C’était en 2028. Le Luxembourg faisait l’admiration de tous, visiteurs, capitales et gouvernements étrangers, groupes immobiliers, investisseurs et écologistes de tous pays… Ses habitants étaient heureux, ses rivières propres, ses nappes phréatiques redevenues intactes, ses sols fertiles et gorgés de vie, ses paysans épanouis et leur bétail serein, dans des champs bucoliques… Bien avant l’échéance de 2050 fixée par Jérémy Rifkin, le Luxembourg était devenu un pays à l’agriculture 100% biologique, converti aux circuits courts et à la saveur des produits locaux, presque capable de nourrir ses habitants et cela, de manière respectueuse de l’environnement… Mais comment ce bonheur a-t-il pu arriver ? Un pari aussi fou en moins de 10 ans alors que le pays produit à peine 3% des produits bio qu’il consomme aujourd’hui et que moins de 4% de ses terres cultivées le sont de manière biologique ? Que 100% de ses cours d’eau sont pollués et plus des deux-tiers de ses nappes phréatiques atteintes ? Que chaque jour, un demi hectare est grignoté par des constructions, perdu à jamais pour la culture ?
Les agtech, anges des campagnes
De terribles pressions s’exercent sur l’agriculture au Luxembourg. La politique agricole européenne bien sûr, à coups de subventions parfois destructrices. La pression sur les prix des denrées qui pousse à une intensification des méthodes de culture et d’élevage ainsi que le recours massif aux engrais, désherbants, pesticides et antibiotiques. Le changement climatique aussi, avec son lot de catastrophes qui augmentent considérablement les risques sur les récoltes. Ou encore l’énorme pression du foncier qui concurrence les terres agricoles par des prix astronomiques. Sur un petit territoire de 2586 km² où la dynamique démographique est forte, l’agriculture est bien à l’étroit…
Surprenant, mais le salut pourrait venir du côté des nouvelles technologies digitales et de la robotique. Le développement des « agtech » est en plein essor en Europe. De jeunes pousses travaillent d’arrache-pied sur l’agriculture intelligente et des algorithmes pour exploiter les données. Par exemple, Wiuz a modélisé 50% des parcelles françaises de céréales en accumulant une somme considérable d’informations Recifield propose des solutions connectées et cartographiques pour moduler la densité des semis en fonction de la texture, de la composition du sol ou de la topographie sur une même parcelle. Weenat, avec ses mini stations plantées dans les champs comme des tuteurs, recueille une multitude de paramètres dont une météo ultralocale, l’humidité, la température, l’état de la plante, la détection des maladies… Chaque agriculteur peut déjà, avec une connexion internet et un smartphone, intervenir très rapidement, de manière ciblée et avec peu de produits phytosanitaires. Demain, drones et robots permettront de travailler la terre, de désherber et de cueillir avec une précision incroyable. L’univers du bio, longtemps considéré comme arriéré, pourra ainsi devenir high-tech et concurrencer l’agriculture conventionnelle.
Rêve des villes
Mais sur notre petit territoire, nous pouvons aussi nous inspirer d’expériences étonnantes pour gagner des surfaces. Paris a lancé en 2017 Parisculteurs 2, appel à projets avec 43 sites offerts à l’imagination des néo agriculteurs. Salades et fraises s’y récoltent désormais sur les toits et dans la cour des entreprises, des écoles, des hôtels, des logements sociaux. Strasbourg a été élue meilleure grande ville pour la biodiversité avec ses potagers urbains collectifs, la promotion des circuits courts, les modes de culture alternatifs, la végétalisation citoyenne de l’espace public. Dans la capitale alsacienne, il n’y a ainsi plus un dossier d’urbanisation sans l’aval de la Chambre d’agriculture !
Certains promoteurs sentent bien arriver la demande et l’intègrent dès la conception de leurs immeubles. Le projet de la Lentille Terre rouge à Esch pourra en être un premier exemple. Mais l’équilibre économique reste fragile et nombre de projets ne doivent leur existence qu’au coup de pouce des collectivités locales. Au Grand-Duché, les communes devraient d’ailleurs choyer les agriculteurs qui se trouvent sur leur territoire, leur proposer des projets communs dans le but de les réintégrer fièrement dans la vie locale. L’Etat lui-même doit enfin formuler une politique agricole ambitieuse et reconnaître que le modèle actuel est à bout de souffle. Mettre du rêve dans nos assiettes, protéger notre pays, ses abeilles, ses oiseaux, ses cours d’eau et la santé de ses citoyens est vraiment à portée de main…
Françoise Lavabre-Bertrand
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