Un travail hors norme

Société nationale de certification et d’homologation

La mission de la Société nationale de certification et d’homologation (SNCH) est d’homologuer les véhicules principalement au niveau européen. Directement impliquée dans le dieselgate, pour avoir réceptionné un moteur incriminé pour le compte d’Audi, elle a aujourd’hui corrigé le tir, tandis que les actions en justice se poursuivent toujours contre le groupe Volkswagen.

Avec presque 200 règlements européens et internationaux en vigueur, l’homologation d’un véhicule s’apparente à un puzzle dont la SNCH est l’un des maîtres d’œuvre en Europe. Un travail essentiel puisque, sans ce sésame, un véhicule n’a pas le droit de circuler sur la voie publique. Il est mené avec une efficacité et une discrétion que le dieselgate, qui a éclaté en 2015, a toutefois malmené, la SNCH étant, contre son gré, directement impliquée.

Aucun véhicule n’y échappe. A partir du moment où il est mis sur le marché européen, il doit être homologué, c’est-à-dire conforme aux normes et réglementations afférentes. Le respect de ces textes réglementaires permet de garantir la sécurité active et passive, protéger l’environnement, la qualité des produits et du processus de production. Depuis 1998, chaque véhicule vendu dans l’Union européenne doit être accompagné d’un certificat de conformité (COC) et, depuis 2016, ce document doit obligatoirement faire partie des papiers de bord pour chaque véhicule dont la première mise en circulation au Luxembourg a eu lieu après le 1er février 2016.

Au Luxembourg, l’homologation est notamment assurée par la SNCH, qui agit pour le compte du ministère de la Mobilité et des Travaux publics, puisque le ministre ayant les Transports dans ses attributions est la seule autorité compétente en la matière.

La SNCH : histoire et fonctionnement

La SNCH est désignée par le règlement grand-ducal du 30 janvier 1983 comme ayant l’exécution des travaux d’homologation des équipements et pièces de véhicules à moteur sous sa responsabilité. Pour la petite histoire, sa création revient à Goodyear, qui voulait homologuer ses pneus développés par son centre de recherche du Grand-Duché. C’est de ce besoin d’un audit externe et certificateur qu’est née l’homologation luxembourgeoise, d’abord sous le nom de Société nationale de contrôle technique (SNCT), puis de SNCT-H et enfin de SNCH. C’est une société anonyme dont le capital est détenu majoritairement directement et indirectement par l’Etat. Avec ses deux consœurs, la SNCT qui assure le contrôle technique des véhicules routiers, avec les deux sociétés Dekra et LUKS, et la SNCA (Société nationale de circulation automobile) qui gère les immatriculations et les permis de conduire, elle complète le trio de sociétés ­« étatiques » gérant l’automobile au Luxembourg, même si elle reste moins connue du grand public, tout au moins jusqu’au moment où le groupe Volkswagen a décidé de trafiquer certains de ses moteurs pour qu’ils passent les contrôles de pollution avec tous les honneurs.

Si la société se concentre essentiellement sur l’homologation, le C de son nom rappelle une de ses missions : la certification notamment en matière de systèmes de management de la qualité, principalement des normes ISO 9000, mais c’est une activité en passe de s’arrêter.

Qu’est-ce que l’homologation ? « Un cadre légal qui fixe des exigences techniques pour les composants des véhicules : freins, feux, sièges, vitres, ceinture de sécurité, etc. Nous travaillons avec des textes qui s’appliquent, d’une part, au niveau européen et, d’autre part, au niveau international. Tous les pays qui y participent reconnaissent l’homologation. Les constructeurs ont ainsi grâce à elle accès à un plus grand marché », explique Laurent Linden, directeur opérationnel de la SNCH. A la base, il s’agissait donc d’ouvrir les frontières et obéir aux règles de la libre circulation des biens. « Mais de plus en plus, l’homologation est un levier pour améliorer la sécurité routière et lutter contre la pollution atmosphérique », complète Pol Philippe, président du conseil d’administration.

Au quotidien, l’homologation proprement dite est très éloignée de l’image d’un atelier où des ingénieurs désosseraient une voiture pour vérifier que ses composantes correspondent aux normes. « Les constructeurs s’adressent à nous et nous à des services techniques qui ont reçu l’agrément du ministère de la Mobilité sur base d’un audit mené par la SNCH », détaille Pol Philippe. En plus de Goodyear, ces services techniques sont aujourd’hui au nombre de huit (ATEEL, CETOC, DEKRA Automobil Test Center, Luxcontrol, Quantum Innovative SL, TÜV Rheinland Luxemburg, TÜV SÜD Auto Service GmbH, UTAC SAS) et sont situés au Luxembourg, en Allemagne, en Italie, en Espagne ou encore en France. Le renouvellement de leur agrément a lieu tous les trois ans, et tous les ans, la SNCH mène un audit de surveillance.

Ce sont ces sociétés qui réalisent les essais. La SNCH est essentiellement cantonnée à un rôle administratif et de surveillance (audit), puisqu’elle va ensuite évaluer les rapports des constructeurs et des services techniques pour déterminer si le produit concerné répond aux exigences techniques. « Nous travaillons beaucoup sur des systèmes d’analyse des risques dans le but d’avoir une surveillance plus focalisée en fonction du produit », précise le président du conseil d’administration. Autrement dit, l’attention sera plus facilement portée sur des freins qui peuvent se montrer dangereux que sur des essuie-glaces.

Bon an, mal an, la SNCH délivre ainsi quelque 12 000 titres d’homologation. L’année 2020 étant indissociable de la Covid-19, elle n’en émettra probablement « que » 10 000. Ces titres ne concernent que des éléments d’un véhicule. Et pour nombre d’entre eux, il s’agit d’extension ou de révision pour suivre l’évolution des réglementations ou des gammes des constructeurs. De quoi, en tout cas, occuper les quelque 25 personnes, essentiellement des ingénieurs, qui travaillent à la SNCH. Laquelle a toutefois les capacités de délivrer le tampon final pour une voiture complète, mais seulement après avoir rassemblé les différentes homologations réalisées aux quatre coins de l’Europe, ou d’ailleurs, et après les avoir vérifiées.

Avec l’éclatement de l’affaire Volkswagen, la SNCH s’est offert à contrecœur une visibilité dont elle se serait bien passée. Elle a en effet réceptionné un des moteurs incriminés, celui du type EA 189 qui lui a été présenté par Audi.

Dieselgate : l’affaire Volkswagen

Pour mémoire, le dieselgate éclate en septembre 2015, en plein Salon de l’automobile de Francfort. Le grand raout de la voiture allemande aura un goût amer pour le groupe Volkswagen qui tente alors de ravir la place de leader mondial à Toyota. L’agence américaine de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency, EPA) révèle en effet que le constructeur automobile utilise, depuis 2009, des technologies lui permettant de masquer les émissions polluantes réelles en NOX ou CO2 de certains de ses moteurs afin de passer sans encombre les tests d’homologation. Le scandale est à l’échelle du groupe, mondiale, puisque quelque 11 millions de véhicules de 32 modèles des marques Volkswagen, Audi, Seat, Škoda et Porsche sont concernés. Le consommateur américain tombe de haut. La Volkswagen Jetta Diesel Sedan avait été couronnée voiture verte en 2009, alors que le groupe écoulait aux USA 240 000 véhicules entre janvier et septembre 2015.

Le consommateur européen n’est pas épargné. Rien qu’au Luxembourg, l’importateur de ces marques, Losch Import, comptabilisera très exactement 34 218 véhicules trafiqués, tous équipés des moteurs diesel du type EA 189. 18 219 Volkswagen sont en cause ; 9 823 Audi ; 3 750 Škoda et 2 606 Seat. Tous ces véhicules ont été immatriculés pendant la période incriminée.

Le pot aux roses est découvert par hasard lors de tests de roulage en condition réelle, effectués par une ONG américaine. Il s’avérera que les systèmes antipollution utilisés fonctionnaient sur la base d’un logiciel rendant, selon les mots mêmes de Volkswagen, « inopérant certains éléments du système antipollution en marche normale ». A cette époque, il ne s’agissait que de l’émission de NOX des moteurs diesel. En novembre 2015, Volkswagen avoue aussi une manipulation des données d’émission de CO2 entre 2013 et 2015. Cette fois-ci, des moteurs à essence sont impliqués.

Du côté de la SNCH, on se rassure : les dispositions en vigueur à l’époque en matière d’homologation ont été respectées. « Notre travail ne consiste pas à aller au-delà des textes, étant donné qu’il faut respecter le cadre harmonisé européen », rappelle Pol Philippe. Il souligne d’ailleurs le soutien du gouvernement luxembourgeois, qui a dit en substance que le constructeur avait trompé la SNCH. L’Etat a d’ailleurs dans la foulée porté plainte contre X afin que la justice puisse faire la lumière sur cette affaire.

« Nous sommes une autorité déléguée. Toutes nos décisions engagent l’Etat et il est hors de question d’avoir une image de paradis des homologations », relève de son côté Lux Schmitt, directeur qualité et risk management. La SNCH, comme les autres autorités d’homologation, a donc resserré la vis. Il s’agit d’être plus sévère et d’améliorer les capacités de contrôle.

Introduction de contrôles plus stricts

La SNCH a ainsi fait en sorte qu’Audi ne puisse pas diffuser son moteur incriminé sur des marchés non européens. Avec le ministère et la SNCA, elle a également suivi le rappel des voitures concernées par cette tricherie, afin qu’elles soient remises aux normes par le constructeur et à ses frais. Si le constructeur ne peut pas déroger à une telle injonction, le consommateur, lui, n’est pas forcé de s’y plier. Et pourtant, le Luxembourg affiche un des meilleurs taux européens de remise en conformité (près de 90 %). Ceci grâce aux efforts faits par les autorités nationales.

Bruxelles a également réagi en renforçant ses directives pour que le consommateur soit mieux protégé. Cela passe notamment par la surveillance des véhicules mis sur le marché, afin de déterminer si leur conformité demeure au fil du temps. Ce rôle incombe à l’Institut luxembourgeois de la normalisation, de l’accréditation, de la sécurité et qualité des produits et services (ILNAS). Quant aux essais, ils ne se déroulent plus uniquement sur bancs, mais aussi en condition réelle avec un système de mesures portable (Portable Emission Measurement System, PEMS) ainsi que sur des véhicules déjà en service (In Service Conformity, ISC).

Le groupe Volkswagen fait, toujours aujourd’hui, face à de multiples actions en justice. Le procès de Rupert Stadler, l’ancien patron d’Audi, qui avait été placé en détention provisoire en 2018, suit son cours. Le jugement devrait tomber en 2022. Martin Winterkorn, ancien président-directeur général de Volkswagen, sera également poursuivi par la justice. Tous deux doivent répondre de fraude dans ce scandale des moteurs truqués.

D’un pays à l’autre, les actions en justice, individuelles ou collectives, se poursuivent contre le groupe qui, pour le moment, n’a payé des compensations qu’aux Etats-Unis (16,5 milliards de dollars en 2016 et 4,3 en 2017) et en Allemagne (830 millions d’euros pour indemniser 260 000 consommateurs). Le 9 juillet 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a redonné le sourire aux consommateurs grâce à un arrêt capital : les personnes lésées peuvent intenter une action dans le pays où le véhicule a été acheté. Au Luxembourg, quatre affaires individuelles mais regroupées sont en cours devant le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg depuis deux ans. La patience est de mise. Le problème est que les recours collectifs ne sont pas encore permis. Un projet de loi est en cours de finalisation, conformément à une directive européenne qui oblige les Etats à légiférer en ce sens. L’Union luxembourgeoise des consommateurs (ULC) attend impatiemment cette loi qui renforcera le droit des consommateurs, tout en sachant qu’il y a peu de chance qu’elle soit rétroactive et puisse donc s’appliquer au dieselgate.

En attendant, la vente de voitures diesel est en perte de vitesse. L’importance que la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution atmosphérique a pris sur la scène publique est une des raisons de ce désamour. En fraudant, le constructeur allemand a apporté sa pierre à une motorisation de plus en plus fragilisée face aux annonces de taxes, d’interdiction de circulation dans les grandes villes ou encore par les voitures électriques qui, elles, ont le vent en poupe. Conséquence, et même si le Luxembourg reste un bastion du diesel, depuis 2018, il se vend moins de voitures fonctionnant au gazole que de voitures à essence. En 2019, l’essence représentait 50,6 % des nouvelles immatriculations (+7,9 %) et le diesel, 41,9 % (-7 %). Ne serait-ce finalement pas ce qu’on appelle scier la branche sur laquelle on est assis ?

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