Space Mining

Quelques aspects fondamentaux

Le space mining n’est pas de la science-fiction, il existe déjà. La sonde japonaise Hayabusa (2003-2010), a démontré qu’il est désormais possible de faire un aller-
retour Terre-comète-Terre et d’en ramener de la matière extraterrestre. Hayabusa a eu à affronter mille difficultés, mais l’habileté des opérateurs japonais, jointe à une bonne dose de chance, a permis de mener la mission à bien. La sonde européenne Rosetta/Philae (2004-14) ont répété un exploit similaire, cette fois-ci sur un astéroïde, mais sans mission de récolte de matière. Ces deux missions incitent à réfléchir aux difficultés et aux perspectives du space mining. Des innombrables questions qui se posent, on en a retenu ici deux ou trois qui ont semblé particulièrement importantes: l’aspect probabiliste d’un côté, l’aspect énergétique/temporel de l’autre, et l’aspect robotique.

D’après ses promoteurs, une desmsionsdévolues au space mining concern era l’approvisionnement de la Terreen elle- ou telle ressource minérale, p.ex. quand celle-ci sera épuisée. Pour donner dans la suite un nom au héros, choisissons au hasard un métal parmi d’autres, un métal relativement rare, mais pas trop rare, disons le niobium. Supposons qu’il soit devenu indispensable à l’avancement de maintes technologies, et qu’il soit le premier à être déplété (à la façon de la loi des minima de Liebig pour l’agriculture). Les besoins mondiaux actuels de niobium sont de l’ordre de 60000 t/an (comparer à ceux de l’acier, de l’ordre de 1.5 milliards de t/an).

Les sociétés de space mining auront donc comme mission d’aller chercher le niobium, et elles le feront dans l’endroit le plus idoine du système solaire, à savoir la ceinture d’astéroïdes. Cette ceinture située entre Mars et Jupiter, à environ 450 millions de km de la Terre, consiste en cortège d’innombrables corps célestes, relativement petits, restes d’une planète avortée.

Leur masse totale est inférieure à 5% de celle de la Lune. Supposons qu’il en a 1 million. Comme les planètes rocheuses du système solaire (dont la Terre et les astéroïdes) se sont formées il y a 4,5 milliards d’années à partir des mêmes ‘débris cosmiques’, le fait que le niobium existe sur terre renforce l’hypothèse de sa présence sur tels ou tels astéroïdes.

Notons d’abord que tous les astéroïdes ne sont pas de bons ‘fournisseurs’: ils se répartissent en trois familles, appelés C, S, M, dont seuls les M (pour métaux) détiennent des substances minérales-métalliques, et cela en surface, comme le révèle la spectroscopie planétaire. Les M sont les moins nombreux, ils ne font que 10% du total.

Rappelons ensuite qu’il existe dans l’univers, et sur Terre, 79 métaux différents stables (isotopes non radioactifs). Admettons que ceux-ci soient répartis de façon aléatoire sur les astéroïdes M.

Un troisième aspect concerne l’accessibilité des astéroïdes: les M peuvent être relativement grands ou petits, avec des champs gravitationnels fort différents et des difficultés d’atterrissage inégales: ils peuvent tourner vite ou lentement autour de leur axe, suivre des orbites régulières ou chaotiquement dangereuses, être bousculés ou non par la proximité de l’énorme Jupiter. Posons, arbitrairement, que ces effets font que seul 1% des astéroïdes M soit abordable par une navette.

Ces données mènent au calcul simple suivant (que le lecteur peut refaire à sa guise avec ses hypothèses à lui): la probabilité de trouver un astéroïde idoine contenant du niobium est de l’ordre de 1/79 * 1/10 * 1/100 * 1 million = une douzaine de corps M se prêtant à l’exploitation de niobium. L’exercice de calcul se veut surtout informatif, pour décrire la situation avec réalisme.

Concluons: à la question de savoir si l’humanité trouvera par ce biais le métal convoité, au moment précis où il le lui faut, à l’endroit où elle le cherche, l’exercice numérique essaye de donner une réponse probabiliste. Une probabilité n’est pas une garantie, mais la probabilité précitée n’est pas zéro. C’est probablement une bonne nouvelle.

Le second aspect est le couple énergie- temps. Hayabusa a ramené comme charge utile 1 gramme de ‘sable’, au bout d’un voyage de 10 ans. On voit le chemin qui reste à parcourir pour ramener des tonnes. Par ailleurs, les futures navettes ne partiront pas vides, car elles seront lourdement chargées d’outillages et matériaux pour installer et maintenir une activité minière autonome à 450 millions de km de la Terre. Comme toujours, la masse de carburant qu’il faut embarquer pour mettre la navette minière sur orbite, – et la freiner extrêmement en fin de course, – diminue d’autant la charge utile; or, ce ratio carburant – charge utile implique des choix de l’orbite de transfert Terre-astéroïde. Le plus simple concerne une trajectoire en forme d’ellipse appelé orbite de transfert de Hohmann. L’ellipse doit être tangente à la fois à l’orbite de la Terre et l’orbite de l’astéroïde. Ce dernier doit donc être exactement au rendez-vous au moment de l’approche, ce qui implique une fenêtre de tir étroite. Hohmann est utilisé depuis longtemps mais vaut surtout pour les distances faibles. Si on rate la fenêtre de tir, l’attente pour le prochain lancement, avec le même astéroïde, est forcément supérieure à une révolution terrestre, donc 1 année. Ceci implique que pour un astéroïde donné, on ne peut pas procéder à des tirs de navette rapprochés, mensuels par exemple, – alors que l’hypothèse d’un approvisionnement ex espace demande justement une fréquence élevée et soutenue.

Pour les grandes distances interplanétaires, la nef utilisera plutôt une trajectoire lagrangienne. On peut comparer celle-ci aux évolutions d’un vol à voile, où le planeur utilise uniquement l’énergie des thermiques pour avancer. Les champs gravitationnels du système planétaire étant en permanence variables, un peu comme les thermiques, la nef peut y surfer, quasi sans dépense d’énergie. Des manœuvres tels les swing by planétaires font partie de l’arsenal des mission planners. Mais il y a un lourd tribut pour la gratuité du transport: c’est la durée du trajet. Suivant le cas, un parcours lagrangien peut durer une ou plusieurs décennies. Le space mining n’est pas pour les gens pressés.

Ensuite, il faudra installer sur l’astéroïde une industrie minière robotisée autonome. Un astéroïde sans atmosphère ni champ magnétique, exposé aux rayons X et gamma, est mortel pour l’homme; tout y sera obligatoirement robotisé-automatisé. Un préalable au space mining sera l’existence de robots auto-réplicateurs et auto-réparateurs, une spéciès particulière qui a à peine entamé son évolution. Comme le space mining se déroulera dans le temps très long, ces robots doivent ‘vivre’ en autarcie pendant des décennies, voire des siècles. Mentionnons en passant que philosophiquement, l’auto-réplication des robots transcendera évidemment les défis purement technologiques, mais c’est là un autre sujet.

On peut penser que les spin-off du space mining seront en fin de compte aussi utiles que le space mining lui-même.

Mentionnons, sans trop de détails, un second aspect du space mining, prometteur, celui des ‘station-service’ spatiales, implantées non sur des astéroïdes, mais sur des comètes. Ces dernières sont constituées d’amas de poussières et de glace. La formule de la glace étant H20, comme celle de l’eau, on peut imaginer une installation capable de cliver électrochimiquement cette molécule en ses constituants hydrogène et oxygène. Les deux gaz pourront agir ensuite comme puissants agents propulseurs de fusées. Une nef qui passe, fait le plein, et reprendra sa trajectoire, mue par la réaction H2 + O2. Il est probable que ces station-service spatiales deviendront un volet normal et important du space mining.

Contrepoint et épilogue

On était parti de l’hypothèse que les ressources géologiques de niobium seraient un jour épuisées. Cette hypothèse contient un non-dit. L’isotope de niobium n’étant pas radioactif, son noyau est stable in vitam aeternam. Donc, suivant le principe de la conservation de la masse (bonjour M. Lavoisier, Rien ne se crée, Rien ne se perd), la quantité de niobium est restée et reste constante sur Terre. Pourquoi alors parler de déplétion ? Eh bien, le niobium a subi, comme toutes les ressources, les conséquences de la seconde loi de la thermodynamique, à savoir que le désordre ne peut qu’augmenter dans un système fermé. En clair, les activités humaines ont fini par disperser et éparpiller le niobium sur la surface planétaire entière, sur les champs et les routes, dans les plaines et les déserts, sur les continents et dans les mers. C’est dans les océans qu’il s’accumule inexorablement. Un activiste ‘Stop-space-mining’ prétendra que le niobium extraterrestre, une fois entré dans les circuits économiques, finira par avoir le même sort que le terrestre, à savoir se voir dispersé dans la nature; tout l’exercice n’aurait été qu’abus de biens publics. Mais c’est là une logique réductrice et c’est sans compter sans l’inventivité humaine et sans la motivation par les marchés.

Reprenons l’idée d’océan. La concentration océanique de niobium y est extrêmement faible, environ 50 pico-mol/litre. Mais en prenant en compte le volume des océans, on se rend compte qu’ils renferment quelques 5 millions de tonnes de niobium, càd l’équivalent de presque un siècle de production. L’ocean-mining n’est donc pas une idée en l’air; il est susceptible de rivaliser un jour avec le space mining. Les deux technologies de métaux ont en commun qu’elles n’en sont qu’au début, que l’essentiel reste à développer, qu’elles se fonderont sur la robotique, qu’elles seront coûteuses et compliquées comme toutes celles qui entendent s’en prendre à la thermodynamique, mais aussi qu’elles généreront en cours de développement une pléthore de spin-offs importants. Deep-space versus deep-ocean, quel arbitrage fascinant! Et puis: Christophe Colomb a trouvé ce qu’il n’avait pas cherché. Il en a été chagriné. Il a eu tort.

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