La formation de professionnels à l’interculturalité comme outil de lutte contre l’ethnocentrisme 

Une des recommandations qui ressort des deux rapports du Centre d’étude et de formation interculturelles et sociales sur le racisme et les discriminations concerne la formation et la sensibilisation d’adultes professionnels à la lutte contre les stéréotypes et le racisme. 

Parmi les différentes pistes, la formation à l’approche interculturelle est une des démarches pédagogiques qui a fait ses preuves au Luxembourg comme à l’étranger.

La formation à l’approche interculturelle­ a pour objectif d’aider des professionnels en contact avec des publics d’origines ou de cultures différentes à comprendre et à gérer un choc culturel afin d’améliorer la communication avec ces bénéficiaires. Dans le monde francophone, Margalit Cohen-Emerique1 est sans doute la personne qui a été la plus influente de par ses travaux de psychosociologue sur l’interculturel, sur lesquels elle s’est ap­puyée pour développer une « formation à l’approche interculturelle ».

Ce que la formation à l’approche interculturelle n’est pas 

Quand on parle d’interculturalité, on peut penser qu’il s’agit avant tout de découvrir et de faire émerger les caractéristiques culturelles des publics avec lesquels des professionnels sont en contact. Et une fois ces traits culturels connus, de pouvoir les gérer et les anticiper. Les travaux de Geert Hofstede2 sur les six dimensions à l’origine de différences culturelles nationales ont notamment inspiré des méthodes de formation au management interculturel, méthodes qui insistent sur ces différences culturelles nationales, voire qui ont tendance à les essentialiser et ainsi réduire les individus à cette seule dimension identitaire.

Ce n’est pas ce que propose l’approche interculturelle. Considérer qu’il existe des traits et des codes culturels immuables spécifiques à un groupe, très souvent un groupe national, revient à penser que ces cultures n’évoluent pas ou qu’elles sont identiques indépendamment de l’âge, du territoire, de la classe sociale et des trajectoires individuelles. Cela conduirait au contraire à favoriser des préjugés ou des stéréotypes envers ces collectifs.

De quoi parle-t-on alors ?

La formation à l’approche interculturelle repose sur un premier pilier qui lui est fondamental : la décentration. Avant de réfléchir sur l’Autre et ses différences, il s’agit de prendre le temps de se découvrir soi-même, son histoire, ses valeurs, sa culture et son évolution, soit sa propre identité, ce qui fait que je suis qui je suis à un moment donné dans un contexte donné. Au sein de cette identité, il existe des zones plus sensibles qui font qu’à un certain moment, je peux être heurté par un propos, un comportement qui peuvent alors nous entraîner vers un choc culturel. 

Il s’agit alors dans un second moment de découvrir les raisons qui sont à l’origine de ce choc. Cela passe par un travail réciproque de découverte de la « rationalité de l’Autre », de comprendre les raisons fondamentales qui font que nous sommes en désaccord sur des valeurs qui nous touchent et auxquelles nous sommes chacun profondément attachés, ce que Margalit Cohen-Emerique appelle le « cadre de référence ».

C’est seulement une fois ce travail en miroir réalisé et explicité que le professionnel peut aller vers la dernière étape de médiation et de négociation, c’est-à-dire prendre le temps de la relation à l’Autre afin de rechercher ensemble, sur un pied d’égalité, une solution qui respecte les valeurs des deux parties prenantes, voire de trouver une solution sur laquelle ils peuvent s’accorder, autour d’un dénominateur commun, une valeur essentielle et partagée.

Ainsi, la démarche interculturelle vise à faire émerger nos différences culturelles et les expliciter, mais également à trouver ce qui nous ressemble et ce qui nous unit.  

  1. Margalit COHEN-EMERIQUE, Pour une approche interculturelle en travail social, Paris, Presses de l’EHESP, 2015.
  2. Geert HOFSTEDE, Culture’s consequences. International differences in work-related values, Londres, Sage Publications, 1984.

Frédéric Mertz est politologue, sociologue et directeur adjoint du Centre d’étude et de formation interculturelles et sociales.

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