La Transition travail-retraite

«Mieux vaut préparer que guérir»

« Faire la grasse matinée, puis lire le journal en toute tranquillité, discuter un peu avec le facteur. Après le déjeuner regarder le journal télévisé et faire une petite sieste avant de faire une promenade ou de travailler dans son jardin… En soirée, rencontrer des amis, discuter avec eux en sachant que le lendemain on ne doit pas se lever de bonne heure… Partir en voyage pendant des semaines entières puisqu’on ne doit plus compter les jours de congés retants… »

C’est ainsi que certaines personnes, proches de la retraite, s’imaginent la nouvelle étape de leur vie. Pourtant, régulièrement, cette vision correspond peu à la réalité. Même si certains futurs retraités s’informent sur l’aspect financier, peu nombreux sont ceux qui se soucient du quotidien qui les attend après le départ à la retraite.

Changement des conditions-cadres

En 2012, l’âge moyen auquel une personne touche sa première pension de vieillesse au Luxembourg était de 58,9 ans.1 L’âge moyen d’entrée en retraite a même légèrement diminué: en 2006, il était de 59,5 ans.2 Etant donné que l’espérance de vie au Luxembourg était en 2013 de 84,8 ans pour les femmes et de 80,2 pour les hommes3, le retraité a de nos jours encore en moyenne 20 années devant lui, contrairement aux générations précédentes. En effet, en 1980, l’espérance de vie pour les hommes était de 70 ans tandis que celle des femmes était de 76,7 ans.4

«Si la retraite était un médicament, on l’interdirait à cause des effets secondaires.»

La retraite a un impact considérable sur la vie. Attendu depuis longtemps, le départ à la retraite représente des chances, mais aussi des défis. Nouvelles opportunités, temps de loisirs et engagement bénévole d’un côté, difficultés d’ajustement, perte éventuelle de statut et de relations sociales, et risque de conflits conjugaux de l’autre. Le départ à la retraite peut donc bouleverser la vie des futurs retraités et engendrer l’apparition de difficultés psychosociales.

Selon une étude réalisée en Allemagne5, 80% des retraités interrogés considèrent que le travail leur a conféré un sentiment d’utilité. 74% disent que le travail leur a procuré une satisfaction personnelle tandis que 75% des retraités affirment que le travail leur a permis d’être en contact avec les gens. Il est intéressant de souligner que les réponses des salariés ayant participé à cette étude ne varient que peu de celles des retraités. En conséquence, les nouveaux retraités doivent faire un deuil: désormais ils ne font plus partie du monde qui était le leur pendant tant d’années.

Une étude américaine a montré qu’environ 70% des retraités n’ont pas rencontré de grands problèmes d’adaptation lors de la transition à la retraite.6 Ceux qui en ont eu n’en parlent que rarement.7 Le journaliste et auteur allemand Wolfgang Prosinger,a écrit un livre8 sur les difficultés qu’il a rencontrées. Selon lui, «si la retraite était un médicament, on l’interdirait à cause des effets secondaires9». Prosinger, qui ne s’est pas préparé à la retraite, résume en quelque sorte sa propre expérience.

Certains retraités ne se sentent plus utiles, car à leurs yeux, inactivité rime avec inutilité. En conséquence, ils se replient sur eux-mêmes, abandonnent peu à peu leurs cercles d’amis et se trouvent face à un appauvrissement de la vie sociale. D’autres ont tendance à se replier sur leur entourage familial et se surinvestissent pour leurs proches au risque de les étouffer, ce qui peut créer des tensions au sein des familles. Même un divorce10 peut en être la conséquence.

D’autres retraités peuvent se retrouver dans une dépendance ou en dépression. Selon une étude suisse, 7% des personnes de 65 à 74 ans ont une addiction à l’alcool. Un tiers des personnes ont développé cette addiction après le départ à la retraite. Une raison évoquée est la perte de sens et du lien social. Ainsi, l’alcool est devenu un refuge pour les personnes ayant rencontré des problèmes en partant à la retraite.11

L’ampleur de la crise que certaines personnes vivent lors de la transition à la retraite est grande. Ainsi, sur les 81 suicides qui ont été commis au Luxembourg en 2015, 31 personnes avaient plus de 60 ans!12

La transition travail-retraite est conditionnée par la préparation qui se fait pendant les années qui précèdent la retraite. Ceux qui ne se sont focalisés que sur leur travail seront confrontés à un aménagement identitaire plus difficile. La nouvelle réalité est d’autant plus déstabilisante s’ils ne savent remplacer les centres d’intérêt de leur vie passée – leur travail, leurs collègues, leur raison de vivre – par des perspectives nouvelles.

L’art de bien se préparer

Pour éviter une crise lors de l’entrée en retraite, les experts recommandent de la préparer. Il s’agit en somme d’imaginer une nouvelle vie. Certains spécialistes suggèrent de commencer à la planifier bien avant, au plus tard deux ans avant le départ à la retraite. À cet égard, le ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région avait organisé en 2017 un cycle de conférences thématisant la transition de la vie professionnelle à la retraite. Ces conférences avaient pour objectif d’inciter le grand public à entamer une réflexion sur son départ à la retraite. Se préparer à temps permet, en effet, de profiter au mieux de cette étape de vie et de parer à certaines difficultés qui peuvent y être liées.

Les personnes qui ont trouvé un bon équilibre entre travail et loisirs pendant leur carrière professionnelle vont avoir plus de facilité pour construire un nouveau projet de vie. L’aspect financier joue un rôle important dans cette préparation, mais il ne constitue qu’un des éléments qui déterminent le style de la vie future.

Dans le meilleur des cas, les projets choisis correspondent aux envies des nouveaux retraités, sont réalisables, durables, compatibles avec les moyens financiers et les capacités physiques, et leur fournissent un sentiment d’utilité.

Le futur retraité ne doit cependant pas oublier qu’il ne part pas seul à la retraite. Il a, selon le cas, un conjoint ou partenaire, des enfants et petits-enfants, ou des parents, et le nouveau projet doit également prendre en considération leurs attentes et besoins.

L’apprentissage à tout âge

La nécessité de s’informer et de maintenir voire développer ses compétences ne s’arrête pas avec le départ à la retraite. Au Luxembourg, une panoplie de structures13 proposent des activités de formation ouvertes aux retraités. Les cours proposés permettent d’approfondir les connaissances et de créer un nouveau réseau de contacts partageant les mêmes intérêts.

L’apprentissage à tout âge renforce aussi le dialogue intergénérationnel et interculturel. En participant aux conférences, séminaires et cours, le retraité prend de nouveau part à la vie sociale. En plus, l’incitation intellectuelle stimule les fonctions cognitives et permet de ralentir le vieillissement du cerveau.

Devenir bénévole

Suite à l’abandon des activités professionnelles, la plupart des jeunes retraités expriment le besoin d’être utile et d’avoir des activités socialement reconnues. Le bénévolat procure ce sentiment d’utilité aux retraités à la recherche d’un nouveau défi.

L’engagement bénévole peut relever soit de l’engagement familial, soit du bénévolat de voisinage (la solidarité et la convivialité de quartier) soit du bénévolat associatif. L’Agence du bénévolat renseigne et oriente les personnes intéressées via son site www.benevolat.lu et les met en contact avec des associations qui profitent de cette manière du savoir-faire et des compétences des retraités.

Enfin, il reste encore la possibilité de toucher une pension de vieillesse et de continuer à travailler, comme le font 10 % des retraités. La moitié de ceux qui choisissent cette option affirment qu’ils le font pour avoir une satisfaction au travail ou à cause des contacts sociaux que l’emploi leur procure.14

Nouer des relations sociales

Les Clubs Seniors ou la Seniorenakademie du RBS-Center fir Altersfroen sont des services qui accueillent des personnes ayant 50 ans ou plus. Ils offrent un large éventail d’activités dans les domaines les plus divers, qui peuvent être retrouvées sur les sites www.luxsenior.lu et www.rbs.lu.

Ils proposent notamment des activités de loisirs, des activités sportives, des cours et séminaires, mais aussi des excursions culturelles. Ces services permettent également aux personnes intéressées de s’investir personnellement dans les activités proposées. Ils facilitent ainsi les contacts interculturels et intergénérationnels et soutiennent les retraités pour briser l’isolement social et participer activement à la vie en société.

« Que faites-vous ? »

Avant la retraite, notre carte de visite déterminait qui nous étions. Une fois retraités, nous sommes ce que nous faisons. La question qu’on pose souvent aux retraités n’est plus «Qui êtes-vous?» mais «Que faites-vous?». Le choix des possibilités que les retraités ont à leur disposition est grand, donc à chacun de décider ce qu’il veut répondre à son interlocuteur.

[1] Paul Reiff : Regards sur la transition de la vie active vers la retraite , Institut national de la statistique et des études économiques – Statec, février 2014, p.3.
[2] Ibid.

[3] François Peltier : Regards sur la mortalité, Institut national de la statistique et des études économiques – Statec, novembre 2015, p. 1.
[4] Ibid.

[5] Volker Cihlar, Andreas Mergenthaler, Frank Micheel: Erwerbsarbeit und informelle Tätigkeiten der 55- bis 70- Jährigen in Deutschland, Bundesinstitut für Bevölkerungsforschung, 2014, p. 18.

[6] Elisabeth Niejahr und Kolja Rudzio: „Und jetzt? Der Fluch der frühen Rente in ZEIT Nr. 31 vom 30.07.2015.
[7] Wolfgang Prosinger in Menschen bei Maischberger:„Rente ist schrecklich! Die Lüge vom glücklichen Ruhestand“, 15 September 2015. Elisabeth Niejahr und Kolja Rudzio: „Und jetzt ? Der Fluch der frühen Rente“, in ZEIT Nr. 31 vom 30.07.2015.
[8] Wolfgang Prosinger: In Rente: Der größte Einschnitt unseres Lebens, Rowohlt Verlag GmbH, Reinbek bei Hamburg, 2014.
[9] „Wäre die Rente ein Medikament, würde man sie verbieten, wegen der Nebenwirkungen.“
[10] En 2016, 113 hommes âgés de 60 ans et plus et 66 femmes âgées de 60 ans et plus ont divorcé au Luxembourg sur un nombre total de 1 241 divorces. Cf. Personnes divorcées par âge et selon le sexe 1950–2016 ; Institut national de la statistique et des études économiques – Statec, mai 2017.
[11] http://www.addictionsuisse.ch/actualites/communiques-de-presse/article/age-de-la-retraite-une-periode-charniere-aussi-en-matiere-dalcool/
[12] Institut national de la statistique et des études économiques – Statec, Suicides, traumatismes et empoisonnements causés d’une manière indéterminée quant à l’intention, selon l’âge, le procédé et le sexe 1967–2015, Luxembourg, 2017.
[13] L’Université du Luxembourg ; l’Institut national des langues ; Landakademie ; le Service de la formation des adultes du Ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse.
[14] Paul Reiff : Regards sur la transition de la vie active vers la retraite , Institut national de la stat et des études écon. – Statec, février 2014, p.4.

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