Quelques remarques finales plus pragmatiques…
… en attendant de pouvoir mettre en œuvre une approche plus systémique et globale
Il nous semble difficile de conclure un dossier d’une telle richesse. Nous voudrions donc essayer plutôt de faire quelques remarques finales concernant la politique de coopération luxembourgeoise.
Il nous paraît d’abord que cette politique pourrait être encore plus « partenariale », incluant les « bénéficiaires » à toutes les étapes de la conception, de la mise en œuvre et de l’évaluation, pour en faire de vrais partenaires « sur un pied d’égalité ». Les PIC et autres « approches pays » gagneraient à mieux respecter les « contextes1 », notamment culturels, et à transformer les bénéficiaires en acteurs. Par ailleurs, la soi-disant cohérence des politiques reste plutôt bivalente : avec, d’un côté, de beaux discours, des actes symboliques intéressants (tels que la signature de l’Undrop2 et, surtout, un pourcentage de RNB exemplaire, sans oublier un soutien généreux aux ONGD (17 % de l’APD). Mais, de l’autre, des démarches qui favorisent une emprise grandissante des financements privés et une contribution active à la déréglementation financière, ainsi qu’à « l’optimisation » et à l’évasion fiscales.
On pourrait par ailleurs reprendre, pour la plupart telles quelles, les 14 recommandations que le Cercle de coopération des ONGD fait sur la base de son évaluation à mi-parcours de la politique gouvernementale en matière de développement.
Tous les acteurs de la coopération au Luxembourg, qu’ils soient du secteur public, du secteur privé ou du secteur associatif, ont accumulé, avec leurs partenaires sur le terrain, un savoir énorme. Mais ce sont des savoirs qui ne sont pas « capitalisés », ni surtout partagés. Et leur impact sur la conception et la mise en œuvre des politiques et programmes de l’APD reste marginal.
Voilà pourquoi il faudrait plaider pour la mise en place d’un Observatoire du développement, dont les principales missions consisteraient à collecter, à « capitaliser » et à échanger les savoirs venant notamment du terrain ; à faire des études et de la prospective ; à mener des évaluations qualitatives ; à préparer et à animer les discussions dans l’espace public, tant sur les orientations que sur les méthodes de travail de la coopération au développement.
Un tel observatoire, qui devrait jouir d’une autonomie aussi large que possible et être relié à la recherche universitaire, devrait être cogéré par l’Etat et les ONGD, et pouvoir assister ces ONGD dans leur travail de plaidoyer politique, en mettant à leur disposition études, réflexions et études de cas autour de thématiques de grande complexité théorique et/ou technique, pour lesquelles les ONGD ne disposent pas du savoir-faire nécessaire, ni des financements adéquats.
Cette discussion publique des enjeux, des programmes et des méthodes de développement nous semble en effet primordiale. Le discours annuel du ministre et le débat à la Chambre des députés, tout comme les Assises annuelles de la coopération, sont loin d’être sans intérêt. Ce sont toutefois devenus des rituels, certes importants et nécessaires en termes de sensibilisation de la population et de circulation de l’information entre les principaux acteurs, mais il n’y a guère de vraie confrontation des idées et des expériences. Il n’y a surtout pas de questionnements en profondeur, ni d’idées vraiment nouvelles. Si le gouvernement n’accepte pas le principe de discussions ouvertes, dont on ne connaît pas nécessairement les résultats avant les processus (principe de sérendipité), même un « Sommet de l’innovation3 », tel qu’annoncé par le ministre dans son récent discours à la Chambre, risque de n’apporter que des réponses convenues, qui permettent à chacun de rester dans sa zone de confort. Ce qui manque sans doute le plus à la politique luxembourgeoise en matière de développement, c’est une vraie culture de débat, créative et prospective, p. ex. sur les différents nexus ainsi que sur les stratégies partenariales. Notre politique de coopération au développement doit arrêter de se reposer sur son 1 % du RNB et devrait oser un vrai saut qualitatif.
C’est d’ailleurs dans l’espoir de voir émerger des idées non convenues, voire disruptives, que forum va organiser, le 7 février prochain à 19 h aux Rotondes, un Public Forum sur les thèmes du présent dossier. D’ores et déjà, Nicole Ikuku, directrice du Cercle de coopération des ONGD, Stéphanie Empain, députée des Déi Gréng, et Paul Galles, député du CSV, ont confirmé leur participation.
Quant aux ONGD, il serait souhaitable qu’elles développent encore plus l’éducation à la citoyenneté mondiale, en favorisant une approche globale, basée sur les droits humains, entre développement, développement durable, changement climatique, justice sociale et interaction culturelle. Dans l’intérêt d’une approche gouvernementale plus ouverte et plus qualitative, il faudrait aussi développer le plaidoyer politique de la part de la société civile, même si – voire surtout si – ce plaidoyer met en exergue des manquements ou des faiblesses de la politique nationale et de la politique européenne. Pour cela, il conviendrait de mieux travailler ensemble et de chercher des partenariats en dehors des ONGD, comme le font si bien, ces derniers temps, la campagne pour un devoir de vigilance ou les campagnes de l’ONG Fairtrade, pour ne citer que deux exemples.
- Voir les travaux d’un Olivier de Sardan et la note sur son dernier livre dans le présent dossier.
- Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (décembre 2018).
- Ne faudrait-il pas préconiser plutôt un Sommet de la créativité (idées nouvelles) et de l’innovation (mise en œuvre des idées) ? Ce sont d’idées nouvelles qu’on semble avoir le plus besoin. Pourraient participer à un tel sommet non seulement les usual suspects, mais aussi des artistes, des chercheurs, des plateformes de réflexion comme le FoPo (Forum politique des ONGD), le Groupe politique de l’ASTM, le CSDD (Conseil supérieur du développement durable), des acteurs de terrain… et de plateformes comme « 1535 » à Differdange, de collectifs d’artistes comme Cueva ou Richtung22 ou encore les nouveaux « tiers-lieux », etc.
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