L’opinion publique (n’)existe (pas)?

Les sondages et la formation d’une opinion publique

Les sondages d’opinion nourrissent depuis de nombreuses années la vie politique et le discours médiatique. Telle cote de popularité, telle appréciation télévisés d’un homme politique, telle intention de vote pour une élection à venir sont scrutées, analysées — parfois sur-interprétées — à la fois par ceux qui produisent ces données le plus souvent chiffrées, par ceux qui les utilisent pour rythmer des contenus éditoriaux, par ceux qui s’honorent de « bons » résultats ou préfeÌ€rent rejeter l’instrument lorsque celui-ci indique un malaise, une tension, un rejet.

Il ne faut pas confondre l’objet observé et l’instrument de mesure. Les sondages ne sont pas l’opinion publique. Ils sont l’outil, parfois incomplet ou imparfait mais utile et irremplacable, de mesure et de reflet de l’opinion publique. Les partis veulent connaitre et comprendre une situation, l’état de l’opinion publique en général et l’opinion de leurs électeurs actuels et potentiels. En effet, la connaissance de l’état d’esprit des électeurs est d’une grande importance pour préparer une campagne électorale et les sondages font partie de la boite a outils. Les résultats restent alors aux mains des responsables des partis politiques. Les chercheurs en science politique ont besoin de sondages pour l’analyse des scrutins électoraux, pour affiner leurs analyses de sociologie politique. Les médias se servent de sondages pour intervenir dans le débat (qu’il soit politique ou non), voire pour le susciter ; il y a un objectif immédiat qui est propre au medium — faire de l’audience — et un second, journalistique, qui est de participer a ce débat. Autrement dit, avec les sondages, les médias produisent eux-memes du contenu qu’ils diffusent et commentent ensuite. A titre d’exemple, ce sont les rédactions de RTL et du Luxemburger Wort qui ont pris la décision de réaliser une série de sondages avec TNS Ilres a intervalles réguliers pour démarrer et faire vivre le débat sur les ques tions référendaires a partir de la fin 2014. Les partis et les institutions politiques ont fait le choix de ne pas commanditer de sondages «internes», c’est-a-dire non destinés a la publication, avant le référendum du 7 juin. Ceci explique la surprise et la non-préparation manifeste de certaines personnes quant a l’issue du scrutin, issue que connaissaient les rédactions des médias en question et celle du Tageblatt qui avait commandité un sondage en vue de la Une du journal du lundi 8 juin pour avoir des éléments explicatifs du scrutin a fournir a leur lecteurs.

Les sondages — un instrument qui génére le débat ?

Je crois que c’est avant tout (ou au moins autant) le fait qu’un sondage soit publié ou non qui a un effet plus que le résultat lui-méme. Les sondages d’opinion font partie de la société de communication et ils sont une manifestation parmi d’autres de la liberté d’expression. Les effets de renforcement d’opinions et de conformismes sont également le fait de multiples autres facteurs d’influence a commencer par les rumeurs, les articles de presse, les posts dans les médias sociaux, les réunions publiques, les lettres aux rédactions, les débats publics et les discours de politiciens plus ou moins relayés — renforcés via les médias.

Qu’on arréte les polémiques comme quoi la publication de sondages serait suspecte a priori parce qu’on pourrait les instru- mentaliser pour « influencer » l’opinion publique. Il faudrait alors interdire au meme titre la prise d’influence par tous les canaux évoqués ci-avant, ce qui révéle l’absurdité de l’argument. D’ailleurs, l’interdiction de publier des résultats de sondages d’opinion un mois avant un scrutin est clairement dépassé et meme anti-démocratique dans la mesure ou cette interdiction est en contradiction avec la liberté d’expression. La population est en droit de connaitre l’« opinion publique », c’est-a-dire de savoir ce que pensent les citoyens dans leur ensemble et dans leur diversité ; la publication de sondages d’opinion est constitutive de cette « opinion publique », c’est également un processus itératif, un élément de démocratie participative et du débat public.

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