Développement durable cherche financement durable

Changement climatique, pauvreté endémique, menaces terroristes, migrations de masse – les défis globaux auxquels est confrontée la communauté internationale sont de taille et ils sont complexes. Ils exigent des réponses intelligentes, coordonnées entre organisations internationales et gouvernements – mais aussi entre secteur public, secteur privé et société civile. Pour être efficaces, ces réponses gagnent à être fondées sur des compétences et expertises diverses et variées. Une prise de conscience est en train de s’opérer à cet égard. Au moment où les effets du changement climatique se font sentir de plus en plus fortement, y compris dans nos régions, et que les crises politiques et les conflits armés perdurent à travers le monde, les Etats membres de l’ONU ont tiré la sonnette d’alarme. Coup sur coup, ils ont adopté, en septembre 2015, l’Agenda 2030 et les 17 Objectifs du développement durable (ODD), puis, en décembre de la même année, l’Accord de Paris sur le climat. En toute conséquence, ils ont également exprimé la volonté d’aligner les moyens financiers nécessaires à leur mise en œuvre. Ce nouveau cadre politique international est sans précédent et il est à caractère global. Le fait que le secteur privé et la société civile ont été étroitement associés à l’élaboration de ces documents-phares les rend d’autant plus pertinents.

Le Luxembourg, dans sa fonction de président du Conseil des ministres de l’Union européenne au deuxième semestre 2015, a été impliqué de près dans ces processus décisionnels internationaux. Dès la fin 2014, le gouvernement avait réalisé que la question du financement des actions à adopter allait être un enjeu crucial pour mener les négociations internationales à bon port. En effet, il n’y aura pas de développement durable sans financement durable du développement (I). Fort de ce constat et de l’expérience antérieure en matière de microfinance, le Luxembourg a rapidement développé une stratégie pour le financement de l’action climatique (II) et continue à présent de renforcer le caractère durable de sa place financière et de ses activités (III).

I.

Tout développement nécessite un financement adéquat. Ces financements peuvent venir de la main publique ou être d’origine privée ; souvent ils seront mixtes. L’histoire du développement socio-économique de nos propres pays, en Europe de l’Ouest ou en Amérique du Nord, le documente à suffisance : un mélange de financements publics et privés, sur arrière-fond de politiques publiques volontaristes et d’un sens poussé d’entrepreneuriat privé, a facilité, au fil du temps, la réalisation de projets d’infrastructure, d’activités économiques, d’éducation, de santé et de protection de la nature pour combattre la pauvreté, pour réduire la précarité, pour mitiger le risque de vulnérabilité et pour tendre vers un niveau de bien-être à la hauteur de la dignité humaine. – Alors, mission accomplie ? Certainement pas, car dans les pays industrialisés, comme dans le monde en développement, les situations sont en flux et la donne change.

Car le développement durable est un processus, et non pas un but atteint une fois pour toutes. Il permet à une génération de subvenir à ses besoins sans compromettre la capacité des générations futures de subvenir à leurs propres besoins.1

Et le développement durable a besoin d’un financement durable. Dès avril 2015, la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement et sept autres banques de développement multilatérales avaient prévenu que les besoins en financement pour mettre en œuvre les ODD et l’Accord de Paris s’expriment désormais non plus en milliards, mais en milliers de milliards d’euros ou de dollars.2 Devant ce constat implacable, l’espoir de voir les budgets nationaux des Etats payer la note s’est évaporé instantanément, et la nécessité de travailler main dans la main avec le secteur privé est devenue une évidence.3

La recette pour un partenariat public privé réussi définit tout d’abord clairement l’objectif commun partagé par tous – en l’occurrence, le développement durable, sous ses trois aspects : l’économique, le social et l’environnemental. Elle assure ensuite le respect mutuel des motivations qui poussent les différents partenaires à venir à bord du projet commun. Pour un gouvernement il s’agira de mettre en œuvre une politique ; une ONG voudra réaliser sa mission ; un chef d’entreprise agira en fonction de son business plan.

Du point de vue financier, il est encourageant de voir que le secteur de l’investissement responsable – garantissant un retour financier tout en produisant un impact positif en matière sociale et/ou environnementale – sort de son statut d’activité de niche pour devenir le segment du marché d’investissement qui connaît le plus fort taux de croissance. De par le passé, le format du partenariat public privé avait déjà bien servi le Luxembourg dans le développement et la promotion de la microfinance. En amont et à la suite de la COP21 de Paris, le même format a été appliqué pour préparer, du côté luxembourgeois, les négociations sur le financement de l’action climatique, puis pour assurer la mise en œuvre de l’accord adopté.

II.

Au cours des années ’90, et sous l’effet des démarches de la part d’une ONG spécialisée4, le Luxembourg a inclus la microfinance dans ses programmes de coopération internationale. Des contacts subséquents avec les acteurs de la place financière ont déclenché l’engouement des gestionnaires de fonds d’investissement pour ce secteur.

Le premier de ces fonds, le Dexia Microcredit Fund a été lancé à Luxembourg en 1998. Aujourd’hui, le Luxembourg est le domicile préféré de plus d’un tiers de tous les véhicules d’investissement en microfinance, comptant pour 60 pour cent des quelque 11 milliards d’euros d’avoirs sous gestion investis en microfinance globalement.

Dès février 2014, le format multi-acteurs et pluridisciplinaire a également été choisi pour définir la position du Luxembourg sur un sujet central de la négociation en vue de l’Accord de Paris sur le climat, à savoir le financement de l’action climatique. Le gouvernement a instauré la Climate Finance Task Force qui réunit aujourd’hui une quarantaine de membres du secteur public et du secteur privé.

La coopération étroite entre les représentants de ces deux mondes a abouti au concept de la Climate Finance Toolbox qui venait à point nommé pour étoffer l’arsenal des arguments de la présidence luxembourgeoise de l’UE et de la Commission européenne dans la négociation à Paris.

Les travaux de la Climate Finance Task Force se sont également révélés très utiles en aval de la COP21. En effet, ils ont inspiré la mise au point de la Stratégie luxembourgeoise de financement de l’action climatique qui compte quatre vecteurs opérationnels:

• Le Luxembourg Green Exchange (LGX) est la première bourse au monde à publier les informations relatives à des obligations à 100 pour cent vertes, sociales et durables. Lancée en septembre 2016, avec une bonne centaine d’obligations et des avoirs sous gestion de quelque 45 milliards d’euros, LGX compte aujourd’hui plus de 170 obligations représentant plus de 100 milliards d’avoirs sous gestion.

• LuxFLAG, l’agence de labellisation lancée par le gouvernement en 2006 pour témoigner de la qualité des fonds d’investissement en microfinance, puis des fonds environnementaux et des fonds ESG5, a étendu sa palette de labels de qualité accordés aux fonds d’investissement climatiques (depuis 2016) et aux obligations vertes (depuis 2017).

• A travers la Luxembourg-EIB Climate Finance Platform, opérationnelle depuis novembre 2017, la Banque européenne d’investissement (BEI) obtient accès à des fonds publics luxembourgeois qui servent de garantie de premières pertes et procurent aux fonds propres de la BEI un effet de levier important sur des fonds privés destinés à être investis, conjointement avec ceux du Luxembourg et de la BEI, dans des fonds d’investissement climatiques domiciliés à Luxembourg.

• Enfin, l’ICFAL6 accompagne des gestionnaires de fonds innovateurs en matière de lutte contre le changement climatique dans le lancement de leurs premiers fonds. L’appui vient sous forme de prêts remboursables, de coaching et d’assistance technique afin de réduire au possible le temps et les coûts de démarrage de ces nouveaux fonds.

A l’avenir, cette panoplie d’initiatives qui se renforcent mutuellement, s’avérera d’autant plus efficace que le centre financier international de Luxembourg répondra lui-même aux exigences de la durabilité, tant sur le plan systémique que d’un point de vue opérationnel.

III.

Dans une perspective systémique, l’objectif consiste à assurer la stabilité, la solidité et la perspicacité de la place luxembourgeoise comme centre financier durable. Dans un environnement international compétitif tel que nous le connaissons, une sensibilité aigüe pour la durabilité, au niveau des décideurs politiques et des acteurs financiers privés, constitue un atout non négligeable.

Tout d’abord, un centre financier durable doit être conçu, bâti, puis étendu progressivement pour le long terme. A cette fin, il ne doit non seulement être économiquement viable en lui-même, mais il doit reconnaître en même temps les avantages à être – et à être perçu – comme socialement et environnementalement responsable. A cet égard, les acteurs du secteur financier sont bien avisés de prendre au sérieux leurs promesses en matière de responsabilité sociale des entreprises, et de l’étoffer éventuellement par une couche additionnelle d’engagement pour le respect des droits de l’homme. – Pourquoi cela ? La raison est originale : celles et ceux qui savent lire les signes du temps constatent que la sensibilité de la génération des millennials dépasse de loin celle de leurs aînés sur tout ce qui touche à la durabilité et au respect des droits de l’homme. Et – après tout – les millennials représentent le prochaine génération d’épargnants et d’investisseurs.

Ensuite, une caractéristique cruciale d’un centre financier durable consiste à être avant tout au service de l’économie réelle. Au vu de la demande croissante pour des produits financiers responsables et non pas purement spéculatifs, l’investissement dans des projets concrets qui sont économiquement viables et qui apportent en même temps une plus-value sociale et/ou environnementale, commence déjà à produire des revenus financiers comparables à ceux d’instruments financiers plus sophistiqués. Par ailleurs, il est fort à parier que l’investissement responsable au service de l’économie réelle est plus résistant par temps de crise.

Du point de vue opérationnel, un centre financier durable veille à fournir des financements fiables et en continu. Un projet de développement durable a besoin de différents types de financement selon la phase de vie dans laquelle il se trouve : un don ou un subside sont les bienvenus au démarrage du projet ; des contributions en capital-risque aident à consolider le projet dans la phase de transition; et des instruments de dette à plus long terme permettent au projet de prendre son envol au cours de la phase de croissance. Un centre financier durable est capable de donner accès au bon financement, au bon moment. Ce faisant, il aide le promoteur d’un projet durable à trouver réponse à ses besoins financiers spécifiques, tout en tenant compte des différents degrés d’appétit pour le risque des investisseurs ainsi que de leurs attentes en termes de rendement financier et d’impact de leurs investissements.

A Luxembourg, le gouvernement et les acteurs privés du secteur financier reconnaissent, d’une part, l’urgence à agir en matière de lutte contre le changement climatique et pour le développement durable et, d’autre part, les opportunités économiques et l’impact positif qui en découlent. Les efforts de coordination et de promotion continuent au Haut Comité de la place financière, dans les groupes de travail thématiques des associations professionnelles, comme l’ALFI, l’ABBL et l’ACA, ou encore au cours des missions de LuxembourgforFinance. Les travaux lancés par le gouvernement sur la Luxembourg Sustainable Finance Roadmap, en collaboration avec UNEP-FI, et la Luxembourg Sustainable Development Finance Platform, dans le contexte de la mise en œuvre de l’étude stratégique sur la Troisième révolution industrielle, contribuent au même objectif : faire de la place luxembourgeoise un centre financier durable.

 

1 Commission Brundtland – Nations Unies – 1986
2 Banque mondiale – From Billions To Trillions: Transforming Development Finance – Avril, 2015
3 Addis Ababa Action Agenda of the Third International Conference on Financing for Development – Juillet 2015
4 ADA – Appui au développement autonome
5 ESG: Environment – Social – Governance
6 International Climate Finance Accelerator – Luxembourg
7 UN Environment – Finance Initiative

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