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Xavier Bettel 3.0 –et le Luxembourg évolue
Nous vivons à l’époque de Xavier Bettel. Les électeurs le remettront en octobre plus que probablement en position de former un nouveau gouvernement. Les questions à se poser sont dès lors les suivantes : avec quels partis formera-t-il une coalition, où se dirige le pays et que sommes-nous ?
La plupart de nos espoirs et aspirations politiques, pour tous ceux d’entre nous qui pourraient les héberger, commencent avant même que nous n’entrons en politique : à partir de l’environnement qui nous forme. Jean Claude-Juncker (CSV) a sûrement été formé par l’esprit d’après-guerre et par son collègue de parti, Pierre Werner. Xavier Bettel (DP) a certainement été influencé par l’époque de Juncker, la chute de l’Union soviétique, une communauté européenne en expansion et l’espoir porté par cette époque. Mais au moment où nos dirigeants occupent leur position de pouvoir, ils sont confrontés à une réalité très différente de celle qui les a peut-être inspirés en premier lieu à rejoindre la table des négociations de la démocratie.
Alors, quelle est la compréhension de notre pays, de notre leadership politique actuel ? Car si les dirigeants sont formés par leur environnement, on peut dire la même chose pour les électeurs qui les portent au pouvoir. Et pour la toute première fois, nous nous dirigeons vers des élections législatives où un électeur sur trois sera un citoyen naturalisé. Où un électeur sur trois peut potentiellement avoir une perspective différente de celle de nos acteurs politiques : la perspective de l’immigration ainsi que le processus d’enracinement et de la construction d’une vie au Luxembourg.
Mir wëlle bleiwe wat mir sinn
Alors que sommes-nous ? La question de l’identité déterminera une fois de plus une partie de la répartition de certains votes lors de cette élection. Mais comme notre électorat ne reflète pas la diversité de notre société, nous ne trouverons pas encore de réponse adaptée. Pour beaucoup, la langue du grand débat politique constituera un obstacle en soi, même s’ils ont acquis la nationalité luxembourgeoise.

Le principal média du pays va à nouveau nous diviser, en proposant une couverture politique majoritairement monolingue qui renforcera dans la tête de certains l’idée d’un Luxembourg monolingue qui n’existe cependant que dans les programmes d’actualité. Contrairement à ce qui est montré dans le journal télévisé du soir, trois personnes sur quatre qui travaillent au Luxembourg ne parlent pas la langue nationale. Et si une réalité n’est pas représentée dans les médias, elle a le potentiel de créer un effet choc chez ceux et celles qui ne fréquentent que des communautés homogènes. A un moment donné au cours des cinq dernières années, l’ADR a eu des scores si élevés dans les sondages que les chiffres laissaient croire qu’ils pourraient obtenir plus de 10 % des sièges à la Chambre des députés. Personne n’a-t-il donc remarqué que cela se produisait, alors que les gens étaient collés à leur télévision ?
Le Luxembourg n’échappe pas non plus au glissement vers l’extrême droite – ou du moins plus à droite – observé un peu partout dans les sondages en Europe. Dès lors, les grands partis au Luxembourg s’invitent lentement mais sûrement dans le processus qui consiste à inclure davantage de personnes qui composent notre société dans notre récit national, pour assurer la cohésion et la stabilité sociale, et se positionner pour un avenir sans doute plus diversifié.
« Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité, et ils ne voient la nécessité que dans la crise. »(Jean Monnet)
Les élections communales de juin n’ont pas abouti à la vague verte que la co-présidente des Verts, Djuna Bernard, avait espéré. Et comme Laurent Mosar du CSV l’a souligné cet été dans un tweet, le soutien à l’action climatique a reculé. Mais cela signifie-t-il pour autant que la crise climatique est terminée ? La science nous prouve le contraire.
N’avons-nous pas pris conscience du danger évident dans lequel nous nous trouvons ? Il me semble que c’est pourtant clair. Ce qui a changé, c’est peut-être que les Verts ne sont plus le propriétaire exclusif de la réaction au changement climatique. Il s’agit désormais d’une priorité pour la quasi-totalité des partis. Les solutions proposées quant aux problèmes climatiques, et plus encore leur mise en œuvre et leur financement, seront déterminants pour les électeurs.
Même si la plupart des Luxembourgeois sont favorables à l’action climatique, ce sont les finances du pays qui domineront le débat avant les élections. Les questions du « comment » seront prioritaires : de notre capacité à continuer à financer le secteur public et le système de santé au financement de la transition écologique. Et, bien sûr, comme notre secteur financier représente une part très importante de notre produit intérieur brut, il est logique que la préservation et la protection de cette industrie continuent d’être une priorité pour tout grand parti.
En même temps, l’électorat commence à avoir moins envie des grands partis politiques. Les erreurs du passé restent plus longtemps dans notre mémoire collective que les succès, et les gens se méfient des partis qui présentent toujours la même recette. Sven Clement et le Piratepartei le savent bien. Sven Clement s’est placé au cœur du débat, et que les autres l’aiment ou non, ils devront s’habituer à lui pendant encore de longues années et même imiter une partie de sa stratégie pour rester pertinents.
Pourtant, c’est notre Premier ministre Xavier Bettel qui, après dix ans de mandat, demeure plus populaire que jamais. Aujourd’hui, un vétéran de la politique âgé de 50 ans, il est toujours l’homme politique le plus charismatique du pays. Sa capacité à trouver un terrain d’entente est incontestable et c’est en partie pour cette raison qu’il est plus que probable qu’il formera de nouveau le prochain gouvernement.
A quelle coalition pouvons-nous donc nous attendre ? Je ne veux pas vous ennuyer avec des hypothèses qui ont peu de chance de se réaliser, alors voici les deux qui sont actuellement discutées dans les couloirs politiques…
Gambia strikes again
La coalition actuelle : malgré quelques défauts, elle a réussi à diriger et gouverner le pays, et a montré qu’elle savait de quelle façon et à quel moment faire des compromis. Au cours des dix dernières années, le Luxembourg a bénéficié d’une croissance économique rapide ayant profité à la plupart des électeurs (mot-clé : électeurs), qui récompenseront donc de nouveau la coalition actuelle lors des prochaines élections.
Même si la plupart des Luxembourgeois sont favorables à l’action climatique, ce sont les finances du pays qui domineront le débat avant les élections.
De plus, parmi les quelque 100 000 personnes qui ont acquis la nationalité luxembourgeoise et le droit de vote au cours de la dernière décennie, beaucoup se tourneront vers les partis de la coalition. Mais la lune de miel est terminée, il ne faut pas s’attendre à ce que cette coalition agisse comme les deux précédentes. Un Xavier Bettel renforcé pourra exiger davantage qu’auparavant, même si les socialistes obtiennent plus de sièges.
Une telle coalition continuerait à se concentrer sur ses grandes lignes politiques actuelles et s’efforcerait certainement de résoudre la question du logement et du financement du logement dans les cinq années à venir, ainsi que d’accélérer ses travaux sur la mobilité, ceci afin de survivre à long terme. Il serait également judicieux de procéder à une réforme fiscale. La durabilité restera probablement au centre des préoccupations et les programmes de protection sociale continueront à trouver des financements.
The 1990s are calling
Une coalition DP-CSV semble être favorite. Pour que cela fonctionne, le CSV, même avec davantage de députés, devrait probablement occuper la deuxième place et laisser Bettel diriger. On voit bien que le CSV veut revenir au gouvernement, leur rôle dans l’opposition ne leur convient pas.
Je crains que cette coalition se traduira par une diminution de l’action sur le changement climatique (si la récente position européenne du European People’s Party est une indication), mais il me semble que c’est la seule alternative à la structure actuelle qui est discutée en ce moment – une alternative qui s’alignerait sur la tendance de l’Europe à se déplacer vers la droite. Cette coalition aurait probablement plus de facilité à donner la priorité aux politiques qui, selon elle, stimulent la croissance économique et attirent les investissements étrangers, ainsi qu’à travailler à la promotion d’un environnement réglementaire plus simple.
Je ne crois pas que ces élections législatives auront le potentiel de remodeler le paysage politique du pays. Mais peut-être qu’avec un vote tactique, la partie de la société possédant le droit de vote peut faire en sorte que des voix plus représentatives entrent à la Chambre des députés. Sinon, il est possible que nos dirigeants ne réalisent pas à quel point ce pays a réellement changé et aspire au progrès, et ils risquent de s’aliéner de nombreux électeurs à l’avenir. Le véritable potentiel réside dans l’implication de nos citoyens dans les partis politiques, non seulement avant les élections, mais au cours des cinq années à venir, afin de façonner leur parti en interne et d’influencer les positions de leurs députés et du gouvernement.
Nous ne pouvons pas être certains de l’issue des élections en octobre. Notre avenir à nous tous dépend de toutes les personnes qui votent et de la décision qu’elles prendront le 8 octobre. Si vous me le demandez, notre avenir est avec l’Europe, et avec un Luxembourg qui continue d’œuvrer à sa construction.
S’il y a une chose dont je pense que nous pouvons presque être certains, c’est que nous vivons à l’époque de Xavier Bettel, et octobre 2023 produira la troisième version de son gouvernement – Xavier Bettel 3.0.
Christos Floros, un Luxembourgeois issu de la première génération de migrants, est architecte. Il est connu pour son action consistant à rendre la politique luxembourgeoise accessible à un plus grand nombre de personnes au Luxembourg. @christosfloros sur Instagram
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