Les mineurs en exil

Cadre juridique concernant l’accueil des mineurs non accompagnés au Luxembourg

Le phénomène des mineurs non accompagnés (ci-après MNA), concernant principalement des jeunes âgés entre 16 et 18 ans, est jusqu’à présent assez facile à circonscrire au Luxembourg d’un point de vue quantitatif. Pour examiner le cadre juridique ayant trait aux mineurs non accompagnés, il faut se référer à plusieurs lois1. Pour ce qui est de cet article, nous allons nous focaliser sur le cadre juridique de la protection internationale étant donné que dans la pratique, elle représente l’unique moyen/opportunité leur permettant de rester sur le territoire luxembourgeois, de bénéficier d’un hébergement et d’une aide sociale2. Pour des raisons d’espace de publication, on ne va pas traiter dans cet article les conditions d’accueil et les droits dérivés de l’obtention du statut de réfugié ou bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Les étapes de la demande de protection internationale

Le nouveau système prévoit trois étapes pour obtenir le statut de demandeur de protection internationale (DPI): la présentation, l’enregistrement et l’introduction de la demande de protection internationale. La procédure d’examen de la demande de protection internationale d’un MNA débute au moment de la présentation de la demande de protection internationale aux bureaux de la Direction de l’Immigration du ministère des Affaires étrangères. Un agent possédant les connaissances nécessaires sur les besoins particuliers des mineurs traite la demande3. La loi autorise le MNA à présenter sa demande personnellement ou à travers son représentant (si un tuteur ou administrateur ad hoc était déjà désigné). Dans le délai de trois jours suivant l’introduction de la demande, le MNA reçoit un document délivré en son nom attestant son statut de DPI et son droit de rester sur le territoire pendant toute la procédure. En principe, le MNA ne peut pas être soumis à la procédure accélérée sauf s’il est originaire d’un pays d’origine sûr, s’il a déjà présenté une demande de protection internationale antérieurement, s’il existe des raisons sérieuses de considérer qu’il représente un danger pour la sécurité nationale, voire l’ordre public, ou s’il a fait déjà l’objet d’une décision d’éloignement forcé pour motifs graves de sécurité nationale ou d’ordre public.

Prenant en considération l’intérêt supérieur de l’enfant4 à partir de la présentation de la demande, le MNA se voit attribuer, dès que possible, un administrateur ad hoc désigné par le juge de tutelles. D’habitude, il s’agit d’un avocat à la Cour, mais la désignation peut tomber aussi sur une organisation. L’adminstrateur ad hoc représente et assiste le mineur au cours des procédures relatives à sa demande de protection internationale et accomplit tous les actes juridiques en son nom. Il peut informer le MNA de la raison d’être et des conséquences de l’entretien personnel dans lequel le MNA doit expliquer les raisons de sa demande. Ainsi, le cas échéant, l’administrateur doit veiller que ce dernier soit préparé pour cet entretien5. L’agent du ministère est chargé de conduire l’entretien d’une manière adéquate: il doit adapter les questions à l’âge présumée du demandeur et les poser d’une manière simple et compréhensible.

Il est important de signaler que le système juridique luxembourgeois prévoit la désignation d’un tuteur pour gérer les affaires courantes du mineur hors de la procédure de la protection internationale. Le juge de tutelles nomme une organisation (en pratique, les tutelles sont partagées entre la Croix-Rouge et Caritas) qui après désigne une personne chargée de représenter le MNA6. Le tuteur est responsable pour que le mineur puisse bénéficier de ses droits et veille à ce que le mineur respecte les obligations en matière d’accueil.

Vérifier l’âge du mineur

L’évaluation de l’âge des MNA n’est pas simple et les méthodes utilisées ainsi que les approches prises par les autorités varient entre les États7. Au Luxembourg, s’il y a un doute sur l’âge du MNA, le ministre peut ordonner des examens médicaux, mais doit veiller au fait qu’avant de pratiquer ceux-ci, le mineur soit informé, dans une langue qu’il comprend, sur l’objectif de l’examen, la méthode utilisée et les conséquences des résultats ainsi que les conséquences d’un refus à se soumettre à ce test8. Avant 20129, la méthode pour déterminer l’âge d’un mineur indépendamment de la tranche d’âge était celle de Greulich et Pyle10. Cependant, la Cour administrative avait considéré que cette méthode n’était pas fiable et qu’il y a avait un «risque d’erreur majeur à l’égard d’enfants non caucasiens, originaires d’Afrique ou d’Asie, dont le développement osseux peut être tout à fait hétérogène par rapport aux références anglo-saxonnes suscitées et qui peut être profondément affecté par des carences ou des pathologies inconnues dans les populations de référence remontant à plus d’un demi-siècle11». Suite à ce jugement, d’autres méthodes d’évaluation sont utilisées pour les mineurs entre 16 et 18 ans. S’il existe des doutes sur l’âge exacte après le résultat des examen médicaux, le demandeur continue à être considéré comme mineur12. En cas de doutes sur la véracité d’autres éléments de l’histoire du mineur, le ministre peut notamment ordonner un test linguistique afin de déterminer si effectivement le demandeur vient de la région ou du pays d’où il affirme venir13.

L’analyse du dossier

L’analyse de la demande de protection internationale d’un MNA est effectuée en principe par le même agent qui a conduit l’entretien avec le mineur et qui peut par ailleurs se faire assister par des experts. Une fois le dossier complet, le ministre procède à un examen de la demande du MNA et la décision doit être prise dans un délai maximal de six mois. Si celle-ci est positive, le ministre octroie la protection internationale soit sous forme du statut de réfugié, soit celle du bénéficiaire de la protection subsidiaire14. Si la décision est négative, le MNA peut introduire un recours de reformation devant le tribunal administratif dans un délai d’un mois à partir de la notification de la décision et à travers de son administrateur ad hoc. Ceci dit, un MNA ne peut pas être placé en rétention sauf comme mesure de dernier ressort et dans des circonstances exceptionnelles.

Manque de précisions

Le phénomène des MNA au Luxembourg (103 demandes en 2015) peut être considéré jusqu’à présent comme marginal en comparaison à d’autres États membres de l’Union européenne. Au Luxembourg, la question des MNA est abordée presqu’exclusivement dans le cadre de la protection internationale parce qu’elle est l’unique procédure ouverte aux MNA pour rester sur le territoire luxembourgeois et pour bénéficier d’un encadrement/accompagnement spécifié dans les deux lois sur l’asile et l’accueil des demandeurs de protection internationale. La nouvelle loi sur la procédure d’asile est relativement nouvelle et on n’est pas encore en mesure de déterminer son impact quant au traitement adapté des demandes de protection internationale des MNA.

Elle présente certainement une avancée dans la mesure où elle contient plusieurs dispositions relatives à la garantie de l’intérêt supérieur et à la vulnérabilité du mineur DPI. Il faut cependant s’interroger sur le manque de précision de quelques articles de loi qui peuvent affecter le traitement effectif de la demande de protection internationale du MNA. Ainsi, la présentation de la demande déclenche la requête de la Direction de l’Immigration afin de nommer un administrateur ad hoc, mais la loi n’établit pas de délai pour faire cette requête ni de délai de désignation de l’administrateur ad hoc par le juge de tutelles. Par conséquent, la procédure d’examen de la demande de protection internationale peut être retardée pendant cette période, vu que le mineur ne peut pas introduire pour soi-même la demande de protection internationale. Ce retard peut affecter les MNA s’approchant de l’âge adulte: si la désignation de l’administrateur ad hoc tarde à venir, le risque existe que la demande du MNA soit traitée de manière procédurale comme si c’était un adulte. En plus, le MNA ne peut théoriquement pas bénéficier de conditions matérielles d’accueil jusqu’à ce que l’administrateur ad hoc introduit la demande. Un problème similaire se pose en rapport avec le délai prévu pour la durée de rétention du MNA comme mesure de dernier ressort, même, si en pratique, les autorités ne procèdent pas à la rétention des MNA. La loi mentionne seulement que cette rétention doit être aussi brève que possible sans préciser la durée maximale de cette mesure.

De manière générale, avec une arrivée plus importante des MNA l’année dernière, il convient de se demander si la problématique fera l’objet d’études plus approfondies au Luxembourg et le cas échéant, s’il faudra de nouvelles mesures spécifiques tant en ce qui concerne les questions procédurales que de l’accueil et de l’accompagnement social. u

1 Loi du 18 décembre 2015 sur la protection internationale et la protection temporaire qui règle la protection internationale, la loi du 18 décembre 2015 relative à l’accueil des demandeurs de protection internationale et de protection temporaire qui fait référence aux conditions d’accueil, le Code Civil, et la loi du 8 mai 2009 sur l’assistance, la protection et la sécurité des victimes de la traite des êtres humains.

2 LU EMN NCP, Policies, practices and data on unaccompanied minors in 2014, Luxembourg, 2014, p. 5.

3 La loi spécifie que ces fonctionnaires reçoivent une formation pour pouvoir traiter d’une manière adaptée la demande de protection internationale en fonction de l’âge et la situation de vulnérabilité du mineur.

4 Article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 transposée par la loi du 20 décembre 1993, Mémorial A-104 du 29 décembre 1993.

5 Les personnes qui peuvent assister à cet entretien sont: le mineur, l’agent du ministère, le traducteur, l’administrateur ad hoc ou son avocat (si ce n’est pas la même personne et l’administrateur ad hoc n’est pas avocat).

6 Cette désignation se fait en conformité avec la loi du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse, l’article 379 du Code civil et l’article 20 de la loi du 18 décembre 2015 relative à l’accueil des demandeurs de protection internationale et protection temporaire.

7 EMN, Policies, practices and data on unaccompanied minors in the EU Member States and Norway, Inform, 2015, p. 3. En Suède, on utilise par exemple les examens radiologiques pour déterminer l’âge squelettique (radiographie des os de la main), mais aussi il peut y avoir une évaluation dentaire à travers des radiographies panoramiques. SE EMN NCP, Policies on reception, return and integration arrangements for, and numbers of, unaccompanied minors – an EU comparative study, National Report, June 2009, p. 29.

8 Le simple refus de se soumettre à l’examen ne peut pas être le seul motif pour rejeter la demande de protection internationale, mais il n’empêche pas le ministre de statuer sur la demande.

9 C’est à dire avant le jugement de la Cour administrative n° 30869C.

10 La méthode de Greulich et Pyle a été développée pour suivre dans le temps la maturation squelettique dans les pathologies interférant avec la croissance staturo-pondérale, mais pas pour la détermination de l’âge chronologique. Cour administrative, n° 30869C. Dans le rapport de l’Académie de médecine n° 07-01 Sur la fiabilité des examens médicaux visant à déterminer l’âge à des fins judiciaires et la possibilité d’amélioration en la matière pour les mineurs étrangers isolés, l’Académie conclue: «La lecture de l’âge osseux par la méthode de Greulich et Pyle permet d’apprécier avec une bonne approximation l’âge de développement d’un adolescent endessous de quinze ans. Il existe cependant, même si elles sont relativement rares, des situations où l’âge de développement et âge réel comportent des dissociations. La double lecture de l’âge osseux (radio pédiatre et endocrinopédiatre) et l’examen du développement pubertaire en milieu spécialisé avec éventuellement un contrôle six mois plus tard, doivent augmenter la fiabilité de la détermination.»

11 Cour administrative, n° 30689C du 25 juillet 2012.

12 Article 20 (4).

13 Article 12 (2) paragraphe 2.

14 L’article 2 g) de la loi définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme «tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays».

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