Révision de la Constitution : la justice

La proposition de révision initiale de 2009 se limite à apporter deux correctifs à la Constitution actuelle. Elle élimine, d’une part, la référence au Grand-Duc dans la fonction de rendre la justice, modification qui s’inscrit dans une refonte de la position du Grand-Duc dans l’ordre constitutionnel. Elle consacre, d’autre part, formellement l’indépendance de la justice y compris du ministère public. L’inscription dans la Constitution d’un Conseil supérieur de la justice est expressément réservée en attendant une initiative législative du Gouvernement.

Le chapitre relatif à la justice, dans la formulation de la proposition de révision de juillet 2019, accuse des différences plus marquées avec les textes constitutionnels actuels. La timidité de la proposition initiale et l’évolution des modifications sont dues au fait que la Commission parlementaire a attendu la prise de position du Gouvernement sur l’instauration d’un Conseil de la justice et d’une Cour suprême. L’élargissement du champ de révision a été soutenu par le Conseil d’État qui, dans son avis de 2012, a proposé la structure actuelle du futur dispositif consti­tutionnel. La proposition de révision actuelle marque toutefois des retours sur des réformes plus fondamentales envisagées à un certain moment.

La présente contribution reprend les points essentiels de la révision. L’approche se veut descriptive et explicative, dans une langue et dans un style accessibles à tout lecteur intéressé. Le volume limité de la contribution interdit malheureusement des développements plus détaillés, des références utiles et des notes de bas de page explicatives.

La place de la justice dans l’ordonnancement constitutionnel : le maintien du régime actuel

La proposition de révision, reprenant la structure de la Constitution actuelle, détermine l’État, son territoire et ses habitants, définit les droits et libertés, pour organiser, dans la suite, les institutions de l’État que sont le Grand-Duc, la Chambre des députés, le Gouvernement et le Conseil d’État. La justice fait l’objet du dernier chapitre consacré aux institutions.

Le concept de justice se lit en rupture avec l’intitulé des chapitres précédents, dans la mesure où il renvoie davantage à une fonction qu’à une institution. Cette approche, reprise du texte actuel, s’explique par le fait que la fonction de rendre la justice n’est pas exercée par un organe unique qui l’incarnerait, mais par une série de juridictions. La Commission parlementaire n’a pas retenu le concept de pouvoir judiciaire proposé à un certain moment. Ce concept allait non seulement se trouver en porte-à-faux avec l’approche, non pas fonctionnelle mais institutionnelle, suivie dans les chapitres précédents, mais surtout renvoyer à la question de la séparation des pouvoirs. Or, même si ce principe est reconnu par la Cour constitutionnelle, il n’est pas consacré expressis verbis dans la proposition de révision qui se réfère, de manière plus générale, aux principes d’un État de droit et au respect des droits de l’homme.

Le chapitre 7 de la proposition de révision relatif à la justice comporte 5 sections respectivement consacrées à l’organisation de la justice, au statut des magistrats, au Conseil national de la justice, à la Cour constitutionnelle et aux garanties du justiciable.

Le statut des magistrats : des clarifications utiles

Si le statut des magistrats obéit au droit commun de la fonction publique, il présente toutefois des particularités liées à la fonction des magistrats de dire le droit. La révision constitutionnelle de 1989 a remplacé le régime d’une nomination à vie des juges par le principe de l’inamovibilité. Les deux formulations expriment toutefois la même idée à savoir que le juge, à la différence du fonctionnaire, ne peut pas être muté d’office, pour le mettre à l’abri du pouvoir politique. La proposition de révision maintient ce principe de l’inamovibilité des juges, lesquels sont désormais qualifiés de magistrats du siège par opposition aux magistrats du ministère public. La précision que le juge ne peut pas être privé de sa place ni être suspendu que par un jugement et qu’un déplacement ne peut avoir lieu que par une nomination nouvelle et de son consentement, maintenue en 1989, est abandonnée au motif que cette précision est dépourvue de plus-value.

Le principe de l’inamovibilité est lié à celui de l’indépendance dont il constitue la condition. Tandis que l’inamovibilité est un élément-clé du statut du juge, en tant qu’emploi public, le concept d’indépendance renvoie à la fonction de juger. L’indépendance doit encore être mise en relation avec l’exigence d’impartialité. Alors que la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne visent tant l’indépendance que l’impartialité du tribunal, en tant que droits fondamentaux du justiciable, la proposition de révision inscrit l’indépendance dans la section relative au statut du magistrat. L’impartialité figure, quant à elle, dans la section relative aux garanties du justiciable. Cette approche se comprend au regard du texte constitutionnel belge qui a servi de référence à la Commission parlementaire et au regard du lien entre l’indépendance des juges et celle du ministère public qui sont consacrées dans la même disposition.

Un autre aspect du statut est celui de la nomination des magistrats. Se pose, à cet égard, la question du rôle du Conseil national de la justice, qui sera examiné dans la suite, et celle de l’autorité formellement investie du pouvoir de nomination. Dans la logique d’une redéfinition du rôle du Grand-Duc, la proposition de révision initiale confère le pouvoir de nomination des juges au Gouvernement. Elle reste muette sur la nomination des magistrats du parquet, même si elle reconnaît l’existence d’un ministère public indépendant. La question de l’institution d’un Conseil de la justice étant réservée, la proposition initiale ne se prononce pas sur l’articulation entre ses pouvoirs et ceux du Gouvernement. Dans sa prise de position de 2011, le Gouvernement propose de laisser au Chef de l’État le pouvoir de nomination des magistrats. La garantie nécessaire de l’indépendance de l’autorité judiciaire serait trouvée dans le rôle du Conseil national de la justice dans la procédure de nomination. Cette proposition, approuvée par les autorités judiciaires et le Conseil d’État, est entérinée par la Commission parlementaire en 2015.

La section relative au statut se réfère encore au régime disciplinaire des magistrats sans toutefois distinguer entre les juges et les magistrats du ministère public. Le dispositif prévu ne détermine pas l’organe sanctionnateur, mais prévoit que des sanctions ne sont prononcées qu’à la suite d’une décision du Conseil national de la justice, qui logiquement devra intervenir avant la décision de sanction proprement dite.

Le ministère public : sa reconnaissance comme autorité judiciaire indépendante

Selon la définition traditionnelle, le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi. Il représente la société et défend ses intérêts devant les juridictions. Dans le procès pénal, il requiert la condamnation du prévenu à une sanction, si des charges suffisantes sont réunies à l’encontre de ce dernier. Le ministère public existe auprès des cours et tribunaux de l’ordre judiciaire dont il fait organiquement partie. Historiquement, les textes constitutionnels français, belge et luxembourgeois ne traitent pas du ministère public, se limitant à consacrer l’inamovibilité des juges et/ou l’indépendance de l’autorité judiciaire. Pour la France, la Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs dénié au ministère public la qualification d’autorité judiciaire vu la dépendance du parquet par rapport au ministre de la justice. En Belgique et au Luxembourg, la situation factuelle est différente, malgré la similitude des dispositions légales organisant le ministère public. En 1998, le constituant belge, en réac­tion à l’affaire Dutroux, a formellement consacré l’indépendance du ministère public « dans l’exercice des recherches et poursuites individuelles ». Cette formule est reprise dans la proposition de révision de 2009 avec la réserve relative au pouvoir du ministre « d’ordonner des poursuites et d’arrêter des directives … de politique criminelle, y compris en matière de politique de recherche et de poursuite», même si ces directives ne sont pas qualifiées de contraignantes mais de générales. Cette réserve est destinée à encadrer l’opportunité des poursuites dont est traditionnellement investi le procureur.

Devant les réticences des autorités judiciaires, le Gouvernement, dans sa prise de position de 2011, omet la référence à la politique de recherche et de poursuite, tout en maintenant le droit du ministre de la justice d’arrêter des directives générales de politique criminelle. Dans son avis de 2012, le Conseil d’État critique la lecture réductrice des compétences du ministère public qui dépassent le droit pénal ; il s’interroge encore sur le rôle du ministre de la justice en matière de politique criminelle, tant vis-à-vis de la Chambre des Députés appelée à voter la loi pénale, que vis-à-vis du Gouvernement. Reprenant une proposition du Conseil d’État, la Commission parlementaire, dans les amendements de 2015, affirme l’indépendance du ministère public dans ses fonctions d’exercer l’action publique et de requérir l’application de la loi. Toute référence à la politique criminelle et au rôle du ministre de la justice est omise.

Les droits procéduraux du justiciable : un renforcement attendu

La Constitution luxembourgeoise, à l’instar de la Constitution belge, consacre trois droits essentiels du justiciable, le principe du juge légal, l’obligation de motiver tout jugement et la publicité tant de l’audience que du prononcé. Ces droits figurent, non pas dans le chapitre relatif aux droits fondamentaux, mais dans celui relatif à la justice.

Dans son avis de 2012, le Conseil d’État propose d’étendre les droits du justiciable en s’inspirant des textes internationaux, plus concrètement de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Des amendements parlementaires introduisent une référence à l’impartialité du juge, au caractère équitable et loyal de la procédure, au délai raisonnable, au respect du contradictoire et aux droits de la défense. Les droits anciens et nouveaux sont regroupés dans une section particulière dédiée aux garanties du justiciable.

La plupart de ces garanties sont, d’ores et déjà, inscrites dans les lois organisant la procédure, en particulier en matière pénale, et sont considérées comme fondamentales dans tout procès. Ces droits sont parallèlement consacrés dans des normes supranationales qui priment le droit national et qui sont d’application directe. L’ancrage constitutionnel de ces droits a dès lors autant une valeur symbolique qu’une portée juridique concrète.

La Cour suprême : une réforme abandonnée

Le projet de créer une Cour suprême remonte à une initiative du ministre de la justice qui, en 2011, sollicite à cet effet l’avis des autorités judiciaires. Dans sa prise de position de 2011, le Gouvernement entérine cette proposition sans formuler des textes au vu des discussions en cours.

Placée au sommet de la hiérarchie judiciaire, la Cour suprême serait un juge de cassation unique pour les juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif. Elle remplacerait l’actuelle Cour supérieure de justice, qui assume, entre autres, les fonctions de Cour de cassation et, surtout, la Cour constitutionnelle. Le contrôle de la constitutionnalité de la loi, opéré aujourd’hui par la Cour constitutionnelle, serait revenu à toute juridiction, à l’instar du contrôle de « conventionnalité », c’est-à-dire du contrôle que le juge ordinaire exerce sur la conformité de la loi qu’il doit appliquer avec le droit européen ou international. L’unicité de la jurisprudence serait garantie par un pourvoi en cassation contre les décisions des juges du fond, la Cour suprême examinant si le juge a, à juste titre, écarté la loi nationale non conforme à la Constitution ou à des normes européennes ou internationales d’application directe. Les réactions à cette initiative sont mitigées.

La Cour supérieure de justice, qui a proposé en 2010 de fusionner les deux ordres de juridictions, marque ses réserves par rapport à la solution d’une Cour suprême. Le Conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg a également préconisé, en 2010, une Cour de cassation unique dont une chambre compétente en matière administrative. La Cour administrative, quant à elle, se prononce tant contre une fusion que contre une Cour suprême. Seul le Parquet général approuve le projet qualifié de réforme majeure. Le ministère public, en tant que gardien de la loi, aurait été appelé à jouer un rôle essentiel dans le contrôle de la constitutionnalité et de la conventionnalité des lois par le biais du pourvoi en cassation. Dans son avis de 2012, le Conseil d’État, tout en marquant sa préférence pour un système juridictionnel unique, soutient également le projet de créer une Cour suprême. Au mois de février 2013, le ministre de la Justice publie un avant-projet de loi portant organisation de la Cour suprême.

La Commission parlementaire entérine, en 2015, l’initiative du Gouvernement. En avril 2016, le ministre de la Justice présente un rapport sur « les pistes de réflexion en vue d’une justice plus efficace » qui souligne encore les avantages d’une Cour suprême. Elle cumulerait les fonctions de juge de cassation en toute matière et de juge constitutionnel, instaurerait un recours en cassation en matière administrative et pallierait le risque de contrariété de jurisprudence entre les juridictions actuelles, Cour de cassation, Cour administrative et Cour constitutionnelle. Dans les amendements parlementaires de 2016, résultant de la participation citoyenne initiée par la Chambre des Députés, la Cour suprême est maintenue. Son instauration est considérée comme acquise par le Conseil d’État dans son avis complémentaire de mars 2017, seule la question des effets des arrêts restant en discussion.

Dans les amendements de septembre 2017, la Commission parlementaire revient sur sa position expliquant que le Gouvernement, fort de l’aval des chefs de corps (président de la Cour supérieure de justice, président de la Cour administrative et procureur général d’État), n’entend pas poursuivre les réflexions autour de la création d’une Cour suprême.

Les raisons de ce changement d’orientation sont multiples : nécessité d’investissements trop considérables, raison indiquée dans un procès-verbal de la réunion de la Commission parlementaire de mars 2017, réticence des milieux professionnels concernés de voir modifier un système bien établi, réticence politique de supprimer le symbole de la Cour constitutionnelle liée à une crainte de malentendus quant au futur contrôle de constitutionnalité des lois, préférence pour le maintien d’un système institutionnel non unifié ?

Le Conseil national de la Justice : l’aboutissement d’un projet de longue date

Le projet d’un Conseil de la justice est antérieur à la proposition de révision et trouve son origine dans des prises de position du Conseil de l’Europe et dans les révisions des constitutions belge et française. Dans une recommandation de 2006, le Médiateur a repris le projet qui a également été débattu par la deuxième conférence nationale de la justice en 2006.

La proposition de révision s’inscrit dans cette logique et se prononce en faveur d’un Conseil de la justice. Elle omet de formuler des textes dans l’attente du projet de loi réclamé par la Chambre des Députés à la suite de la recommandation du Médiateur.

Dans sa prise de position de 2011, le Gouvernement propose de créer un Conseil national de la justice appelé à intervenir dans la nomination des magistrats, juges et magistrats du ministère public, et à instruire les affaires disciplinaires. Le Conseil d’État, dans son avis de 2012, propose un texte qui institue le Conseil national de la justice comme organe constitutionnel particulier, détermine ses missions pour la nomination des magistrats et en matière disciplinaire et pour émettre des recommandations dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. La question cruciale de la composition du Conseil est laissée à la loi. Au mois de février 2013, le ministre de la Justice publie un avant-projet de loi portant organisation du Conseil national de la justice.

Les discussions portent sur trois questions, la base juridique du Conseil, sa composition et ses missions.

Si l’ancrage constitutionnel du Conseil national n’est pas contesté, se pose la question de savoir s’il faut, d’abord, créer cette base constitutionnelle ou s’il est possible d’adopter de suite une loi organisant le Conseil qui se verra conférer ultérieurement une base constitutionnelle. Une fois admise la double référence constitutionnelle et légale, reste à décider dans quelle mesure la composition du Conseil et ses missions devront être réglées dans la Constitution même.

La proposition de révision, dans sa formulation actuelle, organise le Conseil national de la justice dans une section 3 du chapitre consacré à la justice. Le Conseil constituera un organe constitutionnel particulier comme la Cour constitutionnelle, même s’il ne s’agit pas d’une juridiction. Le dispositif proposé détermine certaines missions du Conseil et règle, pour partie, la question de sa composition, tout en renvoyant, pour d’autres attributions et d’autres aspects de la composition et de l’organisation, à la loi. Alors que l’avant-projet de loi portant organisation du Conseil national de la justice de 2013 doit être compris dans la logique d’une base constitutionnelle déjà adoptée, le projet de loi déposé en 2018 (doc. parl. n°7323) propose de créer le Conseil dans le cadre de la Constitution actuelle, au motif que les modifications proposées ne sont pas contraires à celle-ci et s’alignent sur la révision à venir.

La composition du Conseil soulève la question du nombre des magistrats par rapport aux membres « externes ». Cette question est liée à son tour à celles du nombre total des membres et de leur origine professionnelle. La magistrature a insisté sur une majorité de membres issus de ses rangs, revendication entérinée par la Commission parlementaire. Pour le surplus, il est renvoyé à la loi.

L’intervention du Conseil dans la nomination, y compris le recrutement et la promotion, des magistrats n’a jamais fait l’objet de controverses. A l’heure actuelle, le recrutement des magistrats se fait sur la base d’un concours et d’un stage organisés par la loi. La promotion varie selon les postes. Pour le ministère public et pour les juges « inférieurs », il y a nomination directe du Grand-Duc, les résultats aux examens et l’ancienneté étant déterminants. Les promotions à des fonctions de juge à partir d’un certain grade se font sur avis, soit de la Cour supérieure de justice soit de la Cour administrative. Ce dernier mécanisme revient à un mécanisme de cooptation. Contrairement à d’autres pays européens, la nomination des magistrats au Luxembourg n’a jamais été sous l’emprise du pouvoir politique, ce qui n’a pas empêché des experts internationaux de contester la procédure de nomination directe par le Grand-Duc. Le nouveau système répond à ces critiques en conférant le pouvoir dans le recrutement et la nomination des magistrats au Conseil national. Le régime sera identique pour les deux ordres de juridictions, pour les juges et les magistrats du ministère public. La nomination se fera formellement par arrêté du Chef de l’État, avec contreseing ministériel. Le pouvoir politique se bornera à entériner les propositions du Conseil national.

Plus controversées sont les missions du Conseil national de la justice de veiller au bon fonctionnement de la justice et de respecter l’indépendance des magistrats, missions relevées expressément dans la proposition de révision de 2019. Dans la mesure où l’intervention du Conseil dans la nomination des magistrats doit garantir leur indépendance, le Conseil d’État, dans son avis de 2012, s’est interrogé sur la mission particulière de sauvegarder l’indépendance. En ce qui concerne la mission du Conseil de veiller au bon fonctionnement de la justice, il faut se référer au projet de loi n° 7323 pour en saisir la portée.

Pour les compétences du Conseil en matière disciplinaire, il est renvoyé aux commentaires relatifs au statut des magistrats.

La Cour constitutionnelle : une réforme partiellement avancée

La Cour constitutionnelle remonte à la révision constitutionnelle de 1996 qui a également créé les juridictions administratives. L’instauration d’une Cour suprême aurait entraîné la suppression de la Cour constitutionnelle. À la suite de l’abandon de ce projet, la Commission parlementaire reprend, dans les amendements de septembre 2017, les dispositions de la Constitution actuelle avec certains aménagements. Si la composition de la Cour est reléguée à la loi, le nouveau texte constitutionnel prévoit expressément des suppléants. Une disposition nouvelle règle les effets juridiques d’un arrêt d’inconstitutionnalité, en déterminant le moment à partir duquel la loi déclarée inconstitutionnelle ne fait plus partie de l’ordre juridique.

Le Conseil d’État, dans son deuxième avis complémentaire de décembre 2017, critique certaines formulations et s’interroge sur la prise d’effet des arrêts. La Commission du Conseil de l’Europe pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) émet également des critiques dans un avis de 2019.

Au mois de février 2019 est déposée une proposition de révision de l’article 95 ter actuel de la Constitution relatif à la Cour constitutionnelle (doc parl. n° 7414). Une révision constitutionnelle anticipée doit répondre à un problème de composition de la Cour confrontée à l’absence de suppléants. La proposition porte également sur les effets des arrêts. Les travaux avancent vite, mais ne sont pas achevés, avis du Conseil d’État en avril 2019, amendements de la Commission parlementaire en juin 2019, avis complémentaire du Conseil d’État en juillet 2019. Par la suite, la Commission parlementaire scinde la proposition de révision. Le premier volet portant sur la composition de la Cour (doc parl. n° 7414A) fait l’objet d’un premier vote constitutionnel en juillet 2019. Sur le second volet (doc parl. n° 7414B ), des amendements sont adoptés avant les vacances d’été de 2019.

Parallèlement à la procédure de révision partielle anticipée, la Commission parlementaire a adopté, quelques jours plus tôt, des amendements à la proposition de révision constitutionnelle globale qui concernent à son tour la Cour constitutionnelle. Les deux trains d’amendements portent encore sur les attributions futures de la Cour constitutionnelle.

L’organisation judiciaire : des réformes techniques

La Constitution actuelle contient des dispositions disparates sur l’organisation judiciaire, résultat des révisions constitutionnelles successives. Elle renvoie, dès 1868, à la loi pour l’organisation des tribunaux et consacre le principe du juge légal. Est également prévue l’organisation d’une Cour supérieure de justice. L’existence des juges de paix et des tribunaux d’arrondissement est consacrée indirectement dans les dispositions sur la nomination des juges. La révision constitutionnelle de 1996 introduit le tribunal administratif, la Cour administrative et la Cour constitutionnelle et se réfère, pour les membres de la Cour constitutionnelle, à la Cour de cassation. La Constitution fait encore référence, depuis 1868, aux tribunaux militaires et, depuis 1989, aux juridictions du travail et aux juridictions en matière d’assurances sociales.

Comme déjà exposé, la Commission parlementaire envisage, à un moment, une réforme fondamentale par l’instauration d’une Cour suprême et la suppression de la Cour constitutionnelle. L’abandon de ce projet marque un retour à l’organisation judiciaire actuelle.

La proposition de révision actuelle comporte toutefois des réformes techniques clarifiant le domaine de la Constitution et celui de la loi dans l’organisation judiciaire. Ainsi, seule la Cour constitutionnelle est expressément organisée dans la future Constitution. La proposition se réfère, pour le surplus, aux juridictions de l’ordre judiciaire et à celles de l’ordre administratif en reléguant la structure de ces juridictions à la loi. Des renvois à la Cour supérieure de justice, à la Cour de cassation ou à la Cour administrative continuent à figurer dans les dispositions sur la composition de la Cour constitutionnelle.

La référence aux tribunaux militaires est abandonnée. La Commission parlementaire a également abandonné une référence aux juridictions de travail qui présentent un lien organique avec l’ordre judiciaire. Une option différente a été prise pour les juridictions en matière de sécurité sociale dont l’existence est expressément maintenue dans le futur texte constitutionnel.

Deux observations finales peuvent être faites, l’une sur le contenu de la révision projetée, l’autre sur l’évolution du dossier « justice ».

Une fois le projet d’une Cour suprême abandonné, les avancées les plus notables sont la consécration constitutionnelle d’un ministère public indépendant et du Conseil national de la justice ainsi que l’ancrage dans la Constitution des droits des justiciables. Pour le surplus, les modifications envisagées, pour importantes qu’elles soient, restent d’ordre technique, y compris pour la réforme de la Cour constitutionnelle.

Au fil des ans, les textes proposés ont connu des modifications importantes, entre autres en raison des changements d’orientation du Gouvernement. Une dernière particularité à relever est que la réforme de la Cour constitutionnelle est partiellement anticipée par une proposition de révision ponctuelle et que la consécration constitutionnelle du Conseil national de la justice est précédée d’une initiative législative dans le cadre de la Constitution actuelle.

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