„Wie hast du’s mit der Integration?“

La question de l’intégration en tant que facteur de clivage

Le phénomène de l’intégration est difficile à cerner, et à définir, notamment parce que l’intégration se fait à plusieurs niveaux: dans la communication quotidienne, au travail, à l’école, mais aussi parce qu’elle est l’objet du discours d’acteurs très hétéroclites. Dans un sondage publié fin 2011, le Centre d’étude et de formation interculturelles et sociales (CEFIS1) a mis l’accent sur une dimension particulière de l’intégration, le capital social.

À l’origine de cette étude, se trouve une question qui nous hante depuis longtemps: existe-t-il au Luxembourg une réelle diversité dans les relations vécues par les individus ou vivons-nous dans des sociétés parallèles? Comment les réseaux sociaux et les contacts que nous nouons au quotidien peuvent-ils contribuer à l’intégration et à la cohésion sociale du pays? Plusieurs concepts sociologiques permettent d’approcher cette problématique, et celui du capital social est incontournable dans ce contexte. Il s’agit d’un terme issu de la sociologie, visant à étudier les relations entre les êtres humains au sein de la société aussi bien que la nature et la force des relations. En résumé, on peut dire que le capital social2 se manifeste à travers 3 phénomènes: la confiance, le type de relations ou de contacts entre les personnes ainsi que les réseaux sociaux (amis, voisins, collègues,…).

La confiance face à l’autre

Les résultats de la question sur le niveau de confiance en général montrent que celle-ci a augmenté depuis 1999 et qu’aujourd’hui, 41% des personnes estiment qu’on peut faire confiance à la plupart du monde (figure 1). Toutefois, une large majorité des autres estime qu’on ne peut jamais être suffisamment prudent.

Une analyse statistique approfondie des résultats3 révèle que le niveau de méfiance dépend du milieu socio-économique: les personnes issues de milieux socio-économiques favorisés ont plus tendance à faire confiance aux autres. Afin d’affiner ce résultat, on demandait aux interviewés à quels groupes de populations ils faisaient le plus ou le moins confiance.

Dès lors, des différences très marquées se cristallisent entre les catégories de populations ou communautés (figure 2). D’un côté, plus de 80% des personnes déclarent faire confiance aux Luxembourgeois, aux voisins, aux Portugais ou aux Chrétiens. Mais presqu’un interviewé sur deux ne fait pas confiance aux Musulmans, aux demandeurs d’asile ou encore aux personnes venant de l’ex-Yougoslavie. Pour les personnes interrogées, ces groupes constituent une seule et même «catégorie mentale» très stéréotypée qui correspond à la communauté, en grande partie musulmane, arrivée des Balkans pendant la guerre civile à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Un habitant sur 10 exprime d’ailleurs une méfiance importante à l’égard de tous les groupes «ethnico-religieux» (les 6 dernières catégories du graphique 2).

Or, il faut relativiser ces résultats, car des différences existent au niveau de la confiance ou de la méfiance parmi les groupes de populations. Ici, le niveau d’études et de revenu ainsi que la profession des personnes interrogées influencent le sentiment de méfiance: plus le niveau d’éducation et de revenu est faible, plus la méfiance est forte. Mais cette fois, la nationalité et l’âge produisent aussi des effets sur les réponses: les Luxembourgeois, les Portugais et les personnes plus âgées expriment plus de méfiance envers les groupes de populations «ethnico-religieuses». Au contraire des plus jeunes, des Belges, des Français ou des Allemands qui expriment plus de confiance.

Les réseaux sociaux au Luxembourg

Le Luxembourg est un pays multiculturel dans lequel se retrouvent de nombreuses nationalités. Pour autant, cette diversité statistique de nationalités, de cultures et d’origines favorise-t-elle une diversité vécue, c’est-à-dire des rencontres interculturelles dans des contextes variés entre personnes de milieu, d’âge ou de nationalité différents? Une analyse des réseaux d’amis constitue un outil intéressant pour mesurer le vécu de cette diversité. Contrairement aux collègues de travail ou aux voisins par exemple, nous choisissons nos amis nous-mêmes. Le choix se fait pour différentes raisons, conscientes ou moins conscientes, parfois délibérément, parfois avec un certain déterminisme. Mais rien ne nous oblige à garder des amis ou à les fréquenter avec une certaine régularité. La diversité au niveau de la composition de réseaux d’amis, considérée comme résultat d’actions intentionnelles, permet d’approcher la réalité interculturelle du Luxembourg.

Au Grand-Duché, les réseaux d’amis sont très homogènes en termes de couleur de la peau, de langue maternelle ou de nationalité (voir figure 3). Les amitiés se créent moins dans le monde du travail, des loisirs ou dans le quartier. Deux tiers des interviewés répondent qu’ils trouvent leurs amis parmi les personnes qui parlent la même langue et qui ont la même nationalité. Cette tendance à l’homogénéité ethno-identitaire est encore plus marquée chez les personnes de nationalité luxembourgeoise et portugaise. D’un côté, on peut s’attendre à ce que les amis soient surtout sélectionnés parmi les personnes parlant la même langue maternelle et ayant la même nationalité. D’un autre côté, pourtant, dans un petit pays multiculturel comme le Luxembourg, la force de cette tendance peut aussi être expliquée par un repli de certains groupes sur eux-mêmes et par une ouverture plus ou moins grande de certaines communautés d’origine étrangère. Ce repli est particulièrement marqué parmi les Luxembourgeois et les Portugais alors que l’ouverture est plus manifeste parmi les personnes de 1e génération et dans la catégorie des «Belges-Français-Allemands».

Le concept de l’intégration comme facteur de clivage

Une autre question figurant dans la même étude portait sur les vecteurs les plus importants de l’intégration (figure 4). La réciprocité des efforts réalisés lors du processus d’intégration est considérée comme le facteur crucial suivi par celui de l’emploi. Par contre, l’acquisition de la nationalité constitue la dimension qui recueille le moins d’opinions favorables. Entre ces deux extrêmes, on retrouve néanmoins des dimensions très différentes comme l’aspect linguistique, le partage des richesses culturelles, l’égalité des droits, la réussite des enfants à l’école,… Pour synthétiser ces vues sur l’intégration, elles peuvent être regroupées en deux facteurs différents qui opposent deux groupes de populations avec des conceptions différentes concernant l’intégration au Luxembourg (tableau 1).

En analysant ces résultats, nous retrouvons en effet une partie de la population (32%) qui adhère à un modèle qu’on peut qualifier d’«assimilation pragmatique». Ce groupe estime que l’intégration passe par des éléments visibles et concrets. Ces adhérents ont tendance à assimiler les migrants par ressemblance avec les valeurs ou la culture de la population autochtone ou par adhésion à ces valeurs ou cette culture: connaître le luxembourgeois ou les trois langues du pays, acquérir la nationalité et avoir un emploi. Le groupe qui propage ces opinions est composé de catégories populaires et d’immigrés relativement défavorisés, plus âgés, plus souvent de nationalité portugaise, principalement non-qualifiés, avec des revenus et des niveaux de scolarité faibles.

L’autre groupe (35% de la population) partage des opinions plus abstraites ou avec une tendance vers plus d’égalité en matière d’intégration: partager les richesses culturelles, sauvegarder les traditions, disposer des mêmes droits et devoirs,… Dans ce groupe, sont valorisées non pas la ressemblance ou l’assimilation, mais le droit à la différence et à l’égalité. Les membres sont des immigrés de première génération, de nationalité ou d’ascendance portugaise et d’autres nationalités (européennes ou extra-européennes) ainsi que les personnes ayant les revenus et les niveaux d’étude les plus élevés.

La notion d’intégration, si elle n’est pas clairement définie, risque de créer un discours dans lequel domine l’unanimité. Mais dès que les dimensions les plus importantes de l’intégration sont analysées de plus près, deux groupes avec des opinions opposées se forment. Cette opposition en matière d’intégration s’explique davantage par les différences socio-économiques (niveau d’études, de revenus, de classes sociales,…) que par les nationalités. Finalement, ce n’est donc pas l’appartenance à une nationalité qui est le facteur le plus important pour expliquer la forme du capital social et du vivre ensemble au Luxembourg, mais plutôt la question du bagage socio-économique.

1 Le CEFIS cherche à promouvoir la cohésion sociale au Luxembourg à travers différentes activités dont la recherche-action et la formation sociale, politique et interculturelle. Les thématiques concernent notam- ment les phénomènes et politiques migratoires ainsi que leurs diverses dimensions: l’intégration, la lutte contre les discriminations, l’interculturel, la participa- tion de tous à la vie sociale, associative et politique.

2 Ce concept a été largement abordé dans les tra- vaux de Robert Putnam, notamment: Bowling Alone: The Collapse And Revival Of American Community, Simon and Schuster, New York, 2001.

3 Pour les lecteurs intéressés, la publication RED 15 revient en détail sur ces résultats. Disponible sur le site du CEFIS : www.cefis.lu

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