Les PME artisanales face à la réforme fiscale

L’apport des entreprises artisanales à la société dépasse le seul aspect fiscal et ainsi la discussion ne peut se limiter à la fiscalité. En effet, les entreprises artisanales jouent un rôle important, d’abord dans la lutte contre le chômage, en recrutant des personnes peu ou pas qualifiées – un profil pour lequel il existe de moins en moins de débouchés au niveau de l’économie nationale en général. Même en temps de crise, et contrairement à d’autres secteurs économiques, l’artisanat a continué à recruter. Ensuite, il encourage la formation des jeunes, notamment à travers le régime de l’apprentissage – une formation appropriée constituant le meilleur «vaccin» contre le chômage. En 2014, la Chambre des métiers recensait ainsi plus de 1700 apprentis.

Dépasser quelques mythes

D’aucuns ne se lassent de répéter que les ménages assumeraient une part de plus en plus large de la charge fiscale globale, contrairement aux entreprises. Or, cette affirmation n’est nullement vérifiée dans les faits. Ainsi, l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) renferme les recettes fiscales générées par toute une panoplie de revenus, un fait qui rend difficile, sinon impossible, l’imputation de ces impôts respectivement aux entreprises et aux ménages: salaires, bénéfices commerciaux, bénéfices provenant de l’exercice d’une profession libérale, revenus de location, pensions, etc. Il résulte de cette énumération que les revenus de certaines «entreprises» sont également soumis à l’IRPP. Par ailleurs, au lieu de comparer la seule charge fiscale relative des ménages et des entreprises, il faudrait également analyser l’évolution des assiettes imposables. Ainsi, «l’excédent brut d’exploitation et le revenu mixte (EBE)», un concept qui permet d’estimer l’assiette des entreprises, est nettement plus faible que la masse salariale: le premier représentait 39,3% du PIB en 2014, contre 49,1% pour la seconde.

En outre, l’affirmation que les PME «ne paient pas d’impôts» doit être réfutée, car elle ne correspond pas à la réalité. Si certains types d’entreprises paient moins d’impôts, ceci tient aussi à des différences entre secteurs économiques. Les entreprises du secteur financier, notamment les banques, réalisant globalement des bénéfices beaucoup plus élevés que les entreprises artisanales, il est tout à fait logique que les premières génèrent des recettes fiscales largement supérieures à celles des secondes. Une productivité nettement plus importante du secteur financier lui permet de dégager des bénéfices plus élevés qui, à leur tour, génèrent des recettes fiscales notables.

Or, les entreprises artisanales ne contribuent pas seulement aux recettes de l’impôt sur le revenu des collectivités (IRC), mais également à celles de l’IRPP. En effet, parmi les unités rentrant dans le champ d’application de ce dernier, on compte 1646 entreprises individuelles. À titre d’illustration, la Chambre des métiers a estimé que le secteur de la construction a généré en 2014 des recettes fiscales au sens large de plus de 430 millions d’euros1.

PME artisanales et optimisation fiscale: une autre paire de manches

Il faut rappeler que l’optimisation fiscale n’a rien d’illégal, mais qu’elle exploite plutôt les possibilités que lui offre un droit fiscal non harmonisé au niveau international. Cependant, il faut admettre qu’il existe des formes d’optimisation plus ou moins agressives. Dans l’opinion publique, on suppose souvent que l’écrasante majorité des entreprises mettrait en œuvre de telles pratiques pour échapper à l’impôt ou du moins pour réduire significativement leur charge fiscale. Or, il n’en est rien, ceci pour une raison toute simple: les entreprises artisanales, dans leur très grande majorité des PME, réalisent des bénéfices d’un tel ordre de grandeur que la mise au point de stratégies d’optimisation fiscale onéreuses ne ferait aucun sens.

Évidemment, les PME artisanales peuvent réduire leur charge d’impôts à travers certains mécanismes, comme la bonification d’impôt pour investissement. Néanmoins, le recours à cet instrument ne peut guère être qualifié d’optimisation fiscale, car les entreprises n’investissent point dans le but de réduire leur charge fiscale, mais plutôt pour maintenir, voire accroître leur compétitivité.

Fiscalité des personnes morales: considérer la composante PME

La réforme fiscale doit, au-delà d’autres objectifs, favoriser le développement des PME. L’esprit d’entreprise constituant un facteur primordial dans le renouvellement du tissu économique, il faut récompenser les efforts et la prise de risques des chefs d’entreprise des PME au niveau fiscal. En d’autres termes, il faut éviter de faire peser sur les revenus de ces entités une charge fiscale qui soit perçue comme étant excessive et aurait de ce fait un caractère dissuasif en ce qui concerne la création d’entreprise.
L’intensification de la concurrence et le progrès technologique rendent nécessaires des adaptations régulières de l’outil de production. Afin d’inciter les PME à l’investissement plutôt qu’à une simple distribution de l’ensemble des bénéfices réalisés, préservant ainsi leur compétitivité, la fiscalité peut servir d’instrument guidant les chefs d’entreprises dans cette direction.

La place financière constitue toujours un important pilier de l’économie nationale et il faut concéder que l’artisanat doit une partie de son évolution favorable à son essor: d’une façon directe, parce que le secteur financier représente un client important; d’une façon indirecte, puisque la place contribue à large échelle à renflouer les caisses de l’État, ce qui permet à celui-ci de réaliser p.ex. des investissements publics, soit des dépenses qui impactent directement l’activité de l’artisanat. Le fait de préserver la compétitivité du site (Standort) joue par conséquent en faveur du secteur de l’artisanat.

Finalement, le développement de l’artisanat est avant tout tributaire de la demande intérieure qui émane des particuliers, des entreprises et des pouvoirs publics. Sur la toile de fond de la réforme fiscale, la Chambre des métiers est d’avis qu’il faut stimuler le pouvoir d’achat des ménages aux revenus plutôt modestes.

Baisse des taux et élargissement de la base imposable?

D’après les premières indications, la réforme fiscale tend au niveau de l’imposition des personnes morales à diminuer le taux d’imposition nominal et à élargir la base imposable. L’idée de base serait d’abaisser le taux d’affichage en vue d’augmenter l’attractivité du site. En effet, il ressort des comparaisons internationales effectuées que le taux d’imposition nominal qui s’élève actuellement à 29,2% n’est plus compétitif. Dans les discussions à mener autour du déchet fiscal, les effets possibles de la réforme ne doivent pas être analysés en adoptant une vue purement comptable, selon laquelle les recettes fiscales baissent si le taux d’imposition diminue; le fait de réduire le taux augmentera l’attractivité du Luxembourg et favorisera l’implantation de nouvelles activités, qui engendreront à leur tour des recettes fiscales supplémentaires. Toutefois, la Chambre des métiers est bien consciente de la difficulté de prévoir l’impact de la réforme. C’est la raison pour laquelle elle plaide pour une réduction graduelle du taux d’imposition qui permette d’évaluer lors de chaque phase l’incidence de la réforme sur les finances publiques. Dans ce contexte, il ne faut pas perdre de vue que des initiatives comme BEPS2 contribueront de toute façon à élargir la base imposable –, ce dont la réforme fiscale devra impérativement tenir compte.

Si la Chambre des métiers peut soutenir d’une manière générale le concept d’une baisse du taux d’imposition nominal et, en parallèle, l’élargissement de l’assiette imposable, la manière d’opérer cette extension est loin d’être un exercice innocent. Si on limitait par exemple la déductibilité fiscale des intérêts, ceci pénaliserait d’autant plus lourdement les entreprises que leur structure financière présente un taux d’endettement élevé.

Attirer la main-d’œuvre dont les PME ont besoin

Concernant l’IRPP, des mesures prises dans ce domaine risquent de toucher également les entreprises individuelles, qui sont loin de représenter un ensemble marginal d’acteurs économiques. En effet, le Statec fait état de quelque 5600 entreprises individuelles au niveau national. De manière générale, il est important d’assurer que les salaires (nets) restent attrayants pour les travailleurs frontaliers, de même que pour les personnes susceptibles d’immigrer. L’artisanat a en effet des besoins en main-d’œuvre que le marché du travail national ne peut malheureusement satisfaire entièrement. Or, une charge fiscale et des cotisations sociales peu élevées permettent aux employeurs luxembourgeois de maintenir les rémunérations nettes à un niveau élevé. Il conviendrait de stimuler de façon ciblée le pouvoir d’achat des ménages aux revenus plutôt modestes. Au vu de l’état précaire des finances publiques, il faut éviter que la réforme n’engendre un «déchet fiscal» démesuré. En cas de nécessité, une piste pourrait consister à limiter, voire à supprimer certains abattements ou déductions.

1. IRC ; impôt commercial communal, retenue sur les traitements et salaires, TVA
2. Base erosion and profit shifting

 

 

Als partizipative Debattenzeitschrift und Diskussionsplattform, treten wir für den freien Zugang zu unseren Veröffentlichungen ein, sind jedoch als Verein ohne Gewinnzweck (ASBL) auf Unterstützung angewiesen.

Sie können uns auf direktem Wege eine kleine Spende über folgenden Code zukommen lassen, für größere Unterstützung, schauen Sie doch gerne in der passenden Rubrik vorbei. Wir freuen uns über Ihre Spende!

Spenden QR Code