Défense: À la recherche de la complémentarité

Souvent oubliée, la politique de défense fait partie intégrante de la politique étrangère du Luxembourg.

Souvent oubliée, la politique de défense fait partie intégrante de la politique étrangère du Luxembourg. Avec des dépenses de l’ordre de 80 millions en 2015, l’effort militaire du Luxembourg est relativement faible, mais il en augmente l’efficacité en se basant sur la coopération et la complémentarité avec ses alliés.

La défense luxembourgeoise s’inscrit dans le processus d’intégration européenne d’une part et dans la politique de l’OTAN d’autre part. Les mesures arrêtées au plan national dans ce domaine tiennent compte des obligations auxquelles nous avons souscrit tant dans le Traité de Washington de 1949 (OTAN) que dans le Traité de Lisbonne. Cette approche est pour ainsi dire consensuelle. L’on constate qu’au niveau de l’Union européenne (UE), la doctrine militaire n’a guère évolué depuis 2003. En effet, Javier Solana, Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’UE entre 1999 et 2009, avait rassemblé dans un papier qui porte son nom quelques principes et éléments de base devant guider la politique de l’Union européenne au plan militaire. Solana n’avait alors pas manqué d’esquisser à la fois les possibilités et les limites de l’action militaire. Pour rappel: toute opération militaire lancée sous les auspices de l’UE doit être conforme au droit international. Il est inimaginable que l’UE puisse outrepasser une décision du Conseil de sécurité des Nations unies. Quant à l’OTAN, celle-ci s’impose également des règles, sans toutefois les appliquer de façon aussi stricte que l’UE. Ainsi, l’intervention militaire de l’OTAN en Serbie en 1999, non autorisée par le Conseil de sécurité, eût-elle été impensable sous l’égide de l’Union européenne. Voilà pour ce qui est des ambivalences dans lesquelles peut nous entraîner notre participation à deux organisations distinctes traitant de la dimension militaire.
Le Luxembourg, membre fondateur des deux organisations, n’a pas à regretter ses choix en matière de sécurité et de défense étant donné que certains de ses partenaires naguère encore se trouvaient dans le camp adverse. Ceux-ci partagent aujourd’hui la même lecture des menaces militaires et acceptent de contribuer à les déjouer, à juguler les risques, à proposer des alternatives au recours à la violence et à ne voir dans l’action militaire qu’une ultime tentative de résolution d’un conflit. Il n’est pas sans intérêt, cependant, de constater que pour les États membres de l’Union européenne, la participation aux efforts déployés dans le domaine de la politique de défense reste une discipline à géométrie variable. Certains pays comme la Suède, l’Irlande, la Finlande et l’Autriche, non-membres de l’OTAN, acceptent tout de même de s’impliquer dans des opérations de maintien de la paix tout en refusant, à ce stade, de devenir membre de l’OTAN. Les progrès réalisés en la matière témoignent de la volonté de coopérer davantage même si des lacunes importantes subsistent encore pour faire apparaître l’Europe comme une vraie communauté de destin.

La voie dans laquelle nous sommes engagés vise moins à créer une armée européenne plutôt qu’à avancer dans la définition d’une politique de défense commune. De ce point de vue, les objectifs de défense sont pour ainsi dire les mêmes selon qu’il s’agit de l’UE ou de l’OTAN. Depuis des années, les deux organisations font le même constat quant aux lacunes de leurs États membres en matière d’équipement et de capacités de mobilisation. À cet effet, un inventaire permanent renseigne nos États sur les efforts qu’ils doivent consentir en vue de rendre leurs alliances suffisamment efficaces et crédibles. D’importants progrès vont devoir être accomplis dans le cadre de la recherche et le développement de capacités militaires, notamment dans le domaine du transport logistique. Le Luxembourg est un des rares pays
— pour ainsi dire le seul — à avoir investi dans le transport logistique aérien en souscrivant au projet de construction de l’Airbus A400M, étant pleinement conscient que les seuls besoins de l’armée luxembourgeoise ne justifient pas l’acquisition de cet appareil. C’est le catalogue des capacités tant de l’UE que de l’OTAN qui rendent cette décision pertinente.

Bien que chez nous la discussion sur les aspects de défense ne dépasse que rarement le stade caricatural, nombre d’observateurs étrangers reconnaissent néanmoins à notre pays le mérite d’avoir privilégié la voie de la complémentarité en lançant, il y a une quinzaine d’années, une coopération militaire très étroite avec la Belgique. Au fil des ans, notre voisin belge est devenu pour nous indispensable. Il y a lieu de rappeler que nos deux pays n’ont cessé de coopérer étroitement dans la plupart des interventions à caractère militaire lancées au cours des vingt dernières années. Nous avons joint nos efforts à ceux déployés par la Belgique en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo, ainsi qu’en Afghanistan. Avec le recul, il est permis d’affirmer que cette coopération
a été salutaire pour les deux pays.

Nos contributions peuvent aussi se concrétiser par un recours aux possibilités technologiques dont dispose le Luxembourg, notamment dans le cas de l’observation satellitaire. Cette initiative, à en croire notre actuel ministre de la Défense, peut même générer des rentrées pour l’Etat. Il y a lieu de s’en féliciter et tant mieux si cela est réalisable.

Au vu de ce qui précède, le Luxembourg en tant que petit pays n’est certes pas le membre le plus actif en matière de défense. Il importe, cependant, de prendre en considération l’exiguïté de notre territoire, sa population limitée, son histoire militaire peu comparable avec celles de nos voisins, avant de porter une évaluation sur ses performances dans le domaine militaire. Il importe de le faire savoir également à nos partenaires qui ont souvent tendance à pointer du doigt le faible pourcentage de dépenses militaires du Luxembourg en relation avec le revenu national brut (RNB). Les efforts consentis par le Luxembourg au cours des vingt dernières années tendent à répondre aux attentes de nos alliés sans pour autant atteindre le même niveau de dépenses budgétaires qui, dans certains pays, peut dépasser deux pourcents du RNB.
L’on peut, bien entendu, définir des critères de convergence en matière d’effort militaire. Il serait toutefois aberrant d’imposer le même degré d’engagement à tous les alliés. S’y ajoute que l’effort de défense n’est pas à apprécier sous le seul angle de l’arithmétique budgétaire. Il y a lieu de considérer également l’acceptation par l’opinion publique de l’implication d’un pays dans les affaires militaires. Cette acceptation prend du temps. Elle ne se décrète pas. Il y a lieu à cet effet de mener un vrai débat sur les questions de guerre et de paix, sur le meilleur moyen d’épargner des souffrances à sa population, sur notre responsabilité et celle des alliances dont nous faisons partie dès lors que le droit international est bafoué. Aussi faut-il être clair sur les conditions qui peuvent justifier le recours aux armes dont le droit international en la matière, le principe de proportionnalité qui nous invite à renoncer à l’action militaire si cette dernière a tendance à accroître les problèmes plutôt qu’à les réduire.

C’est pourquoi l’action militaire n’est jamais plus qu’un moyen parmi d’autres. L’acceptation par l’opinion publique desdits efforts n’est acquise que si aussi bien l’Union européenne que l’Alliance atlantique privilégient en tout état de cause la voie diplomatique de résolution des différends, la politique de sanctions ciblées, la recherche de solutions politiques susceptibles de transcender des situations dégradées.

Finalement, et c’est sans doute le point le plus important, il faut attaquer le problème de l’insécurité à la racine. Le document «Responsibility to protect» nous rappelle le lien de cause à effet entre pauvreté et insécurité. De ce point de vue, le Luxembourg n’est pas à la traîne, mais bien en avance sur tous les autres avec sa contribution d’un pourcent d’aide publique au développement par rapport au RNB. Vu sous le seul angle militaire, nous ne sommes certes ni le premier acteur en valeur relative et encore moins en valeur absolue. En termes de contributeur international à la sécurité, grâce à notre effort de développement, nous sommes cependant de loin le premier à s’attaquer à la pauvreté, c’est à dire aux causes sous-jacentes des conflits. u

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