A l’instar de l’agora grecque, le débat et l’échange sont les piliers fondamentaux d’une démocratie. Or, même en Grèce, la démocratie n’était guère parfaite étant donné que seuls les hommes et les non- esclaves étaient autorisés à participer à ces débats sur la place publique. De nos jours, le monde politique reste toujours exclusif, même après l’introduction du suffrage universel au début du siècle dernier. Il semblerait que la forme représentative de notre démocratie ait tourné, selon Bernard Manin, en « démocratie aristocratique » et que « conçue en opposition explicite avec la démocratie, le gouvernement représentatif passe aujourd’hui pour l’une de ses formes ». La conséquence logique en est un citoyen non-autonome, écarté du processus d’élaboration des politiques publiques et du débat politique, un domaine réservé aux représentants élus à ces fins.

Dans un pays ayant une culture de débat faible et un déficit de ce qu’on appellerait en allemand « Streitkultur », le nouveau gouvernement a proclamé que l’une de ses priorités était une plus grande participation citoyenne dans le processus politique. Selon ses initiateurs, le référendum devait etre l’occasion d’un grand débat. Or, l’organisation du référendum et les discussions qui l’ont précédé nous ont montré que la participation et le débat requièrent des qualités qui doivent se développer, de la part des représentants politiques ainsi que des citoyens. Les responsables politiques sont restés à l’écart du débat jusqu’aux dernières semaines et ont laissé trainer les choses au point où il faut se demander s’ils souhaitaient vraiment la mise en oeuvre de leurs propositions ou simplement isoler le CSV. La négligence avec laquelle ce référendum a été organisé est irresponsable : les fossés creusés dans la population vont persister pendant des années et surtout, dans le cas du droit de vote pour les résidents non-luxembourgeois, le NON aura un effet durable. Cette situation de post-référendum constitue une excellente opportunité pour creuser dans les habitudes et formes de discussion qui ont cours au Grand-Duché.

Les auteurs de ce dossier analysent donc de près les acteurs et les caractéristiques du « débat à la luxembourgeoise ». Michel Thiel et Luc Caregari explorent les discussions en ligne et les consé- quences de cette nouvelle forme de débats sur notre société, la manière dont nous nous exprimons et nous échangeons — si l’on peut parler d’« échange ». En lisant ces articles, on se rend compte qu’à travers les pratiques des médias sociaux, le champ d’échange se réduit et que l’on se retrouve avec des arguments proches de ses propres arguments. Dans son article sur les pétitions publiques, Michel Dormal analyse les résultats de ce nouveau dispositif participatif qui, selon l’ancien Ombudsman Marc Fischbach, allait renforcer la démocratie luxembourgeoise. Il conclura que, malgré l’explosion quantitative des pétitions électroniques, il s’avère plus difficile de réunir un grand nombre de signatures et d’assurer un suivi efficace de la part des autorités politiques.

Djuna Bernard nous donne un aperçu des différentes « sphères de discussion » des jeunes tandis que Michèle Schilt et Marc Schoentgen exposent l’importance d’intégrer l’apprentissage de la discussion dans l’enseignement. Considérant le grand nombre de conseils supérieurs ayant la mission de conseiller le gouvernement, Francis Schartz précise que ce dernier pourrait davantage profiter de l’expertise de ces structures alors que l’auto-saisine reste tout aussi importante. Charles Margue, en tant que directeur de TNS Ilres, propose son avis sur les sondages et leurs effets sur la formation de l’opinion publique.

Pierre Bourdieu dirait qu’il n’en existe pas une seule. Il fait référence à une multiplicité et fragmentation des opinions, une réalité que décrit la couverture de cette édition, chaque grain de sable représentant un individu avec ses opinions personnelles. Un entretien avec Stefan Gehrold, le directeur du bureau régional de la Fondation Konrad Adenauer à Bruxelles souligne la plus-value d’un « think tank » proche d’un parti politique et fait référence aux efforts de réforme à l’intérieur du parti CSV. Michel Pauly et Serge Kollwelter analysent l’évolution du Luxemburger Wort durant les quarante dernières années et soulignent la nouvelle tendance à représenter des courants d’opinion plus divers. Finalement, il y a une brève observation des activités des députés durant les plénières qui soulignent le manque d’importance donné à ces débats.

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