UEL : pour une digitalisation renforcée du Luxembourg

Pour le Luxembourg, la digitalisation sera la clé dans la recherche d’une croissance économique durable. Elle constitue le vecteur cardinal pour assurer un relais à la croissance extensive et atteindre une croissance qualitative, tant débattue ces derniers mois, mais si nécessaire pour financer notre État social. Jour après jour, nous voyons que le digital offre des opportunités uniques, pour les individus, mais également pour les entreprises et l’État.

Le constat que le digital change le fonctionnement intrinsèque de ces trois acteurs est aujourd’hui admis. Mais comment les relations entre ces acteurs évoluent-elles suite à cette transformation digitale, particulièrement en termes d’attentes et d’interdépendance?

La relation individus-entreprises fonctionne, car elle repose sur un alignement des intérêts respectifs, qualité de service pour les premiers, gains financiers pour les seconds. C’est sur cette relation gagnant-gagnant que se sont développés les Spotify, Amazon, Netflix et les autres. Les relations citoyens-État et entreprises-État ne sont pas encore à ce stade de maturité ; il reste en effet à déterminer et à aligner les intérêts respectifs. Toujours est-il que les citoyens et les entreprises demandent un service public amélioré, c’est-à-dire rapide, efficient, personnalisé et convivial, tandis que l’État et ses représentants souhaitent une mise à disposition d’informations transparentes et complètes pour atteindre une gouvernance éclairée et p.ex. une taxation juste des contribuables. Ensuite, l’alignement des intérêts passe nécessairement à travers des objectifs en termes d’efficacité et de productivité des services étatiques.

L’État, leader dans la transition numérique

Partant du constat de l’interdépendance entre ces trois acteurs et persuadée qu’un processus progressif de digitalisation offrira un accroissement de valeur à chacun, l’UEL estime qu’il convient de positionner la digitalisation au centre de la stratégie nationale du Luxembourg. L’État luxembourgeois, de par son pouvoir central, se doit d’être le leader dans la transition numérique. Il s’agit de passer de l’administration de l’ère industrielle à l’administration de l’ère numérique. Cependant, tant les citoyens que les entreprises se doivent eux aussi de s’inscrire pleinement dans cette mutation. Leur rôle d’acteur constitue tout autant une condition nécessaire à cette transition. Ensemble, et de manière coordonnée, il revient à ces trois acteurs de s’inscrire dans une stratégie nationale digitale. Dans cette perspective, les entreprises luxembourgeoises doivent prendre acte de la nécessité d’intégrer plus fortement le digital puisque le Rapport DESI de la Commission européenne constate le manque d’intégration des technologies numériques par les entreprises luxembourgeoises (22e place sur 28). L’UEL et ses organisations patronales membres accompagnent au quotidien les entreprises dans cette transition qui représente un défi de taille surtout pour les plus petites d’entre elles. Cet effort d’intégration du digital est tout autant nécessaire pour l’État puisque le Luxembourg accuse un retard en matière de services publics numériques (17e place sur 28). À l’inverse, le Luxembourg obtient de très bons résultats en matière de connectivité (2e place sur 28). On peut donc en déduire que l’État a certes pris la mesure du défi digital en poussant les investissements dans les structures physiques, mais dans le même temps n’a pas suffisamment remis en question son propre fonctionnement qui n’est pas à la hauteur du défi numérique actuel. En ce qui concerne les individus, ils semblent suivre la transition en marche puisque ce rapport nous montre que le Luxembourg enregistre de bons résultats (5e place sur 28) en ce qui concerne leur compétence numérique.

Ainsi, l’UEL souhaite passer le message fédérateur que la digitalisation d’une nation, ce n’est pas seulement une déclaration théorique de l’un des acteurs, mais une responsabilité partagée par tous les acteurs avec comme moteur central, l’État. Nous estimons que la transformation digitale doit s’envisager comme un projet sociétal et multisectoriel (un Masterplan), reposant sur une vision entrepreneuriale à l’échelle du pays et sur la convergence des approches bottom-up et top-down. Cette philosophie doit se traduire par la complémentarité entre, d’une part, des incitants pour encourager les individus et les entreprises à agir, et d’autre part, une réglementation à l’adresse tant des individus que des entreprises, notamment pour la mise en conformité d’une standardisation dans les cas où celle-ci s’avère nécessaire pour l’intérêt général (par exemple, une convergence entre les systèmes de gestion de fiches de paie et de temps de travail des entreprises avec les systèmes de la sécurité sociale et de l’administration fiscale. Ce Masterplan doit être partagé par tous les acteurs de la société puisqu’ils sont tous concernés et interdépendants.

La transformation digitale est progressive. Ce n’est pas un «big bang» du numérique. Pour être partagée, elle doit s’appuyer sur des exemples. C’est pourquoi, une fois ce Masterplan établi, des projets-pilotes concrets doivent être développés. De tels types de projets ont l’avantage de présenter du concret, de fédérer parce qu’ils montrent la plus-value tangible pour chacun, le résultat d’une relation tripartite améliorée.

Le gouvernement actuel a mis en place le projet Digital Luxembourg qui a eu le mérite d’inscrire la transformation digitale comme volonté politique. Plusieurs bases de réflexion sont à souligner. Premièrement, il s’agit d’une démarche transversale dans le sens où elle s’est reflétée dans chacun des ministères. Deuxièmement, les initiatives touchent les différents secteurs économiques, partant du LHOFT (Luxembourg House of Financial Technology) dont l’objectif est de permettre à la place financière de rester compétitive, mais incluant également p.ex. le BIM (Building Information Modeling) dont l’objectif est d’améliorer la réalisation d’un projet de construction ou de rénovation. Finalement, les individus et les entreprises existantes font partie intégrante d’initiatives telles que le Digital Skills Bridge. C’est grâce à cette volonté et ces initiatives que le Luxembourg figure, malgré les lacunes ci-avant décrites, à la 5e place générale du classement DESI 2018 de la Commission européenne.

Une base de données centrale à l’échelle du pays

Maintenant, il convient d’aller plus loin et de repenser sa stratégie. Il s’agit en quelque sorte de sortir de l’incubateur pour passer à l’accélérateur. Il nous faut un Digital Luxembourg 2.0. pour que le digital soit au top de l’agenda de chaque individu, chaque entreprise et chacune des administrations. En complément, puisque tous ces acteurs sont interdépendants, les relations (flux d’informations) entre eux doivent être digitales, dans toute la mesure du possible («digital by default»).

Différents projets existent, mais le projet fédérateur qui profiterait à tous les acteurs de la société doit être celui d’une base de données centrale à l’échelle du pays. Aujourd’hui au Luxembourg, chaque fois que vous allez utiliser un service, on vous demande toujours les mêmes informations: nom, prénom, adresse, date de naissance plus d’autres éléments selon les services. Vous achetez un nom de domaine, la première étape sera de remplir ces informations, idem si vous ouvrez un compte bancaire, si vous créez une entreprise, etc. Chaque entité se retrouve donc avec sa propre base de données, qui la plupart du temps ne communique pas avec les autres. La banque a la base de données de ses clients, le site où vous achetez vos billets d’avion a la sienne, votre hôpital a aussi la sienne, etc. Le projet-pilote devrait donc permettre à tous ces acteurs (communes, sécurité sociale, administrations, etc.) d’accéder à une base de données commune) pour que ce soit à la fois plus simple pour les utilisateurs et aussi pour faire des économies de gestion, à l’instar de ce qui est fait en Estonie avec X-Road qui permet de connecter l’individu via sa carte d’identité et son mot de passe personnalisé pour accéder à toutes ses informations sans jamais avoir rempli le moindre formulaire d’inscription. À la naissance, chaque Estonien se voit attribuer un numéro unique à 11 chiffres et une carte d’identité numérique. Les citoyens utilisent cette carte pour voter en ligne, consulter leurs dossiers médicaux, accéder aux services publics, financiers, de médecine et d’urgence, et adresser leurs déclarations d’impôts. Au total, le gouvernement fournit plus de 600 services de ce type en ligne, tant en direction des citoyens que des entreprises. L’idée est donc l’accès instantané à cette base de données centrale plutôt que le croisement de fichiers. Imaginez le gain en temps et en convivialité de ne pas devoir réaliser ces nombreuses démarches administratives, par exemple à chaque déménagement.

En conclusion, l’UEL espère que le prochain gouvernement prendra conscience de l’enjeu et aura l’ambition de déterminer – dès le programme gouvernemental! – cette stratégie digitale nationale, ce Masterplan, qui inclut une roadmap et les objectifs à atteindre. Celui-ci doit constituer le fil rouge du prochain gouvernement et sa volonté politique ne doit pas faire l’objet du moindre doute. Soit cette stratégie contient un volet «digitalisation de l’administration» basé sur une réelle ambition de se réformer et de se digitaliser, soit la stratégie sera inopérante.

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