Finance: cette liquidité qui nous noie

Critiquer la finance dans un pays qui bénéficie de son activité est loin d’être une évidence, mais la finance a ce charme particulier qui veut que son pouvoir de prédation s’exerce à distance, ses sévices se déroulant souvent bien loin des centres financiers. Le coeur de cet article vise à décrire les rouages de la finance et à expliquer comment elle noie l’économie réelle: entreprises pressées par les exigences de rentabilité actionnariales, stagnation salariale entretenue par un chômage de masse, finances publiques asséchées par une croissance morose et les pratiques d’optimisation fiscale du secteur privé. Alors qu’elle ne devrait être qu’un moyen au service du développe
ment économique, la finance est devenue une fin en soi qui a asservi les institutions de l’économie réelle et capturé le pouvoir politique. La deuxième partie de l’article proposera des pistes pour remettre la finance à sa place.
1. Les ressorts de la domination financière
La force disciplinaire de la finance réside dans la liquidité: c’est elle qui permet à la finance de se faire obéir par les entreprises et les États.
Les États liquidés
La liquidité organise un chantage permanent incitant les États à obtempérer aux moindres desiderata de la finance. «Augmenter l’impôt sur les sociétés? Mais vous n’y pensez pas: les entreprises délocaliseront». «Adopter une politique volontariste pour préserver l’environnement dans l’entreprise? Une folie: les actionnaires quitteront l’entreprise s’ils anticipent la moindre baisse de rentabilité». Tétanisés par cette menace de fuite des capitaux, les gouvernements n’osent plus s’attaquer aux plus favorisés: les politiques économiques favorisent désormais les mobiles (qui sont aussi les plus riches) au détriment des acteurs captifs du territoire. C’est donc bien la démocratie qui se retrouve en danger, les marchés financiers se substituant aux Parlements élus pour
dicter la conduite de la bonne politique économique
Thomas Dallery
Il ne faut pas comprendre la liquidité au sens des masses d’argent disponible dans la sphère financière ou de l’argent liquide dans la poche des ménages. Le concept de liquidité renvoie ici à la liberté de mouvement des capitaux: dans le cas d’une entreprise, la liquidité désigne la po
ssibilité pour les actionnaires de revendre à tout moment leurs actions sur le marché boursier; dans le cas des États, elle se rapporte à la possi-bilité pour les porteurs de capitaux de fuir tel ou tel pays en cas de politiques économiques jugées contraires à leurs intérêts.
Thomas Dallery est Maître de Conférences à l’Université du Littoral Côte d’Opale (Dunkerque). Il conduit ses recherches au sein du laboratoire Clersé (Centre Lillois d’Études et de Recherches en Sociologie et en Économie). Après avoir soutenu une thèse de doctorat en 2010 portant sur la dynamique du capitalisme financiarisé , il a notamment participé en 2013 à la rédaction d’un rapport d’études sur le coût du capital. Il vient de publier : Le surcoût du capital : la rente contre l’activité, Presses Universitaires du Septentrion.
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exercice fait apparaître que 99 % des transactions sur
le New York Stock Exchange concernent des titres
déjà émis, c’est-à-dire des transactions secondaires
qui n’apportent rien aux entreprises. Le marché primaire,
celui de l’émission d’action, ne représente que
1 % des transactions réalisées … Sachant en outre
que ces émissions de titres nouveaux sont plus faibles
que les rachats d’actions par les entreprises. Les actionnaires
ne sont pas des investisseurs : ils ne font
que placer leur épargne.
La rémunération du petit porteur est un autre mythe
que la finance cherche à établir pour légitimer son
pouvoir. Mais là aussi, il convient de revenir à la réalité.
La figure de l’actionnaire n’est pas celle du petit
épargnant.1 De nos jours, les actionnaires dominants
sont les investisseurs institutionnels qui gèrent une
épargne collective : fonds de pension, compagnies
d’assurance, et même banques. Les seules compagnies
d’assurance françaises représentaient 2 750
milliards de dollars d’actifs sous gestion en 2010.
C’est plus que le Produit intérieur brut français, mais
ça ne pèse pas lourd quand on les compare au plus
de 10 000 milliards de dollars des fonds de pension
américains.
L’émergence de ces mastodontes a profondément
modifié le circuit de financement traditionnel. Là où
une intermédiation à l’ancienne voyait une banque
faire un crédit à une entreprise et collecter des dépôts
d’épargnants, désormais une banque aura tendance
à créer une filiale gérant un fonds d’investissement,
qui délèguera sa gestion d’actifs à un mutual fund
qui délèguera lui-même à un hedge fund. Les intermédiaires
financiers entre l’épargnant et l’entreprise
se sont multipliés, chacun prélevant au passage des
commissions. Cette longue chaîne de délégation de
gestion d’actifs finit par imposer à l’entreprise un
coût de financement plus élevé, sans nécessairement
que l’épargnant final ne perçoive une rémunération
supérieure, la rentabilité de départ s’étant diluée
progressivement au bénéfice des différents intermédiaires.
La finance apparaît ici comme une hernie
qui se gonfle sur l’entreprise, et l’épuise : quand vous
trouviez des financements en vous acquittant d’un
taux d’intérêt de 5 %, vos investissements productifs
devaient franchir cette barre, relativement basse,
pour être entrepris ; quand vous êtes confrontée
à une exigence de rentabilité financière (ROE) de
20 %, la barre à franchir écrème de très nombreux
projets, et rares sont les investissements à être encore
suffisamment rentables pour être mis en oeuvre.
L’obsession du court-terme
Mais les investisseurs institutionnels ne sont même
plus impliqués dans des stratégies de long terme. Pluaux
gouvernements. La tragédie grecque de cet été
en fournit un exemple frappant.
L’entreprise gouvernée
Mais la liquidité joue de manière encore plus perverse
au niveau des entreprises, grâce aux effets de
pouvoir de la gouvernance d’entreprise. La règle
essentielle du capitalisme est le principe censitaire
« 1 action = 1 voix », à la différence de la démocratie
universelle « 1 personne = 1 voix » . Au sein des
assemblées générales des actionnaires, le pouvoir est
donc distribué selon la détention des actions. Cette
instance se prononce sur certaines décisions essentielles
des entreprises et nomment les dirigeants qui
mettront en oeuvre ces stratégies au sein du Conseil
d’administration. Le poste et la rémunération de ces
dirigeants sont dans les mains des actionnaires. Le
rappeler permet de mieux comprendre pourquoi les
dirigeants agissent en faveur des actionnaires. Il faut
dire également que depuis le début des années 1980,
le mouvement de la Shareholder Value Orientation
a imposé l’idée que l’entreprise n’avait aucune responsabilité
sociale, qu’elle n’avait pas d’autre but que
de maximiser la rentabilité pour ses actionnaires.
Comment ?
Deux recettes se complètent pour augmenter l’indicateur
phare du bénéfice par action : vous pouvez
augmenter la distribution des bénéfices sous la forme
de dividendes, c’est-à-dire augmenter la taille du gâteau
à se partager ; vous pouvez réduire le nombre
d’actions en circulation, c’est-à-dire réduire le
nombre de convives invités à se partager le gâteau.
Ces deux stratégies de séduction des actionnaires ont
été largement mises en oeuvre dans les pays développés.
Ainsi, la part de l’excédent brut d’exploitation
(profit) distribuée en dividendes est passée en France
de 10 % à 30 % entre 1970 et 2010. De même, pour
les États-Unis ou le Royaume-Uni, les entreprises
ont tellement racheté leurs propres actions que les
montants de ces rachats dépassent ceux des émissions
nouvelles : quand on sait que les émissions de
nouvelles actions sont une source de financement
pour les entreprises, cela signifie que les marchés financiers
ne financent plus l’entreprise, mais ils sont
financés par elle.
Démystifier la finance
La légitimité des marchés financiers ne peut plus reposer
sur une contribution au financement des entreprises.
Une autre manière de s’en rendre compte
consiste à comparer le volume des capitaux apportés
par les marchés financiers aux entreprises lors d’émissions
de nouvelles actions au volume des transactions
réalisées sur les marchés actions. Pour 2014, un tel
Ce texte a été présenté
lors d’un colloque sur
les « Alternatives pour
l’Europe » organisé par la
Chambre des salariés du
Luxembourg le 14 octobre
2015 dans le cadre de la
présidence luxembourgeoise
du Conseil de
l’Union européenne. Le
programme et les présentations
des différents
interventions sont disponibles
sur www.csl.lu
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Politik November 2015
tôt que de suivre l’évolution d’un projet productif sur plusieurs années, les actionnaires chaussent des lunettes court-termistes, guettant la rentabilité trimestrielle et craignant à tout moment une chute temporaire.Bien souvent, ces gros actionnaires n’exercent même plus eux-mêmes leurs droits en assemblée générale. Ils ont recours à des proxy advisors, sorte de sous-traitance actionnariale conseillant sur les votes à suivre. L’engagement dans le projet d’ entreprise
est donc minimal: on est très proche d’un fonctionnement de casino où l’entreprise n’est qu’un support pour miser et prendre des paris. La délégation des droits de vote aux proxy advisors pousse à l’adoption de règles simples de décision: comment faire autrement quand un salarié du principal proxy advisor au monde doit couvrir 3 assemblées générales par semaine? Il y a fort à parier qu’il n’aura pas le temps d’étudier le projet stratégique de l’entreprise, la pertinence des projets d’investissement,… Il s’en remettra à un simple calcul de rentabilité à court terme.
Ce qui renforce cette pression court-termiste est la concurrence que se livrent les différents investisseurs institutionnels. Ils cherchent en permanence à
attirer l’épargne par la promesse des meilleurs
rendements. Tout projet d’investissement qui se révèlerait profitable à long terme mais qui entraine une dose d’incertitude à court terme et une certaine baisse de rentabilité temporaire devient problématique. La meilleure preuve de ce désamour pour le temps long se trouve dans l’évolution de la durée de détention moyenne d’une action qui a été divisée par 12 sur le NYSE: 7 ans dans les années 1960, 7 mois en 20072.
L’entreprise liquidée
Ce temps financier de la détention n’est pas compatible avec le temps productif des entreprises. Une entreprise suppose un engagement dans la durée, avec une exploitation des équipements de 10 à 15 ans en moyenne (plus ou moins longue selon les secteurs). Une partie des investissements est même irréversible. C’est notamment le cas des investissements dans les actifs spécifiques: une fois entrepris, on ne peut plus récupérer sa mise.
Pourtant, on pousse l’entreprise à être aussi liquide qu’un titre financier. J.M. Keynes résumait ainsi cette injonction paradoxale:«c’est comme si un fermier, après avoir tapoté son baromètre au repas du matin, pouvait décider entre dix et onze heures de retirer son capital de l’exploitation agricole, puis envisager plus tard dans la semaine de l’y investir de nouveau»3. Alors qu’il est parfaitement possible sur les marchés financiers de vendre le soir une action qu’on a achetée le matin, la même logique est orthogonale à l’investissement productif. L’entreprise doit pouvoir compter sur une stabilité de ses financements, sous peine de ne pas investir.
Le rôle traditionnel des intermédiaires financiers était justement de jouer le rôle de tampon entre les désirs de liquidité des épargnants et les besoins de stabilité d’une entreprise: une banque permet bien aux épargnants de retirer leurs dépôts à tout moment, sans pour autant remettre en cause le crédit qu’elle a accordé à une entreprise. Avec la pression des marchés financiers, c’est un peu comme si le financement de l’entreprise était soumis au bon vouloir des actionnaires de rester engagés: alors que les entreprises se projettent à 10 ou 15 ans, les actionnaires ne s’impliquent qu’à 7 mois. Ce fossé entre les deux temporalités génère des absurdités économiques: on découpe l’entreprise en différents appartements pour en revendre les pièces les moins rentables, sans se rendre compte de leur importance dans le processus de production global.
La macroéconomie financiarisée
Ces désordres ne touchent pas que l’entreprise mais concernent l’ensemble de la dynamique économique. Depuis que la finance a été dérégulée dans les années 1980, la croissance économique a ralenti parce que les entreprises n’investissent plus, on l’a vu, mais aussi parce que les salariés voient leur pouvoir d’achat s’éroder. La pression actionnariale pèse aussi sur les revendications salariales, et faute de salaires, la consommation patine. Sans ses deux moteurs, la croissance atone n’oppose qu’une faible résistance à la montée du chômage. Si le contexte d’ensemble est peu glorieux,4 la finance se porte bien, merci pour elle. Il existe en effet une corrélation extrêmement puissante entre l’intensité de la dérégulation financière et les salaires versés dans l’industrie financière:
plus la régulation est lâche, plus les salaires relatifs y seront généreux. La dérégulation financière pousse aussi les entreprises à distribuer toujours plus de dividendes.
Les inégalités de revenu retrouvent ces dernières années les niveaux atteints dans les années 1920, période durant laquelle la finance avait déjà été dérégulée… Avant que la crise de 1929 et la Grande Dépression ne poussent les politiques à durcir le ton vis-à-vis d’elle. Sous la répression financière des Trente Glorieuses, les inégalités, dividendes et rémunérations dans la finance se sont tassés, mais les crises financières furent également beaucoup moins fréquentes. Le capitalisme semble évoluer au gré des libertés laissées à la finance, dessinant ici plusieurs courbes en«U» permettant de distinguer trois phases distinctes: le capitalisme financier des années
Avec une finance dérégulée, c’est plus de salaires dans le secteur financier, plus d’inégalités dans l’économie, plus de dividendes à verser pour l’entreprise, plus de crises financières à supporter pour la société..
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un système où les droits de vote augmentent avec
le temps de présence dans l’entreprise. Autre voie,
qui consisterait à donner un avantage à l’avenir, on
pourrait imaginer un système dans lequel ne votent
en assemblée générale que les actionnaires qui s’engagent
par contrat à rester dans l’entreprise pour
l’accompagner dans ses projets productifs. Une autre
piste serait de n’attribuer droits de vote et dividendes
qu’aux seuls souscripteurs d’actions sur le marché
primaire. Dès qu’une action serait revendue, elle perdrait
les droits de vote et dividendes associés. Il s’agirait
ici de distinguer et favoriser ceux qui financent
l’entreprise, par rapport à ceux qui ne font que placer
leur épargne sur le marché secondaire. Dans le
même ordre d’idée, les fonds de pension polonais ne
peuvent pas placer plus de 7,5 % de leurs actifs sur le
marché secondaire.
Retrouver le goût de l’immobilité et de la
patience
Sur le plan de la liquidité, il existe également de
nombreuses pistes de réformes, toutes cherchant
d’une manière ou d’une autre à entraver la parfaite
mobilité des capitaux et à s’inscrire dans le temps
long. La taxe sur les transactions financières permettrait
de décourager les allers-retours permanents sur
les marchés boursiers, l’impôt cassant la rentabilité
de l’opération. Le taux de la taxe devrait être propor-
1920, le capitalisme fordiste de 1940 à 1970, puis le
capitalisme financiarisé depuis les années 1980. Avec
une finance dérégulée, c’est plus de salaires dans le
secteur financier, plus d’inégalités dans l’économie,
plus de dividendes à verser pour l’entreprise, plus de
crises financières à supporter pour la société.5
La financiarisation n’est donc pas une fatalité. Elle
est l’oeuvre de politiques économiques permissives
conduites depuis les années 1980, politiques qui ont
notamment donné la priorité à la lutte contre l’inflation
plutôt qu’à la lutte pour le plein-emploi.
2. Désarmer la finance
La limitation des ravages de la financiarisation passe
par deux canaux principaux : la réforme de la gouvernance
et le contrôle de la liquidité.
Faire entendre d’autre voies dans l’entreprise
Concernant la gouvernance, il s’agit simplement de
rompre avec le principe « 1 action = 1 voix ». Cela
peut se faire en donnant des droits de vote aux salariés
dans les instances de direction des entreprises,
chemin que la codétermination à l’allemande incarne
à sa manière. Cela peut aussi se réaliser au
travers de la généralisation de droits de vote et dividendes
bonifiés. On pourrait par exemple imaginer
(© Thomas Dallery)
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tionnel à la durée de détention des actions. Mais il faudrait aussi veiller à l’assiette de la taxe pour qu’elle concerne l’ensemble des transactions financières6.
Pour profiter du passif long de certains investisseurs institutionnels, on pourrait aussi envisager de leur imposer une durée de détention minimum pour certains actifs. Puisqu’un fonds de pension sait quand il aura à verser ses retraites, il n’a pas de contrainte de liquidité et peut normalement se placer à long terme. La concurrence pour l’épargne et les délégations de gestion d’actifs le poussent pour le moment à agir en actionnaire court-termiste comme les autres. L’exemple nous vient ici de Toyota qui a émis récemment des actions illiquides. Les souscripteurs de ces titres sont contraints de détenir le titre pendant 5 ans, et en seront récompensés par des droits et dividendes bonifiés. Pourquoi ne pas généraliser ce genre d’actions et rendre leur détention obligatoire dans certaines limites pour les investisseurs institutionnels? Bien évidemment, ces mesures auraient à être accompagnées de la mise en place d’un cadastre financier pour savoir qui détient quoi à tout moment.
Pour rompre la logique de la liquidité et remettre à l’ordre du jour le rôle théorique d’intermédiaire financier, une autre solution serait de créer une Banque publique pour le financement de l’investissement. Une telle institution aurait pour mission de financer les projets des entreprises en prenant des participations dans leur capital et en jouant le rôle d’actionnaires patients. Elle se financerait au moyen d’émissions d’obligations auprès des investisseurs institutionnels. Le but serait de capter le formidable volume d’épargne drainé par ces acteurs, et de le mettre au service de l’investissement à long terme, plutôt que de la satisfaction de la soif de liquidité comme actuellement. Les embryons de telle structure existent (SNCI au Luxembourg, CDC en France, KfW en Allemagne,…), mais il s’agit d’outils encore sous-utilisés. La mobilisation des ressources des investisseurs institutionnels décuplerait leur potentiel d’investissements, tout en favorisant la patience dans les entreprises.
Appliquer un principe de précaution à la finance
Les ravages de la finance devraient pousser les politiques à la considérer avec prudence. À la manière du secteur pharmaceutique, on devrait par exemple exiger une autorisation de mise sur le marché avant toute innovation financière. Plutôt que de supposer que tout ce qui n’est pas explicitement interdit est autorisé, on devrait passer à une conception où tout ce qui n’est pas explicitement autorisé est interdit. Ce serait alors aux financiers de démontrer l’utilité et l’innocuité pour l’économie de leurs nouveaux produits. Ce bon sens n’a pas toujours été absent de la sphère politique. Au lendemain du krach de 1929, la Grande Dépression avait conduit les régulateurs, notamment au travers du fameux Glass-Steagall Act, à prendre des mesures strictes pour endiguer la finance. La différence avec les années 1930, c’est que, pour le moment, nous avons raté l’occasion de réencastrer la finance et nous sommes encore à la merci de ses débordements qui pourraient nous emporter. Paradoxalement, l’espoir viendra peut-être du pays le plus financiarisé. Les propositions d’Hillary Clinton sont en effet particulièrement sévères: elles visent certes à éviter que les désordres financiers ne noient l’économie réelle, mais pour ce faire, elles imposent des limitations importantes à l’activité des financiers. Ces derniers ont senti le danger: sur les 158 familles représentant la moitié des contributions financières aux candidats aux élections présidentielles américaines, 138 soutiennent les candidats républicains, mais surtout 64 tirent leur fortune du secteur financier.7 u
1
Rappelons que seuls les 50 % des ménages européens les plus riches disposent d’une épargne positive. Ajoutons que l’épargne accumulée est encore plus concentrée sur le haut de la pyramide sociale que les revenus : les 10% des ménages américains les plus riches reçoivent déjà près de la moitié des revenus chaque année, mais ils détiennent près des trois quarts du patrimoine.
2
Aglietta, M. , 2014, Europe. Sortir de la crise et inventer l’avenir, Michalon, p. 137.
3
Keynes, J.M., 1936, Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie, éd. Payot (2005).
4
Le bilan aurait été encore plus calamiteux si l’endettement (privé, public et extérieur) n’avait pas servi de béquilles à la croissance.
5
Philippon, T. et Reshef, A., (2012), « Wages and Human Capital in the U.S. Financial Industry: 1909-2006 », in: The Quarterly Journal of Economics, vol. 127 (4), pp. 1551-1609. Piketty, T. et Saez, E., (2006), « The Evolution of Top Incomes: A Historical and International Perspective », in: American Economic Review, vol. 96 (2), pp. 200-205. Dallery, T., 2010, Le divorce rentabilité/croissance dans le capitalisme financiarisé. Changements de régimes, équilibres, instabilités et conflits, Thèse de Doctorat, Université Lille 1. Reinhart, C. (2012), « Le retour de la répression financière », Revue de la stabilité financière, Banque de France, n°16, pp. 39-51.
6
Une telle taxe existe en effet en France depuis août 2012, mais elle ne concerne pas les opérations intraday : si vous achetez une action le matin pour la revendre le soir, vous échappez à la taxe, alors que ces mouvements sont précisément les plus spéculatifs !
7
Confessore, N., Cohen, S. et Yourish, K., 2015, « The Families Funding the 2016 Presidential Election », New York Times, 10 Octobre.

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