- Politik
L’ADN du DP : libéral, humaniste, européen
L ’avenir des partis
Il revient aux théoriciens, aux politologues et aux historiens le soin d’analyser plus en détail le passé, la raison d’être et l’évolution du parti démocratique. Rappelons cependant que la liberté, la tolérance, le goût d’entreprendre et la responsabilité font partie de l’ADN du DP. Mais la tolérance et le respect de la liberté sont-ils encore des signes distinctifs pour un parti politique? De plus, la séparation des pouvoirs et le principe de l’Etat de droit sont pour ainsi dire unanimement acceptés. Et il en est de même de l’égalité des citoyens en droit dont se réclament les libéraux. N’y aurait-il dès lors plus de différences entre les partis traditionnels? La fin de la guerre froide aurait-elle balayé tous les antagonismes? La fin des idéologies signifie-t-elle la fin des partis? Notre monde est-il en perte de repères? Qu’est-ce qui fait qu’un citoyen s’engage – encore – dans un parti?
Le DP – réformateur depuis ses débuts
Début des années 1970, Marcel Mart, ministre libéral de l’économie à l’époque, déclare que le DP partage les finalités des partis de gauche. C’est aussi à ce moment que d’importantes réformes sont initiées sous l’impulsion du DP. L’abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l’avortement, le droit de vote à 18 ans et des réformes significatives en matière d’égalité hommes-femmes voient le jour.
Mais c’est dans l’exercice du pouvoir que le DP a pu convaincre l’opinion publique de sa capacité d’engager des réformes, et ce dans un domaine où d’aucuns ne s’attendaient pas à le voir exceller. Pour rappel, au moment de la crise sidérurgique, les ministres Thorn, Mart et Flesch prennent tout le monde de court en instaurant avec leurs partenaires de coalition une concertation sociale inédite avec le patronat et les syndicats par souci d’éviter aux travailleurs la précarité et la misère. Si les libéraux ne sont pas les seuls à gérer cette crise, ils contribuent d’une manière décisive à la résolution de celle-ci. Le DP n’a donc aucune raison de rougir de son bilan social. Aussi ses racines les plus profondes daten telles des années 1970 où il acquiert définitivement le profil d’un parti capable d’assumer les plus hautes responsabilités politiques. Son sens de l’État devient dorénavant l’un de ses principaux marqueurs. Avec son approche pragmatique, fortement ancré dans le respect de ses valeurs, à l’écoute du citoyen, le DP surprend moins par sa doctrine que par son action.
Dans un tout autre domaine, le ministre libéral de la justice, Eugène Schaus, met en œuvre des réformes importantes en matière d’égalité hommes-femmes. C’est aussi le moment où Colette Flesch, l’étoile montante du DP, tout comme Lydie Polfer et Anne Brasseur sont parmi les premières à féminiser la classe politique luxembourgeoise.
Aussi le DP a-t-il assumé depuis les débuts de son existence toutes les responsabilités gouvernementales à l’exception du ministère du travail, belle prouesse pour un parti qui a passé un quart de siècle dans l’opposition depuis 1984. La relative volatilité de son électorat l’a éloigné de l’exercice gouvernemental pendant de longues années. Il a su mettre à profit sa traversée du désert pour explorer des alternatives politiques.
Après avoir été aux commandes pendant trois législatures, le DP passe à l’opposition pour la même durée. De 1999 à 2004, nouvelle participation gouvernementale, suivie d’une cure d’abstinence du pouvoir pour revenir en force en 2013 où le gouvernement Bettel a réussi à réaliser d’importantes réformes tout en assainissant les finances publiques, marquées par la crise de 2008. Xavier Bettel est d’ailleurs le deuxième Premier ministre issu des rangs du DP.
Un acteur national et européen dans un contexte global
Malgré les bonnes performances économiques et bon nombre de points pouvant être mis à l’actif de l’actuel gouvernement, notre société fait face à une accumulation de difficultés, d’inquiétudes, voire de remises en question. Il ne faut pas s’y tromper: comparées aux défis des 40 dernières années, les difficultés auxquelles nous allons devoir faire face aujourd’hui sont sans commune mesure, dans leur nature et leur ampleur, avec celles rencontrées au cours des générations précédentes. Au Luxembourg, la très bonne conjoncture actuelle nous donne, certes, un moment de répit mais certains problèmes structurels persistent bel et bien. Les problèmes de fond sont tout au plus masqués par la bonne marche de l’économie nationale. L’augmentation du RNB est voisine de cinq pour cent, mais, par contre, la productivité peine à s’améliorer. Deux pour cent de croissance démographique au rythme annuel rendent l’accès au logement presque aléatoire sans parler des efforts à déployer pour bien réussir l’intégration des immigrants. Les années qui sont devant nous ne seront donc pas de tout repos. La révolution numérique risque d’être impitoyable. Les librairies ferment une à une, tout comme les magasins de chaussures et la mercerie du quartier. Leur clientèle traditionnelle est désormais approvisionnée par Amazon qui fait acheminer les produits que nous nous sommes procurés naguère encore dans notre voisinage immédiat par des agents souvent mal payés.
Le consommateur exige une agriculture de proximité avec une offre abondante de produits du terroir. En même temps, on voit se développer à côté des hypermarchés des magasins qui vendent encore moins cher, vrai défi pour le commerçant d’antan. Les bons conseils, tous ces «il n’y a qu’à» et «il faut que» ne changent rien au fait que la transition vers un autre «business model» reste très souvent une opération hasardeuse. Les classes moyennes voient leur situation menacée. Cet élément clé de notre société qui, pendant des générations, était le point d’arrivée de ceux qui avaient réussi leur ascension sociale, doit se réinventer. Le DP, traditionnellement très proche des classes moyennes, pleinement conscient de ces difficultés s’engage à mobiliser tous les potentiels de créativité et d’innovation pour rendre cette partie de la population plus résiliente.
Il ne faut néanmoins, pas sous-estimer le danger que font courir à nos sociétés des classes moyennes en désarroi. Comme nous avons déjà pu observer dans les années 1930, certains peuvent être tentés par un appel au protectionnisme qui ne mène nulle part. Ne nous faisons pas d’illusions, une globalisation nonmaîtrisée entraîne nombre de personnes dans une impasse économique, sociale et politique. Le même constat vaut pour les perdants de la digitalisation dont le nombre ne cesse de croître en Europe et dans le monde. A problèmes globaux, réponses globales! Comme ces problématiques, bien qu’à des degrés divers, concernent tous les pays du monde, il faut se demander ce qu’on attend pour se coordonner à une plus large échelle, en renforçant d’abord les capacités de l’Union européenne là où elle peut apporter une vraie valeur ajoutée.
Comment dès lors appréhender ces nouveaux facteurs? Aujourd’hui, les dynamiques de changement frappent tous les domaines et concernent la planète entière. Certaines crises, comme le changement climatique, sont franchement existentielles pour l’humanité. Récurrentes, les crises financières, elles aussi, peuvent mener nos sociétés au bord du gouffre. D’autres encore, comme la crise des réfugiés, peuvent très vite réveiller les vieux démons, surtout si la communauté internationale agit en ordre dispersé et exclut la moindre solidarité. En cette période de polycrise globale, où tout nous invite à agir en commun, à partager les charges à l’échelon local, national et européen, trop d’ États membres de l’UE restent encore enfermés dans des structures et mécanismes décisionnels d’antan, inaptes à dégager des solutions équitables. Cela n’aurait rien à voir avec le Luxembourg? Cela a tout à voir avec le Luxembourg qui peut exceller si on lui donne l’occasion de se déployer dans un contexte international où grands et petits se voient appliquer les mêmes règles.
Comment faire bouger les lignes ?
Malheureusement l’aggiornamento institutionnel de l’Union européenne prend du retard. Depuis les débuts de son existence jusqu’à la fin de la guerre froide, l’Union européenne a été le moteur du progrès. Or depuis la disparition du rideau de fer, le monde évolue à une vitesse vertigineuse. L’Europe, quant à elle, peine à s’adapter à la nouvelle donne et risque ainsi d’être déclassée par rapport aux géants que sont la Chine, les États-Unis, l’Inde et bien d’autres…
Il est devenu banal de rappeler que le destin de notre pays est étroitement lié à celui de l’Union européenne. Nos intérêts vitaux sont indissociables de ceux de nos partenaires en matière de sécurité intérieure et extérieure ainsi qu’au plan économique sans parler de l’impératif de protection de nos valeurs fondamentales. Tout donne à penser que nous n’allons plus longtemps être les seuls à faire face à ce constat. Cela vaut également pour nos partenaires européens et notamment les plus grands. Ceux qui à l’époque de nos aïeux étaient encore les maîtres du monde vont comprendre qu’à l’avenir, ils auront à faire à plus fort qu’eux. En effet, le premier pays francophone du monde, en 2018, n’est plus la
France, mais c’est bien le Congo. Les quatre États membres de l’Union européenne, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie, qui font encore partie du G8 vont le quitter un à un. Dans trois décennies, l’Allemagne sera sans doute le dernier membre européen de ce groupe pour finir par être déclassée par le Nigéria qui prendra sa huitième place.
L’état de grâce
Mais de quoi notre avenir sera-t-il fait? Il serait illusoire de chercher la réponse dans le seul prolongement des courbes de notre croissance économique. En ce début de l’année 2018, il est vrai, certaines tendances très positives se confirment.
Le chômage recule, le niveau des retraites n’est pas menacé. Le Luxembourg se modernise, la paix sociale n’est pas en danger et nos jeunes ne figurent pas parmi les plus malheureux de la planète.
Par ailleurs, après l’élection de Trump en 2016, la victoire tant redoutée des anti-européens aux Pays-Bas et en France n’a pas eu lieu. Si tel avait été le cas, nous aurions pu faire une croix sur l’ «Union européenne sans cesse plus étroite». Cette menace, cependant, n’a pas disparu. L’on pourrait tout au plus parler d’un moment de répit, d’une sorte d’état de grâce.
Il ne nous reste sans doute guère plus que quatre années pour repenser notre vivre ensemble sur le continent et consolider notre espace de liberté, de paix et de justice. Après, l’Europe pourra de nouveau être prise en otage par ses détracteurs si, entretemps, son fonctionnement dans des domaines essentiels ne s’est pas nettement amélioré. Sans une politique européenne qui soit à même de fixer des standards sociaux, permettant aux travailleurs de vivre décemment, les excès de la mondialisation continueront d’alimenter les réservoirs de colère qui menacent les fondements mêmes de nos sociétés. Ne rien faire, c’est laisser décider les autres de notre destin collectif. Cela vaut a fortiori pour le changement climatique, par exemple. Agir seul dans ce domaine reviendrait à tabler sur l’homéopathie pour éliminer la peste. On pourrait multiplier à l’infini les arguments plaidant en faveur d’un plus d’Europe. Le DP en est conscient depuis le début de son existence.
On ne peut pas juger le DP sans prendre en considération son rapport à l’intégration européenne. Au sein de notre Parlement, il n’est qu’un acteur parmi six partis. Dans l’Union européenne on les compte par centaines. Tout l’invite dès lors à créer des alliances, rassembler des courants et initier des partenariats pour arriver à faire bouger les lignes. Le DP n’a, certes, pas le monopole exclusif des valeurs libérales qui, heureusement, sont partagées aussi par d’autres partis. Il peut, cependant, faire la différence en allant plus vite plus loin.
Humaniste, moderne, européen
On pourrait comparer notre pays à un paquebot en haute mer. Lorsque la tempête se lève, la coque doit être assez solide pour accuser les chocs. Aussi le capitaine doit-il avoir le pied marin, tenir le gouvernail et rassurer son équipage. Quand le calme revient, les passagers attendent impatiemment que le paquebot retrouve sa vitesse de croisière. Le paquebot Luxembourg, quant à lui, est assez résilient. Ses dépenses sont tenues, sa capacité d’endettement reste intacte, le capitaine Bettel n’a pas lâché le gouvernail et son équipe a fait bouger les lignes. Malgré la prudence qui est de mise en pleine période d’assainissement budgétaire, son gouvernement a fait voter une réforme fiscale qui a le mérite d’accroître à la fois le revenu net du contribuable et les recettes fiscales.
Qu’est-ce qui restera du DP quand tout sera oublié? L’image d’un parti au profil complet, capable d’assumer toutes les fonctions gouvernementales, va rester gravée dans le disque dur de la mémoire collective. C’est important pour un courant politique qui ne peut pas, contrairement au CSV et au LSAP, s’appuyer sur des réseaux, des organisations syndicales ou d’importants mouvements associatifs. Ce qui, jusqu’à une époque récente, a pu paraître comme un handicap de taille peut désormais tourner à son avantage. Nombre de citoyens exigeants et critiques ont tendance à s’éloigner des structures ancestrales et à faire confiance à des formations politiques pragmatiques, en phase avec leurs attentes.
Les mesures arrêtées en matière de politique familiale par Corinne Cahen semblent confirmer cette tendance. Il en est de même du chantier de la digitalisation dont les décisions vont impacter notre vie professionnelle, notre façon de travailler, de communiquer, de voyager, de consommer et de gouverner notamment. Le chantier de la digitalisation, à n’en pas douter, va aussi être le test de résistance pour le système de protection de nos libertés individuelles et le droit au respect de la sphère privée. Pour le DP, ces valeurs essentielles ne sont pas négociables. Tant qu’il refusera de dépasser cette ligne rouge, on aura besoin de lui, de ses alliés européens et de ceux qui cherchent inlassablement des solutions par opposition à ceux qui cherchent inlassablement des problèmes. S’attaquer au fossé numérique, donner des chances à ceux qui en ont peu ou qui ont été propulsés hors de leur trajectoire, lutter contre les inégalités criantes va rester absolument prioritaire pour toutes les forces politiques responsables. S’ils n’ont pas les réseaux ou les structures qui rappellent en permanence aux acteurs libéraux qu’il importe de tout mobiliser pour redonner de l’espoir à ceux qui ont décroché, c’est l’humanisme dont ils se réclament qui les invite à le faire. Ce n’est pas la façon la moins noble de faire de la politique.
Als partizipative Debattenzeitschrift und Diskussionsplattform, treten wir für den freien Zugang zu unseren Veröffentlichungen ein, sind jedoch als Verein ohne Gewinnzweck (ASBL) auf Unterstützung angewiesen.
Sie können uns auf direktem Wege eine kleine Spende über folgenden Code zukommen lassen, für größere Unterstützung, schauen Sie doch gerne in der passenden Rubrik vorbei. Wir freuen uns über Ihre Spende!
