La ceinture alimentaire

Ecosystème de forces vivantes

La Ceinture aliment-terre liégeoise (CATL) est un projet de mobilisation des forces vives de la région liégeoise autour de la création d’une filière alimentaire locale, solidaire et durable, structurée autour de coopératives citoyennes. Elle émane de plusieurs acteurs de terrain qui ont fait un double constat : celui de l’impasse écologique et économique dans laquelle est embourbée notre agriculture, et celui de l’impossibilité pour les agriculteurs d’infléchir seuls la trajectoire. La CATL est une initiative de transition.

La nécessaire mutation des systèmes agricoles nous concerne tous et elle appelle la mobilisation de chacun d’entre nous : citoyens, producteurs, secteur public, monde scientifique, ONG, associations, monde politique… Le collectif Liège en transition, un des acteurs à l’origine du projet de la Ceinture aliment-terre, est issu du mouvement international des villes en transition. Celui-ci, présent dans une cinquantaine de pays (dont le Luxembourg), invite les citoyens à se fédérer sur une base locale pour inventer ensemble des réponses concrètes aux défis climatiques, énergétiques et sociaux, de plus en plus pressants. La mobilisation de Liège en transition, à partir de 2011, a contribué à faire émerger la CATL, mais également la monnaie citoyenne, le Val’heureux, outil de renforcement des filières courtes. L’un est lié à l’autre pour stimuler l’économie locale et donc le bien-être social.

Relier l’alimentation à la terre

On ne sait trop d’où est venue l’expression « ceinture alimentaire ». Ceinture maraîchère ou ceinture verte ont peut-être inspiré les imaginations. Peu importe. A Liège, tout naturellement, on sort le jeu de mot ceinture aliment-terre qui symbolise le lien avec la terre, en contraste avec l’agriculture hors sol. En novembre 2013, deux ans après le lancement de Liège en transition, une coalition d’acteurs citoyens, économiques et culturels de la région pose les bases « d’une réflexion et d’un plan d’action pour que la part locale des biens alimentaires consommés en Province de Liège grandisse de manière significative ». « Ce fut une journée inspirante », confie ­Christian Jonet, coordinateur du projet, « où on a eu des témoignages d’expériences venues ­d’Allemagne, de France, mais aussi un spectacle théâtral pour prendre conscience des problématiques et tracer un horizon désirable. On a donné rendez-vous à tous le lendemain même, les 5 et 6 novembre, pour participer à un forum ouvert [dispositif d’animation où les participants font l’ordre du jour] avec la question : Comment parvient-on d’ici une génération à ce qu’une majorité soit produite localement dans les meilleures conditions écologiques et sociales ? »

Six années d’alliances

« La Ceinture aliment-terre liégeoise comptait au départ sept organisations de terrain impliquées dans les filières courtes avec pour objectif de professionnaliser le projet et non de se limiter à transformer le monde le mercredi soir ou le jeudi matin ! », dit Christian Jonet. « Nous ne sommes pas une association et pas plus une entreprise ; on rassemble les gens concernés par ce qui nous nourrit. On leur “vend” une vision d’avenir où ils ont une place plus respectée. Dès le départ, on est passés par une série de relais que sont les mouvements paysans, le syndicat Fugea [qui défend les agriculteurs et une agriculture durable], les secteurs associatifs, etc., qui ont compris le sens de tisser des alliances entre monde urbain et rural, entre producteurs et consommateurs. Sans pour autant oublier les institutionnels, les scientifiques, les politiques. Notre objectif de très long terme, 25 ans, est de parvenir à porter la part des produits locaux et sains à 50 % du panier de la consommation locale. Pour ce faire, un plan d’action reprenant les grands chantiers a été élaboré et une dynamique avec des porteurs de projet a été créée. Dès le départ, CATL a pu prendre une part active dans la conception du schéma de développement territorial concernant l’agriculture et l’alimentation locale. Une belle reconnaissance de la part des 24 communes de l’arrondissement de Liège. »

Ceinture de ville, ceinture des champs

Depuis le lancement de la CATL, ce sont plus de 70 jeunes producteurs qui se sont installés. « Le maraîchage est plus accessible que l’élevage, ça parle aux jeunes qui sont proches des consommateurs. Et il y a la place pour tout le monde », explique Christian. « Il faut souligner que Liège est une ville importante qui veut fixer des liens avec la périphérie. Il existe toute une série d’acteurs et l’enjeu est qu’ils et elles travaillent ensemble. Nous proposons un cadre où les producteurs ont plus intérêt à collaborer que de jouer chacun dans son pré carré. Il existe plusieurs ceintures en Belgique, dont Tournai, Verviers, ­Charleroi­ et bientôt Namur. Un territoire n’est pas l’autre, chaque ceinture a sa charte. A Liège, nous avons constitué une ASBL, donc on ne produit rien de matériel. On incube des projets qui vont devenir économiques et autonomes. Nous menons un travail d’expertise, de sensibilisation, de lobbying, de plaque tournante sur qui fait quoi, on oriente les demandes et identifie les chaînons manquants. »

Avenir incertain pour cause d’absence de changement structurel

La prise de conscience de l’urgence écologique est partagée par une bonne partie de la population et la politique régionale veut soutenir ce type de démarche. « Mais », s’inquiète Christian Jonet, « certains interlocuteurs de la pyramide s’en fichent par volonté ou ignorance et c’est frustrant. Très régulièrement, on se trouve bloqués parce que la mauvaise personne se trouve au mauvais endroit. Certains politiciens sont très éloignés de la dynamique d’alimentation locale, d’où des rapports de force usants qui nous privent de notre énergie. Comment faire un pas de plus ? On a eu un développement très dynamique et je crains qu’on arrive à un plafond de verre. Il est difficilement envisageable pour beaucoup de producteurs de s’orienter vers le durable, vu le peu de revenus qu’ils obtiennent de leur travail. Nos mandataires nationaux ont-ils des relais efficaces pour être entendus auprès des institutions européennes, notamment pour réorienter le modèle agricole ? Le volontarisme ne suffit pas, il faut changer les conditions d’encadrement politique, de financement et de mise en place des réglementations. Sans cela, on n’y arrivera pas. Or, c’est un mouvement de fond à contre-courant de l’agro-industrie et de la grande distribution auquel nous devons tous collaborer. »

Un projet citoyen pour les citoyens – et les citoyens dans tout cela ?

Comment les citoyens se mobilisent-ils concrètement ? Tout d’abord, en consommant une alimentation locale de qualité, mais également en finançant le développement de coopératives alimentaires (près d’une vingtaine en région liégeoise). Celles-ci sont gouvernées de manière démocratique et ont une finalité sociétale, qui prime sur tout objectif de profit – par exemple la souveraineté alimentaire. Ce genre de coopératives alimentaires constituent un important vecteur de changement des systèmes agroalimentaires. La mobilisation citoyenne bat aujourd’hui son plein pour soutenir ces projets émergents qui ont besoin de coopérateurs (qui apportent notamment le capital de ces entreprises alternatives).

C’est aussi une des missions que la CATL s’est donnée : sensibiliser les citoyens aux enjeux alimentaires. A travers des activités pratiques, la découverte des alternatives alimentaires et des événements ludiques autour de l’alimentation durable, dont le festival Nourrir Liège (www.nourrirliege.be) qui est un vrai vecteur de sensibilisation. Le festival est entièrement consacré à la question de la transition agricole à Liège et dans le monde. Cet évènement vise ainsi à informer, sensibiliser, mais aussi divertir les consommateurs autour des grands enjeux alimentaires auxquels nous faisons face.

Comme annoncé lors de son lancement, le projet de la Ceinture aliment-terre est destiné à se déployer sur le très long terme : une génération. Le temps que nous changions aussi notre rapport à notre nourriture

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