- Gesellschaft, Politik
L’euthanasie et l’assistance au suicide au Luxembourg
En 2009, après un long débat animé sur le pour et le contre de l’euthanasie, la loi relative aux soins palliatifs ainsi que la loi sur l’euthanasie et l’assistance au suicide étaient adoptées, suivies de la loi sur les droits et obligations du patient cinq années plus tard1. Cet article offre les informations de base et analyses nécessaires afin de bien comprendre les enjeux du sujet et propose une évaluation de la mise en
oeuvre de la législation de ces dernières années.
L’article 1er de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide dit qu’« il y a lieu d’entendre par euthanasie, l’acte, pratiqué par un médecin, qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande expresse et volontaire de celle-ci. Par assistance au suicide, il y a lieu d’entendre le fait qu’un médecin aide intentionnellement une autre personne à se suicider ou procure à une autre personne les moyens à cet effet, ceci à la demande expresse et volontaire de celle-ci ».
Dans un langage non juridique et pratique, on peut dire que l’euthanasie consiste en l’injection d’un produit anesthésiant associé éventuellement à un curarisant (protocole le plus souvent utilisé). La perte de conscience se produit, comme lors d’une anesthésie générale, au bout d’une trentaine de secondes, la mort survenant rapidement en moins de 10 minutes : il s’agit d’une mort douce. Si le patient majeur est capable et conscient, il peut à tout moment décider lui-même de son sort. Par contre, si le patient est inconscient ou incapable, il doit avoir rédigé une directive anticipée (soins palliatifs), voire avoir enregistré une disposition de fin de vie auprès de la Commission nationale de contrôle et d’évaluation de la loi sur l’euthanasie et l’assistance au suicide (euthanasie).
L’euthanasie ou l’assistance au suicide est autorisée en Belgique, en Espagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Suisse, au Canada (Québec), dans cinq États des États-Unis (Californie, Montana, Oregon,
Vermont, Washington State) et en Colombie. Il est intéressant de mentionner qu’en Belgique et aux Pays-Bas, les soins palliatifs et l’euthanasie sont intégrés dans le même processus de gestion de la fin de
vie, mais cette vision de la fin de vie reste peu partagée au Luxembourg.
Modalités philosophiques et pratiques
Il y a plusieurs perspectives philosophiques qui peuvent nous servir de base dans la discussion. Ainsi, le principe d’autonomie ou de disposition de soi suggère que le patient décide lui-même de son sort et garde jusqu’à la fin le contrôle sur sa vie. Le principe de tolérance conduit les citoyens à accepter le pluralisme moral à l’égard de la fin de vie et à accepter la volonté d’autrui. Un autre principe clé est celui de la bienfaisance qui amène le médecin au respect du choix de son patient à l’égard de la fin de vie de ce dernier. Ce choix prime alors sur le principe de solidarité ou dimension relationnelle constitutive de la solidarité humaine, principe qui limite les décisions autonomes, notamment concernant le suicide.
D’un point de vue juridique, le patient doit être majeur, capable et conscient. Sa demande est volontaire, sans pression extérieure, réfléchie et répétée, et sa situation médicale sans issue. Sa souffrance physique
ou psychique est constante et insupportable, sans perspective d’amélioration, et la demande est consignée par écrit.
Dans le cas d’une euthanasie, deux médecins sont concernés et assument des tâches et responsabilités différentes. Le médecin traitant est celui qui, le cas échéant, va effectuer l’euthanasie. Il doit informer le patient sur son état de santé, son espérance de vie, ses options thérapeutiques et de soins palliatifs. Il s’assure que la demande est volontaire, qu’il n’y a aucune autre solution acceptable aux yeux du patient
et du caractère persistant de la souffrance physique ou psychique. Il consulte un autre médecin quant au caractère grave et incurable de l’affection, en précisant les raisons de la consultation, il s’entretient avec l’équipe soignante et la personne de confiance, sauf en cas d’opposition du patient, et il s’informe si des dispositions de fin de vie sont enregistrées. Le médecin consulté prend connaissance du dossier médical, examine le patient, s’assure du caractère constant, insupportable et sans perspective d’amélioration de la souffrance physique ou psychique du patient et rédige finalement un rapport à l’attention du médecin traitant. Il faut qu’il soit impartial à l’égard du patient ainsi que du médecin traitant, et compétent pour ce qui est de la pathologie concernée.
Les conditions à remplir sont donc des conditions de fond et de forme qui sont évaluées selon leur mérite relatif. La souffrance constante et insupportable dépend de la personnalité du patient, des conceptions et des valeurs qui lui sont propres (symptômes physiques, perte de fonctions, dépendance, détérioration, etc.) et sont donc en partie d’ordre subjectif. Ainsi, pour déterminer le qualificatif de « sans perspective d’amélioration », il faut tenir compte du fait que le patient a le droit de refuser un traitement même palliatif, lorsque ce traitement comporte des effets secondaires ou des modalités d’application que le patient juge insupportables.
Recommandations
Nous voyons qu’au Luxembourg, la législation permet au patient atteint d’une maladie incurable et irréversible de décider de sa propre fin de vie de façon autonome. Le médecin qui assiste le patient dans la mise en oeuvre de sa décision relative à sa fin de vie n’est pas sanctionné. Par conséquent, le changement de paradigme a placé, au niveau juridique, la volonté du patient dûment informé au centre de sa décision quant à la fin de sa vie.
Quelques améliorations restent tout de même à réaliser. Dans ce contexte, la Commission nationale de contrôle et d’évaluation de la loi sur l’euthanasie et l’assistance au suicide a fait diverses recommandations, notamment dans son dernier rapport portant sur les années 2013 et 2014. Elle estime qu’un effort d’information tant à l’égard des patients que des médecins est nécessaire. Une consultation médico-éthique permettrait par exemple de conseiller individuellement chaque patient qui désire être informé sur les possibilités en fin de vie. La formation initiale ainsi que la formation continue des médecins et du personnel paramédical devraient inclure la gestion de la fin de vie tant d’un point de vue palliatif que d’un point de vue euthanasie et assistance au suicide. Le refus d’un médecin, pour raison morale, de pratiquer une euthanasie laisse le patient, déjà gravement malade, dans la situation de devoir trouver lui-même un autre médecin acceptant de pratiquer une euthanasie. Afin de garantir aux patients qui le désirent l’accès à l’euthanasie, il serait souhaitable que le médecin traitant informe son patient en temps utile, à savoir largement avant la phase finale, de ses réserves morales à l’égard de l’euthanasie. Une alternative serait de laisser le patient choisir de se faire suivre par deux médecins, dont l’un accepte de pratiquer éventuellement une euthanasie.
1 Il s’agit de 1) la loi du 16 mars 2009 relative aux soins palliatifs, à la directive anticipée et à l’accompagnement en fin de vie
2) la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide et
3) la loi du 31 juillet 2014 sur les droits et obligations du patient.
Quelques chiffres :
– Entre 2009 et fin 2014, 34 euthanasies ont eu lieu, dont 15 en 2013/2014. Les femmes ont eu plus souvent recours à l’euthanasie que les hommes (respectivement 21 cas et 13 cas).
– Les décès ont le plus souvent eu lieu à l’hôpital (22), 6 à domicile et 6 en maison de soins/centre intégré.
– Il y a eu 27 cas de cancer, 6 maladies neurodégénératives et 1 cas de maladie neuro-vasculaire.
– L’euthanasie a été pratiquée 27 fois par un médecin spécialiste et 7 fois par un médecin généraliste.
– Dans tous les cas, la Commission nationale de contrôle et d’évaluation de la loi du 16 mars 2009 a accepté la déclaration après étude du volet II (anonymisé).
– Les trois rapports publiés par la Commission sur l’euthanasie et l’assistance au suicide n’ont pas soulevé de problème quant à l’exécution de la loi. Aucune dérive n’a été constatée, à l’instar des constats retenus dans les rapports des autres pays où l’euthanasie est légale.
– La Commission a enregistré 1 948 dispositions de fin de vie entre 2009 et 2014. Toute personne majeure et capable peut, au cas où elle ne pourrait plus manifester sa volonté, consigner par écrit dans des dispositions de fin de vie les circonstances et conditions dans lesquelles elle désire subir une euthanasie, pour autant que des conditions bien définies soient respectées. La disposition de fin de vie
doit, pour être valable, être enregistrée auprès de la Commission. Si le patient devient inconscient de façon irréversible dans le cadre d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, il peut, dans ces circonstances, être euthanasié selon des procédures analogues à celles applicables s’il était conscient.
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