La collaboration internationale – un impératif de la cinématographie luxembourgeoise

Quatre questions à Guy Daleiden, directeur du Fonds national de soutien à la production audiovisuelle

Avec quels pays le Luxembourg travaille-t-il?

Guy Daleiden: Le secteur de l’audiovisuel luxembourgeois, qui pour rappel est l’un des plus jeunes d’Europe avec seulement une vingtaine d’années d’existence à un niveau professionnel, travaille principalement avec les professionnels des pays limitrophes, plus particulièrement avec la France et la Belgique. Ceci, sans doute, à cause de la proximité mais aussi d’une langue commune que nous partageons: le français.

À l’époque, les premiers étudiants luxembourgeois ont suivi leur formation audiovisuelle et cinématographique quasiment exclusivement dans des universités belges et françaises. Très vite, des réseaux ont été mis sur pied entre anciens étudiants, notamment en prenant des participations dans des sociétés de production installées ou en créant ce que l’on pourrait appeler «des succursales».

Le Luxembourg – en partenariat avec la Belgique – a depuis le tout début misé résolument sur la coproduction internationale. Les instances officielles ont développé de nombreux échanges dans le but de renforcer les collaborations en matière de coproduction, notamment avec les régions qui touchent nos frontières.

Pour autant, notre pays coproduit également avec l’Allemagne, principalement avec les Länder Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Bade-Wurtemberg, Brandebourg et Hambourg avec l’Autriche, l’Irlande, les Pays-Bas, la Suisse, le Royaume Uni, et plus sporadiquement avec – entre autres – l’Espagne, l’Italie, le Portugal, les pays de l’Est ou même le Canada. Ces partenariats dans le cadre de la réalisation d’un film sont facilités par les nombreux accords de coproduction que le Luxembourg a signés avec la Suisse, l’Irlande, l’Autriche, l’Allemagne, la France, le Canada et le Québec. De nouveaux accords avec d’autres pays sont en cours de discussion, toujours dans le souci de renforcer les liens internationaux et de varier la cinématographie nationale.

Comment une coproduction voit-elle le jour?

G.D.: Plus que les aspects purement artistiques et techniques, ce sont le plus souvent les difficultés du montage financier d’un film qui incitent les producteurs à se tourner vers l’étranger et à trouver des partenaires, ceci pour boucler le financement d’un projet audiovisuel. Pour un projet initié à l’étranger, une fois que l’estimation du budget est faite, le producteur entame la collecte des fonds nécessaires à son financement en s’adressant en premier lieu aux «guichets» disponibles dans son pays, ceci en fonction du genre de film et bien entendu des règles et critères desdits guichets. En l’occurrence, il s’agit de fonds nationaux, régionaux, communaux, de systèmes fiscaux et de crédits d’impôts. En France, par exemple, qui est le pays européen le mieux doté à cet égard, les producteurs audiovisuels ont moins besoin d’avoir recours à un montage financier international.

Mise à part la situation en France, compte tenu des budgets «standard» (de l’ordre de 6 à 8 millions d’euros en Europe), il est très difficile de financer un film à 100% dans son propre pays. L’investissement privé est plutôt rare. Une fois que toutes les possibilités nationales de financement sont épuisées, l’initiateur du projet cherche des partenaires étrangers. Ce sont des associations momentanées qui se concrétisent soit à la suite d’une rencontre (le plus souvent lors d’un festival international ou d’un marché professionnel, idéal pour nouer des contacts), soit consécutivement à une collaboration antérieure, ou encore dans le cadre d’un partenariat à moyen ou long terme (sociétés de production liées) ou d’échanges privilégiés. À son tour, le partenaire étranger intéressé par le projet va aller à la recherche de financement dans son pays. Dans certains cas, il faut plusieurs partenaires coproducteurs (deux à trois, voire plus) pour arriver à lever les fonds nécessaires. En résumé, plus le budget d’un projet est élevé et plus les sources de financement nationales sont restreintes, plus nombreux sont les producteurs qui doivent intervenir dans la coproduction.

Il faut également savoir qu’il existe un Fonds du Conseil de l’Europe EURIMAGES qui soutient financièrement les coproductions européennes et qui peut donc faciliter le montage financier de ces coproductions. Pour les producteurs luxembourgeois, la recherche de fonds est facilitée par le fait qu’il n’existe qu’un seul guichet pour les professionnels au Luxembourg: le Fonds national de soutien à la production audiovisuelle (Film Fund Luxembourg). Mais cette facilité est toute relative puisque ce guichet unique ne soutient les productions audiovisuelles (et professionnelles) qu’à hauteur de maximum 30% de leur budget, ce qui implique que les producteurs luxembourgeois sont obligés de se tourner vers la coproduction internationale. Dans certains cas, notamment lorsqu’il s’agit d’un projet créé par un auteur/réalisateur luxembourgeois, l’intervention financière du Fonds peut être supérieure à 30% du coût du projet.

À quel point les coproductions sont-elles importantes pour notre industrie cinématographique?

G.D.:Sans la coproduction internationale, il n’y aurait pas de cinématographie luxembourgeoise. Vu la taille du marché national, l’absence de distributeurs et de chaînes de télévision disposant de moyens financiers pour investir dans la production et au regard des moyens limités du Fonds, les producteurs nationaux doivent impérativement coproduire avec l’étranger. Le Luxembourg a également besoin de produire des œuvres minoritaires afin de maintenir son secteur à son niveau en termes de volume et de croissance, permettant ainsi par la suite de produire des œuvres majoritairement luxembourgeoises. D’autre part, il s’agit aussi pour le secteur audiovisuel luxembourgeois de créer des réseaux et de bénéficier d’une résonnance internationale. Cette «industrie» culturelle a besoin pour ses créatifs de reconnaissance au-delà de nos frontières.

Pourquoi le Luxembourg est-il intéressant pour les productions étrangères?

G.D.: Comme on l’a vu précédemment, l’intérêt est avant tout financier. Mais pas seulement. Le Luxembourg est apprécié par les producteurs étrangers pour ses compétences au niveau de la coproduction internationale. Celles-ci s’expriment dans tous les domaines artistiques et techniques et dans tous les genres d’œuvres audiovisuelles: fiction, animation, transmédia, réalité virtuelle – augmentée. L’avantage de notre pays est aussi son aspect multiculturel, ses trois langues, la facilité de communication avec les autorités, sa proximité. Ce tout forme un semis propice à la création en général et à la coproduction internationale en particulier.

Merci pour cet entretien!

L’interview a été réalisé par e-mail le 26.02.2017 (BM)

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