Une fête se prépare, se vit et se réfléchit

La vie nocturne, les drogues et la sexualité

La vie nocturne et la sexualité sont intimement liées. A cette liaison dangereuse s’ajoute la consommation de drogues.

Aussi bien la consommation récréative de drogues que les comportements sexuels sont des éléments incontournables définissant la manière et les modes de fêter au Luxembourg. Depuis 2016, l’asbl 4motion accompagne ce processus et s’investit activement dans les milieux festifs avec son projet PIPAPO – Sex, Drogen & Rock’n Roll. Le nom de notre projet reprend dans son sous-titre la triade et le slogan revendicateur des années 1970 plaidant le droit à faire la fête ainsi que celui d’utiliser des substances psychotropes et de faire usage de son corps à des fins hédoniques. Dans notre travail, nous soutenons ces revendications, mais en premier lieu nous souhaitons aborder ces sujets encore tabouisés.

Notre mission s’inscrit dans un travail de déconstruction des représentations sociales (stéréotypes, préjugés) par rapport aux différentes cultures festives. Elle nous met en relation aussi bien avec les fêtards, les organisateurs et les promoteurs d’événements festifs qu’avec les autorités compétentes pour les manifestations festives et la vie nocturne. L’objectif général de notre activité, décrite comme éducation à la culture festive, est de promouvoir des messages et des stratégies de réduction de risques à faire la fête. Il s’agit ici de stimuler la gestion des processus décisionnels : « J’ai décidé de consommer … » ; « J’ai décidé de ne pas consommer … » ; de même pour les comportements sexuels, et de manière générale pour la façon dont l’individu décide de vivre son moment festif. Celui-ci lui appartient et il doit être conscient et responsable de ses actes. Les messages véhiculés ne sont ainsi pas moralisateurs mais peuvent servir de guide.

La motivation à faire la fête et à sortir va de pair avec le désir et la recherche de contacts sociaux. Les rencontres entre personnes se font spontanément, et la recherche d’expériences intenses conduit à la prise de risque. Celle-ci se prépare par la recherche d’informations, par des discussions préalables dans le cercle d’amis et par la confrontation d’idées. Idéalement, dans les préparatifs de la sortie ou de la fête, chacun devrait se poser ses propres limites. Outre une panoplie d’informations disponibles en ligne et sur des forums spécialisés (par ex. erowid.org, psychonaut.fr), des outils et des applications sont développés et partagés. L’application tripapp rassemble par exemple non seulement des informations mises à disposition par différents profes­sion­nels, mais également des informations venant directement de la population festive (cf. tripapp.org/ltz).

Afin de compléter ces préparatifs privés, PIPAPO peut intervenir, informer et sensibiliser le public festif. Notre approche méthodologique s’inscrit dans l’accompagnement pédagogique par les pairs. Des jeunes adultes sont formés spécifiquement aux thèmes de la consommation récréative de drogues, aux comportements à risques liés à la sexualité, et aux thématiques autour de la fête et des stratégies de gestion des comportements à risque.

Différentes pistes (de danse), différents pas (de danse)

Au Grand-Duché, la vie nocturne se concentre en grande partie à Luxembourg-Ville, et regroupe des bars, des bistrots et des clubs. Ceux-ci sont les lieux de rencontre d’un grand nombre de personnes proposant une variété de soirées qui se distinguent par l’ambiance recherchée, le style de musique et les différents groupes d’âge.

En observant les comportements associés à la fête, PIPAPO a pu constater que les substances typiquement consommées au Grand-Duché sont l’alcool, le tabac et le cannabis1. Ces données sont recueillies depuis maintenant presque dix ans en utilisant un questionnaire à choix multiples. Les enquêtes sont réalisées dans le milieu festif. La population qui participe à notre étude a un âge médian de 24 ans. Selon les contextes festifs, en particulier le genre de musique et le genre d’événement, d’autres substances récréatives comme le MDMA et la cocaïne sont privilégiées.2

Certaines substances peuvent avoir un effet désinhibant (par ex. alcool, GHB, cocaïne). On connaît bien l’effet qu’a notamment l’alcool sur la désinhibition sociale. Les barrières sociales sont rabaissées et entrainent plus facilement des passages à l’acte. Ainsi, quelqu’un de timide abordera plus facilement une personne n’appartenant pas à son entourage ou encore sera prêt à explorer la piste de danse dans un club.

D’autres substances ont un effet d’amplification des perceptions sensorielles et affectives. Les effets recherchés sont appelés sensations entactogènes. Une étude de Joachim Eul et Rolf Verres, publiée en 20163, montre une augmentation de la perception sensorielle affective pour les personnes consommant du cannabis ou du MDMA. Ces deux substances paraissent toutes les deux favorables à des expériences positives et amplificatrices lors des rapports sexuels.

Depuis quelques années, une pratique nommée « chemsex » se répand et est beaucoup discutée. Des substances psychotropes sont intentionnellement prises afin d’augmenter les sensations durant les relations sexuelles ou encore pour déplacer les barrières sociales liées aux pratiques sexuelles. Elles sont utilisées aussi bien dans les rapports homosexuels que hétérosexuels, à deux ou plusieurs personnes. Très peu d’informations sont actuellement disponibles sur ce phénomène au Luxembourg. Ce n’est qu’en mai 2018 que le gouvernement luxembourgeois a créé le centre de référence national pour la promotion de la santé affective et sexuelle. En 2019 a été mis en place le deuxième plan national de la promotion de la santé affective et sexuelle (cf. sante.lu) offrant un cadre de travail propice à toutes les thématiques liées tant à l’affectif qu’à la sexualité.

Les rapports sexuels doivent uniquement avoir lieu s’il y a consentement mutuel entre les différentes parties. Les préservatifs et autres moyens de contraception préviennent contre une maternité ou une paternité non souhaitée. Or, il n’est pas toujours évident de faire la part des choses entre comportements souhaités, désirés et encouragés, par rapport aux dépassements des limites qu’on s’est fixées soi-même. Au Luxembourg, il n’existe pour l’instant pas d’espace sécurisé qui permette de dialoguer autour de cette thématique.

Le geste évident et facile est de se protéger en premier lieu avec les outils de contraception classiques (cf. ­macontraception.lu).­ Nous distribuons chaque année plus de 4000 préservatifs. Néanmoins, avoir un préservatif sous la main et l’utiliser sont deux choses différentes. Le sujet du préservatif reste encore tabou, même entre deux personnes qui se préparent à partager des rapports sexuels. Une fois que cet obstacle est surmonté, il faut encore avoir connaissance de la technique et du mode d’utilisation.

On ne peut pas prévoir l´imprévisible – réduire les risques est néanmoins possible.

  1. Carlos PAULOS/Lynn HAGEN/Salvatore LOVERRE, PIPAPO 2018 – Enquête sur la consommation récréative de drogues auprès du public festif luxembourgeois, 4motion asbl., Luxembourg, 2019 ; Nadine BERNDT/Rita SEIXAS/Alain ORIGER, The state of the problem in the Grand Duchy of Luxembourg 2018. New developments, trends and in-depth information on selected issues, Luxembourg, Ministry of Health, 2019.
  2. Carlos PAULOS, « Just can’t get enough. Depicting recreational drug use with drug checking service », dans reduse 2018 – New aspects and development in recreational drug use, Vienna, 2018.
  3. Joachim EUL/Rolf VERRES, « Wirkungen psychoaktiver Substanzen auf das Bedürfnis nach Liebe, Zärtlichkeit und Sex sowie auf die sexuelle Performance », dans Suchttherapie vol. 17, no 4, 2016, p. 153-160.

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