La flamme de la bonté humaine

Le bouddhisme de la Soka Gakkai et les droits de l'homme

La Soka Gakkai internationale (SGI), à laquelle l’organisation luxembourgeoise est affiliée, est un mouvement laïque qui compte plus de 12 millions de personnes à travers le monde. Les membres de la SGI suivent les enseignements de Nichiren, un moine bouddhiste japonais du 13e siècle. Ces enseignements, basés sur le Sûtra du Lotus, fondent une religion et une philosophie de vie ancrées dans la réalité quotidienne.

La SGI s’engage dans diverses activités de la paix, notamment l’éducation aux droits de l’homme, le mouvement pour l’abolition des armes nucléaires et les efforts pour promouvoir un développement durable. Elle est reconnue comme organisation non gouvernementale (ONG) au sein des Nations Unies depuis 1983. De plus, chaque année, le 26 janvier, jour anniversaire de la création de la SGI, son président, Daisaku Ikeda, fait une Proposition pour la paix concernant le rôle des Nations Unies, le désarmement et l’environnement. Dans la proposition de paix de 1998, Daisaku Ikeda, souligne les similarités entre le concept du bodhisattva et une culture des droits de l’homme : « Quel est le sens véritable du concept de bodhisattva sur lequel de si remarquables penseurs se sont penchés ? On pourrait dire en résumé que le bodhisattva est l’exemple de la compassion et de l’altruisme. Il aspire à aider chaque être humain à devenir heureux, ‘retardant son propre éveil, comme le dit Nichiren, pour sauver tous les êtres de la souffrance’.

Les qualités du boddhisattva peuvent être diversement décrites, mais j’en mentionnerai une qui me semble avoir plus particulièrement trait aux droits de l’Homme. Le bodhisattva fait le vœu de sauver les autres et fonde toutes ses actions sur ce vœu, ce qui est une expression spontanée et naturelle d’altruisme. Ce vœu n’est pas la simple expression de sa détermination ou de son désir, c’est un véritable engagement auquel le bodhisattva se consacre de tout son être. Le bodhisattva refuse de se laisser dissuader ou décourager par les difficultés que suscite ce défi. Le Sûtra du Lotus parle de la fleur de lotus qui pousse, blanche et pure, dans un étang boueux. Cette analogie illustre l’atteinte d’un état de vie pur et fort au cœur des réalités parfois dégradantes de la société. De la même façon, le bodhisattva ne cherche jamais à échapper à la réalité, n’abandonne jamais ceux qui souffrent et plonge dans les eaux tumultueuses de la vie en s’efforçant d’aider toutes les personnes noyées dans la souffrance à prendre pied sur le grand vaisseau du bonheur.

Voici ce que je veux souligner en introduisant ainsi le concept de bodhisattva : les droits de l’homme ne deviendront véritablement universels et indivisibles que lorsqu’ils transcenderont la distinction existentielle fondamentale entre soi et autrui. Et ceci ne sera réalisé qu’à la condition que droits et devoirs concernant le traitement de l’être humain soient respectés, non pas pour se conformer à des normes imposées de l’extérieur, mais pour répondre à un mouvement spontané issu du désir puissant et naturel d’aider ceux dont la dignité humaine se trouve menacée.

Le bouddhisme met l’accent sur la qualité de notre motivation, et attache de l’importance à ce qui jaillit spontanément de l’intérieur, selon la phrase : « Seul le cœur est important ». Le bouddhisme enseigne que le but ultime de la vie de Shakyamuni fut révélé par son comportement en tant qu’être humain. Ainsi la tradition bouddhique considère que cultiver et parfaire sa personnalité constitue le véritable objet de la pratique religieuse. Des normes non générées de l’intérieur qui n’encouragent pas le développement de la personnalité s’avèrent en définitive d’une influence et d’une utilité très minces. C’est seulement lorsque les normes imposées de l’extérieur et les valeurs individuelles se soutiennent et se complètent mutuellement qu’elles permettent aux êtres humains de résister au mal et de vivre en véritables défenseurs et champions de droits de l’Homme.

En tant que citoyens responsables dans leurs pays respectifs, les membres de la SGI contribuent au développement d’un mouvement pour la paix, la culture et l’éducation. Dans le contexte immédiat de leur vie quotidienne, ils agissent avec l’esprit du bodhisattva, refusant d’ignorer ou d’abandonner ceux qui souffrent. Ils sont à l’origine d’innombrables actions dans l’intérêt des autres, luttant pour encourager telle personne, soulager l’angoisse de telle autre, et soutenir leur entourage. Je suis fier d’eux et je crois que leurs efforts sans éclat, ces efforts émanant du peuple, sont de nature à promouvoir la culture des droits de l’Homme dont notre époque a tant besoin.

Je pense que si nous pouvons entretenir dans les profondeurs de chaque vie humaine, le foyer actif et autonome de ce comportement altruiste qu’illustre le vœu du bodhisattva, nous pourrons établir les fondements d’une éthique de la responsabilité et de l’engagement sur laquelle une véritable culture des droits de l’Homme pourra s’épanouir. En effet, la motivation intérieure qui incite à agir quand la dignité humaine est menacée constitue pour les droits de l’Homme la plus décisive et la plus durable des forces.

La divergence de vues très marquée apparue lors de la Conférence Mondiale sur les Droits de l’Homme qui s’est tenue en 1993 a clairement montré que la question de l’universalité des droits de l’Homme n’est pas complètement résolue et requiert un examen attentif. Comme j’ai tenté de le montrer dans mon exposé sur l’idéal du bodhisattva, je crois que lorsque les gens entreprennent spontanément de vivre selon les normes qui leur paraissent désirables et dans la mesure où leur comportement est conforme à ces normes, les droits de l’Homme peuvent transcender les limites de simples règles imposées de l’extérieur, et, en tant que valeurs intégrées, se muer en une puissante force de changement de la réalité. En ce sens, il est primordial d’entreprendre un dialogue pour élaborer une nouvelle synthèse de vues entre ceux qui défendent le principe de l’universalité des droits de l’Homme et ceux qui les considèrent comme relatifs aux différentes cultures. Ce n’est que par un tel dialogue que l’on pourra parvenir à une compréhension véritablement universelle des droits de l’Homme et à créer les conditions pour qu’ils soient appliqués de manière égale et sans discrimination aucune entre tous les habitants de la planète. »

Cette année marque le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre 1948). La Déclaration a vu le jour en réponse aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale dans le but de faire en sorte qu’à l’avenir aucun gouvernement ou État ne puisse piétiner aussi terriblement, et avec des conséquences aussi tragiques, les droits et la dignité fondamentale des personnes.

Marquant cette étape importante, la proposition de paix de 2018 de Daisaku Ikeda est intitulée : « Vers une ère des droits humains : construire un mouvement populaire ». Sous le thème « La flamme de la bonté humaine », il écrit :
« Le bouddhisme pratiqué au sein de la SGI s’appuie sur l’exemple du bodhisattva Jamais-Méprisant, dont la pratique était constamment imprégnée par la conviction que l’on peut dissimuler la flamme de la bonté humaine mais qu’on ne peut jamais l’éteindre. (…)

Dans la tradition du bouddhisme Mahayana, le Bouddha est décrit comme un être ordinaire digne du plus grand respect. De ce fait, un bouddha n’est en aucun cas séparé de l’humanité. Le bodhisattva Jamais-Méprisant illustre l’enseignement essentiel du Sûtra du Lotus – à savoir que c’est par nos efforts, en tant qu’êtres humains, pour nous éveiller à notre propre dignité et pour la savourer pleinement, tout en chérissant ceux qui nous entourent et en nous souciant d’eux, que nous pouvons faire briller dans notre vie la lumière sublime de la bouddhéité.

Nichiren a décrit ainsi ce pouvoir de transformation de la vie : ‘Nous devenons ainsi le père et la mère de ce [Bouddha de] l’illumination parfaite, et le Bouddha est l’enfant auquel nous donnons naissance.’ Toute personne qui agit pour les autres tout en portant le poids de ses difficultés personnelles manifeste ainsi sa raison d’être et sa mission originelles qui consistent à éclairer la société avec la lumière de la dignité.

On peut dire la même chose des droits humains. Ils ne nous sont pas garantis par des lois et des traités ; la nécessité impérative de protéger la liberté et la dignité de tous les êtres humains provient du fait que chacun de nous est intrinsèquement précieux et irremplaçable. »

Mais l’être humain peut-il se changer lui-même afin de pouvoir manifester le même état de vie que le bodhisattva Jamais-Méprisant ? Comment pouvons-nous réaliser une telle transformation intérieure ?

La philosophie bouddhique expose une méthode pratique donnant aux êtres humains la possibilité de surmonter non seulement leurs diverses souffrances – mais qui contribue en plus à changer la société en large. Josei Toda, 2e Président de la Soka Gakkai, donna le nom de « révolution humaine » à ce processus de libération intérieure de notre esprit. Il s’agit d’un processus continu de renouvellement et revigorant, de développement de la capacité intérieure illimitée d’une personne à mener la vie la plus créative et contributive par ses propres efforts.

La société dans son ensemble bénéficie de la transformation d’un seul individu

Il y a eu pas mal de révolutions différentes au courant des derniers siècles : d’ordre politique, économique, industriel, scientifique etc. Toda était d’avis que, même si les facteurs extérieurs changeaient, la société ne s’améliorera pas tant que les hommes, qui sont à la base de tout, ne transformeront pas leurs tendances négatives et destructives inhérentes dans leurs vies.

Le changement positif à l’intérieur d’une seule personne est le premier pas dans le processus d’amélioration du genre humain vers une espèce plus forte et plus sage. La révolution humaine est la plus fondamentale et la plus essentielle de toutes les révolutions. Cette révolution – un processus intérieur de réformation – est une révolution sans effusion de sang et complètement pacifiste.

Chaque personne possède un potentiel énorme qui est souvent inexploité. Par cette révolution humaine, ce potentiel peut être révélé et nous pouvons établir un soi indépendant et indestructible, qui nous amène à confronter la vie avec plus de créativité. Ce processus nous donne les moyens de grandir et de nous développer indéfiniment.

La révolution humaine consiste donc à transformer sa vie au niveau le plus profond. Cela implique d’identifier et de défier ses tendances négatives et destructives et de mettre à profit et renforcer ses qualités. Tel est l’objectif fondamental de la pratique bouddhique. Prendre la responsabilité de transformer sa vie est le premier pas pour créer une société humaine fondée sur la compassion et le respect de la dignité de la vie de tous. En effet, la transformation intérieure d’une personne engendre des changements dans son environnement. Et, alors que l’impact de ces changements individuels se propage telles des ondes à la surface de l’eau, de plus en plus de personnes s’en trouvent affectées positivement. Finalement, la société dans son ensemble bénéficie de la transformation d’un seul individu.

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