La filière bois au Luxembourg

Le rôle stratégique d’une chaîne de valeur régionale dans la transition de notre société

Longtemps considérée comme négligeable, la filière bois connaît depuis quelques années une réelle renaissance et un regain de l’intérêt économique et politique. Alors que les enjeux autour du développement durable, de l’économie circulaire ou encore des défis liés au changement climatique sont de plus en plus cruciaux, la filière bois dévoile tous ses atouts !

Au commencement était… la forêt

La forêt est un lieu multifonctionnel par excellence : à la fois poumon écologique indispensable au bon équilibre de la vie sur terre, foyer de milliers d’espèces animales et végétales contribuant à la bio­diversité, élément-clé économique en tant que source de matières premières renouvelables ou encore lieu de loisirs récréatifs, pièce maîtresse du paysage rural et montagnard… Elle suscite ainsi autant de fascination, de rêves ou de peurs ancestrales que d’intérêts très pragmatiques. Au Luxembourg, avec une superficie d’environ 90 000 hectares, la forêt couvre plus d’un tiers du territoire national, avec une très large proportion de feuillus (64 % de la surface totale) comparé aux résineux (36 %).

En ce qui concerne la fonction économique, à savoir la production de bois, la forêt est un écosystème fascinant que l’on pourrait comparer à une usine high-tech ! Un lieu de production qui fonctionne à 100 % avec de l’énergie solaire, qui fixe le CO2 et émet de l’oxygène, qui filtre l’air et l’eau et produit un matériau d’exception qui est le bois. Chaque année, 750 000 m3 de bois sont ainsi produits dans les forêts au Luxembourg, dont 500 000 m3 sont concrètement récoltés. Ainsi, la forêt constitue un capital exceptionnel qui génère des intérêts, dont seuls les deux tiers sont utilisés : un modèle quasi unique de prélèvement durable, à la croisée des enjeux écologiques, économiques et sociétaux.

Le bois, un produit éco-conçu, durable et innovant

Matériau traditionnel par excellence, le bois, fortement concerné par les évolutions technologiques et la digitalisation, est en train de gagner en notoriété et les possibilités technologiques sont quasi illimitées. Depuis son extraction de la forêt jusqu’à sa forme finale, le bois peut être commercialisé à chaque étape de la filière sous différentes formes :

  • Le bois d’œuvre, bois de haute qualité, est utilisé en grande partie dans les secteurs de la construction ou de la menuiserie. Il représente actuellement environ 25 % des volumes vendus au Luxembourg, avec une tendance à la baisse.
  • Le bois industrie, bois de moindre qualité, est en principe relativement vite déchiqueté pour ensuite être retransformé en panneaux de particules/fibres ou en pâte à papier dans des grandes unités de transformation du bois. 50 % des bois vendus partent en tant que bois industrie et ce niveau est resté assez stable au cours des dernières années.
  • Le bois énergie est, quant à lui, souvent peu transformé et directement brûlé. Il représente au total environ 25 % des ventes, avec une tendance à la hausse.

Un matériau naturel qui passe dans les mains d’experts passionnés !

En parcourant la filière, de l’exploitation en forêt au consommateur final, le bois passe entre les mains expertes d’hommes et de femmes qui créent au sein d’entreprises innovantes de la valeur ajoutée : on parle de la chaîne de valeur régionale du bois.

La cartographie de la filière bois réalisée par le département Market Intelligence de Luxinnovation et le Wood Cluster (cf. pages infographiques) permet d’illustrer la richesse et la grande diversité de cette filière. Celle-ci constitue, de fait, un vivier d’emplois extrêmement variés et d’entreprises dynamiques. Cette étude sectorielle a permis l’identification de 1 285 entreprises représentant un total de 19 500 emplois. Huit catégories d’entreprises ont été différenciées : exploitation forestière / négoce, scierie / transformation, industrie, énergie, architecte / ingénieur, construction / charpente, artisanat / menuiserie, commerce / divers.

Ce qui ressort, en outre, de cette analyse, c’est l’importance des entreprises qui relèvent du secteur de l’artisanat et de la menuiserie, mais aussi de la construction bois. En termes d’emplois, ces deux secteurs totalisent environ 15 500 personnes, soit plus de 80 % de l’emploi total. Cependant, il est important de souligner qu’il existe des entreprises pour chacune des catégories de la chaîne de valeur. L’industrie et le secteur de l’énergie alimenté par des produits bois totalisent 5 % des entreprises et 9 % de l’emploi total du secteur.

  • Une filière d’avenir… sous observation politique

Délaissée politiquement pendant de longues années et connaissant un lent déclin jusqu’au début du XXIe siècle, la filière bois connaît depuis quelques années un réel rebond économique ainsi qu’un intérêt et soutien politique grandissants. En témoigne notamment la création du Wood Cluster en 2016, sous l’impulsion du regretté Camille Gira, alors secrétaire d’Etat au Développement durable et aux Infrastructures ou encore la construction de nombreux bâtiments publics en bois. La filière bois joue aujourd’hui un rôle primordial dans deux défis politiques majeurs au Luxembourg : la mise en route de l’économie circulaire et les défis liés au changement climatique.

Plus que tout autre matériau, le bois s’inscrit de manière parfaite dans le cadre de la mise en œuvre des principes de l’économie circulaire. Les notions de recycle et upcycle prennent ici tout leur sens, tant la filière « forêt-bois » présente de nombreux flux connexes possibles pour améliorer la longévité du matériau à travers différentes formes d’utilisation successives. Ainsi, un bois d’œuvre sous forme de charpente peut, par exemple, même après 50 années d’utilisation, être retransformé en bois industrie (panneaux ou pâte à papier) ou bien être utilisé sous forme de bois énergie.

Le potentiel d’exploitation est ainsi particulièrement vaste. La filière bois est, en outre, la seule à intégrer les cycles biologiques et technologiques de son matériau de base. En effet, le bois est un matériau naturel qui, en fin d’utilisation, « retourne » à la nature et peut être transformé à plusieurs reprises pendant son utilisation.

Dans cette lutte contre le réchauffement de la planète, le bois est susceptible de jouer un rôle majeur à plusieurs niveaux :

  • les forêts sont des puits de carbone qui stockent dans le bois le carbone prélevé dans le CO2 de l’atmosphère ;
  • de nombreuses utilisations du bois (construction, menuiserie…) permettent de fixer le CO2 à long terme ;
    par rapport à d’autres matériaux, la production des matériaux en bois nécessite beaucoup moins d’énergie (« énergie grise ») ;
  • son utilisation en tant que source énergétique permet de diminuer le recours aux énergies fossiles.

Une filière d’avenir, mais aussi naturellement fragile

Les temps sont durs aussi pour la filière forêt-bois et pas uniquement en raison des conséquences de la pandémie de Covid-19 qui ont bien évidemment directement affecté les entreprises, de façon plus ou moins importante en fonction des sous-secteurs. Ironie du sort, la filière, qui présente de nombreux atouts en termes de lutte contre le changement climatique, est impactée précocement et fortement par les effets de ce dernier.

En effet, en raison de la répétition des étés très secs – voire des situations de sécheresse –, il y a un fort dépérissement de l’épicéa, qui constitue la première essence de production au Luxembourg. Ces types d’arbres sont notamment victimes d’attaques de scolytes, des petits coléoptères xylophages. Autre conséquence observée : un début de dépérissement d’une autre essence importante, le hêtre. Nous avons donc des impacts sur la ressource locale, avec des fortes variations de prix pour les essences citées et bien évidemment un impact important sur la chaîne de valeur des entreprises.

Touchons du bois…

Aujourd’hui, les acteurs de la filière ne se laissent pas abattre et misent sur la résilience. D’un côté, l’Administration de la nature et des forêts, placée sous l’autorité du ministère de l’Environnement (pour les parcelles publiques), et les propriétaires privés ont pour mission de faire en sorte que leurs forêts puissent s’adapter aux changements climatiques en cours (cf. les articles de Claudine Felten et de Michel Dostert dans le présent numéro). Des vastes programmes d’aides et des changements profonds de gestion forestière sont en train de se réaliser dans le fin fond de nos forêts, favorisant des peuplements mixtes, multi-âgés et donc plus résilients.

De l’autre, les entreprises au sein de la filière, elles aussi, se sont engagées dans des processus de réflexion. L’innovation de nouveaux produits, comme l’utilisation du bois de hêtre dans la construction, tout comme des pistes d’optimisation de processus et l’utilisation moindre de ressources sont des axes qui sont privilégiés. A travers différents programmes cofinancés par le ministère de l’Economie, les entreprises sont encouragées et accompagnées par Luxinnovation afin de devenir plus résilientes dans le futur et de mieux faire face aux prochaines crises qui risquent de survenir. C’est notamment le cas du programme Fit 4 Resilience.

Les dégâts collatéraux engendrés par la crise sanitaire actuelle ont mis en lumière l’importance de plus en plus accrue des chaînes de valeur et des chaînes d’approvisionnement locales et régionales. Un domaine sur lequel le Luxembourg Wood Cluster s’est déjà beaucoup penché, bien avant que le terme Covid-19 n’entre dans le vocabulaire usuel. Ces travaux seront davantage approfondis, puisque la filière bois est un exemple parfait de l’utilisation d’une ressource régionale et de la création de valeur régionale. Le cluster est en effet une plateforme importante et indispensable pour travailler ensemble et échanger afin de sortir au mieux de cette crise. Tous ensemble.

Même si son origine se perd dans la nuit des temps, le bois demeure plus que jamais un matériau d’avenir dans une perspective durable et circulaire. La filière bois, composée de nombreux passionnés, est aujourd’hui en première ligne pour entamer une transition durable de notre société.

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