus forte dépendance, on doit cependant déménager.

Rester chez soi peut paraître idéal mais les soins reçus à domicile ne sont pas toujours aussi qualitatifs que souhaité. Les personnes viennent chaque jour à des heures différentes, ce ne sont pas toujours les mêmes et surtout, elles n’ont pas beaucoup de temps à consacrer aux seniors. Alors que, parfois, c’est la seule visite que le senior aura au cours de la journée.

Les maisons de retraite et de soins ne sont le premier choix de personne. Elles sont souvent choisies dans l’urgence en raison d’une dépendance grandissante. Il y a des listes d’attente pour y entrer. Le coût est en moyenne de 2000 € pour une chambre simple5.

Ces diverses solutions spécifiquement adaptées aux seniors répondent à une partie des besoins, notamment le besoin de sécurité et celui d’être soigné. Par contre, elles ne répondent pas au besoin de maintenir des relations sociales saines ni à celui de rester valorisé et utile à la société.

Alors, tant qu’à devoir créer davantage d’habitations adaptées aux seniors, pourquoi ne pas essayer de créer des solutions qui ne répondent pas uniquement au besoin de se loger mais qui permettent de vivre pleinement sa vie de senior?

Quelles alternatives?

L’homme n’est pas fait pour vivre seul. D’ailleurs, une minorité d’entre nous vit seul. Il est vrai que de vivre en société, c’est compliqué. Les familles sont complexes, les couples ne durent pas toujours mais nous y croyons et nous essayons tous. La plus longue étude sur le bonheur, réalisée par Harvard6, montre que ce qui est primordial dans une vie heureuse, c’est d’être entouré de relations sociales saines. Cela maintient en forme, physiquement et psychiquement.

Une des premières raisons de quitter son habitation pour une résidence senior, c’est la recherche de sécurité. On veut sécuriser son environnement, être entouré de personnes «en cas de besoin». Le Danemark, la Suède et les Pays-Bas sont les pionniers de l’habitat participatif et ce, depuis les années 80. L’intérêt du cohabitat est en hausse depuis plus de 30 ans dans d’autres pays d’Europe également, notamment l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie et l’Espagne. 250 communautés de seniors existent à ce jour seulement au Danemark. Ne serait-ce pas un modèle à suivre?

Cohabiter, cela signifie avoir un appartement privatif dans une maison où il y a également des parties communes partagées et où les personnes qui y vivent ont un projet commun autour de valeurs communes. Ce sont des maisons autogérées où il est possible de connaître ses voisins et de s’entraider au quotidien. On est chez soi parmi les autres.

Rusty Boys

La thématique de la création d’un habitat groupé par un groupe de seniors est examinée à la loupe par le réalisateur luxembourgeois Andy Bausch dans son dernier film Rusty Boys. Un groupe de «vieux» essaye de monter un projet de maison autogérée. Ils se heurtent à des difficultés administratives et financières. Avec beaucoup d’humour et en traitant nombre de clichés, le film met en avant ces hommes qui se voient vieillir et ont envie de garder la maitrise de leur vie tout en s’entraidant au quotidien.

Ce rêve d’une colocation de seniors n’est pas juste une fiction. Mais comme illustré dans le film, le faire devenir réalité demande beaucoup de compétences différentes et de persévérance.

Créer un cohabitat?

Un cohabitat peut se réaliser soit en autopromotion, soit en se faisant accompagner. Dans le premier cas, le groupe d’habitants crée son habitat de A à Z, en évitant les coûts des intermédiaires (promoteurs, etc.). La deuxième manière, c’est de se faire accompagner. Cela a comme avantage de gagner du temps dans la réalisation de son projet et de ne pas sauter d’étapes importantes. La start-up Nouma Sàrl facilite la mise en place de telles maisons au Luxembourg. Elle accompagne des personnes intéressées ou des groupes déjà constitués dès le premier intérêt jusqu’à la l’emménagement des seniors et même au-delà.

Vivre en cohabitat est une manière de vivre de manière indépendante dans un appartement privatif et de partager une partie de la vie quotidienne avec des voisins connus dans des espaces communs modulables. Des voisins connus? Oui, le groupe d’habitants est accompagné pour mettre en place les règles de la vie commune. Donc, au moment d’emménager, ils ne sont pas seulement des voisins qui vivent côte à côte, mais des amis qui peuvent compter l’un sur l’autre. Des espaces communs modulaires? Oui, la conception des espaces communs est décidée avec le groupe d’habitants. Cette partie est planifiée d’un point de vue architectural afin de pouvoir accueillir différents espaces de vie commune tels que la cuisine, un salon, une salle culturelle, une salle de sport… Juste des seniors entre eux? Cela comporte bien des avantages. On est dans la même phase de vie, on partage les mêmes activités, on a du temps. Ce que les jeunes font, on l’a déjà fait. Et puis cette maison ne sera pas fermée sur elle-même. On va créer des liens selon les envies des habitants, avec des crèches, des maisons de jeunes, des écoles, des centres culturels, des centres de formation… Et si l’envie d’un habitat intergénérationnel est plus forte, cela est faisable aussi. Et en cas de dépendance? Les soins à domicile sont toujours possibles. Si les habitants acceptent de créer un fond commun, il est même envisageable d‘embaucher un aide-soignant pour la maison.

Il y a beaucoup de variétés de cohabitats: location, acquisition, mixité sociale, intergénérationnel, grand ou de taille moyenne, en ville ou à la campagne… Ce sont les personnes formant le groupe d’habitants qui déterminent le projet. Dans toutes les initiatives réalisées à l’étranger, on voit rarement deux projets similaires. Tous ont leurs spécificités.

Il est légitime de souhaiter rester indépendant le plus longtemps possible. Pour beaucoup, le plus normal serait de vieillir entouré et actif. Ainsi, plutôt que de parler du troisième âge, j’aime l’idée d’un troisième acte, comme au théâtre. On se rappelle souvent du commencement et de la fin. Il est donc important de se donner les moyens de bien jouer ce troisième acte!

1 Statec, N° 13/2015 Regards sur la mortalité

2 Statec, La transition de la vie active vers la retraite 25-02-2014
3 Statec, La population d’après l’âge (en %);08-04-2015
4 LW: „Pflege im Alter: Alters-und Pflegeheime: Der Platz wird knapp“; 27-02-2017
5 Guide pratique pour séniors, Ministère de la Famille
6 Harvard; Robert Waldinger; « Qu’est-ce qui fait une vie réussie: Leçons de la plus longue étude sur le
bonheur »; TED; 2015

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