Bilan intermédiaire des inscriptions sur les listes électorales communales

Quelques éléments et pistes de réflexion

Les prochaines élections communales se dérouleront le 8 octobre 2017. Les ressortissants communautaires et non communautaires ont la possibilité de voter à condition d’être âgé de 18 ans au moins le jour des élections et de justifier 5 années de résidence au Grand-Duché à la date d’inscription sur les listes électorales.

Cependant, pour participer à ces élections, il faut s’inscrire sur les listes électorales au plus tard jusqu’au 13 juillet 2017 inclus. C’est-à-dire que les personnes doivent effectuer une démarche relativement simple auprès de l’administration communale du lieu où elles résident.

Le CEFIS a dressé un bilan intermédiaire des inscriptions des étrangers sur les listes électorales communales un an avant les élections1. L’objectif était de réaliser un état des lieux de la situation actuelle, avant le lancement de la campagne nationale de sensibilisation à l’inscription sur les listes électorales2.

Depuis 1999, le CEFIS asbl étudie de près la participation électorale des ressortissants de nationalité étrangère aux élections communales et européennes. Or ici, pour la première fois, le CEFIS a pu calculer le taux d’inscription réel en tenant compte des deux conditions d’âge et de durée de résidence au Grand-Duché. En effet, dans le passé, le CEFIS calculait un taux d’inscription approché en considérant uniquement la population âgée de 18 ans et plus, sans tenir compte de cette condition de résidence. Grâce à la collaboration active avec le CTIE (Centre des technologies de l’information de l’État), le RNPP (Registre national des personnes physiques), le SIGI (Syndicat intercommunal de gestion informatique) et l’ensemble des communes du pays, le CEFIS est en mesure de présenter des chiffres au plus près de la réalité.

L’évolution des inscriptions sur les listes électorales communales

Au 8 octobre 2016, 25501 personnes de nationalité étrangère étaient inscrites sur les listes électorales, ce qui représente un taux d’inscription réel de
16,3 % par rapport aux 156817 étrangers de 18 ans et plus résidant au Luxembourg depuis au moins 5 ans. Pour rappel, le taux d’inscription représente le rapport entre les étrangers inscrits sur les listes électorales et la population étrangère résidente de plus de 18 ans.

On observe donc une baisse sensible du nombre d’inscrits par rapport à notre dernier recensement de 2011 qui était de 30937, soit une baisse de 5000 personnes environ (-17,6%). L’électorat luxembourgeois, personnes de 18 ans et plus inscrites d’office sur les listes électorales, est passé entre 2011 et le 8 octobre 20163 de 231419 à 249000 individus, soit une progression de 7,6%. Le poids électoral, qui calcule le rapport entre l’électorat étranger et l’électorat total est de 9%, c’est-à-dire que sur 100 électeurs, 9 sont de nationalité étrangère et 91 sont de nationalité luxembourgeoise.

La baisse du nombre d’inscrits de nationalité étrangère trouve de nombreuses explications: des départs, des décès, des désinscriptions, mais surtout les naturalisations des personnes adultes résidentes au Luxembourg. Avec environ 3000 naturalisations par an en moyenne (3195 en 2015, 3206 en 2014, 2564 en 2013, 3085 en 2012, 3094 en 20114), un certain nombre de personnes de nationalité étrangère inscrites sur les listes électorales ont pris la nationalité luxembourgeoise, passant ainsi de la liste électorale des ressortissants étrangers à celle des Luxembourgeois.

Pour permettre une comparaison du taux d’inscription et de son évolution par rapport aux élections communales antérieures, 1999, 2005 et 2011, on se doit de recalculer le taux d’inscription approché, c’est-à-dire en tenant compte uniquement de la condition d’âge comme nous le faisions auparavant. Ainsi, au 8 octobre 2016, le taux d’inscription approché est de 11%, plus faible qu’en 1999 où il était de 12%. Cette chute du taux d’inscription approché s’explique par la forte croissance de la population étrangère du Grand-Duché sur la période observée. La population du Grand-Duché de Luxembourg a énormément évolué, elle passe de 429200 habitants en 1999 avec 36% d’étrangers, pour atteindre aujourd’hui les 576200 habitants et 47% d’étrangers5 (voir graphique 2).

Les inscriptions selon la nationalité

L’inscription selon la nationalité montre des variations assez importantes entre les ressortissants communautaires et non-communautaires, dont les taux d’inscription sont respectivement de 17,1% et 10,3%. En présentant ces chiffres, il ne faut pas oublier que derrière les nationalités se cachent des différences de profils socioéconomiques et de niveaux d’études, mais aussi d’histoires et de projets de migration, qui expliquent en partie les variations observées entre nationalités.

Si l’on considère les ressortissants communautaires, on observe une baisse générale du nombre d’inscriptions entre le bilan de 2011 et celui de 2016 (-17%). La baisse la plus importante concerne les Italiens (-25%), devant les Britanniques (-23%), les Allemands et les Belges (-22% chacun). Le nombre des inscriptions des Portugais a reculé de 12211 à 10727, soit une baisse de 12%.

Les non-communautaires enregistrent également une diminution sensible passant de 2595 inscriptions en 2011 à 1938 en 2016, soit une baisse de 25%. Dans la mesure où les chiffres sont assez faibles en valeur absolue, il n’est pas pertinent de faire une analyse détaillée selon les nationalités non-communautaires. Remarquons cependant une augmentation des inscriptions des Monténégrins et un taux d’inscription de 21%, soit 10 points de plus que la moyenne des non-communautaires.

Si le taux d’inscription réel se stabilise autour des 16%, on observe des variations plus ou moins importantes selon les nationalités. Ainsi, même si le nombre d’inscriptions des Italiens a baissé entre 2011 et 2016, leur taux d’inscription reste stable à 22%, comme celui des Néerlandais dont le taux a toujours été historiquement élevé. Avec 18%, les Portugais affichent un bon score, tout comme les Belges et les Allemands (20%). Parmi les principales communautés étrangères vivant au Luxembourg, les Français se situent en dessous de la moyenne avec 15%, tout comme les Britanniques et les Espagnols (13%) (voir graphique 3).

Parmi les ressortissants non-communautaires, dont la population est beaucoup plus hétérogène et dispersée, on notera les taux plus élevés pour les pays des Balkans, notamment les Monténégrins (21%), les Bosniaques (18%), et les Serbes (16%). Remarquons que les Suisses (14%) et les ressortissants du Cap-Vert (12%) sont au-dessus de la moyenne du taux d’inscription des non-communautaires qui est de 10,3% (voir graphique 4).

Malgré toutes ces variations, les «bons» scores ou les «mauvais», on observera in fine qu’il y a de forts potentiels. Comme nous avons la possibilité d’analyser les inscriptions de la population selon les conditions de résidence, en faisant la distinction entre les individus pouvant s’inscrire sur les listes électorales (les électeurs potentiels) et ceux qui ne le peuvent pas car ils ne remplissent pas la condition de résidence de 5 ans au Luxembourg, nous allons pouvoir analyser justement ce potentiel de façon concrète et réelle.

Le tableau à la page 9 regroupe ces informations selon les principales nationalités ≥ 18 ans présentes au Luxembourg (groupes de plus de 1000 individus).

La colonne B du tableau contient le nombre d’inscrits sur les listes électorales communales au 8 octobre 2016. La colonne C comprend le nombre de ressortissants étrangers non-inscrits sur les listes alors qu’ils remplissent la condition de résidence de 5 ans au Luxembourg. La colonne D comprend le nombre de ressortissants étrangers qui ne remplissent pas la condition de résidence de 5 ans au Luxembourg et qui, de ce fait, ne peuvent pas s’inscrire sur les listes. La colonne A indique le nombre total des personnes (soit la somme des colonnes B + C + D). Enfin, la colonne E est le rapport entre non-électeurs, qui ne remplissent pas la condition de résidence pour s’inscrire sur la liste électorale, et la population totale (D/A).

Ainsi, sur les 224705 personnes de nationalité étrangère, 25501 se sont inscrites sur les listes électorales, 131316 personnes pourraient encore s’y inscrire et 67888 ne peuvent pas le faire car elles ne sont pas au Luxembourg depuis au moins 5 ans. Ce dernier groupe représente 30% des étrangers vivant au Grand-Duché.

Si ce pourcentage des personnes en dehors des conditions de résidence est élevé, cela signifie qu’on a affaire à une communauté installée depuis peu au Grand-Duché. C’est le cas par exemple des Indiens où 71% des ressortissants ne sont pas au Luxembourg depuis plus de 5 ans. Idem pour les Roumains (64%), les Russes (58%), les Bulgares (52%), les Grecs (52%), les Hongrois (51%) et les Chinois (50%). À l’inverse, plus le taux est faible, plus on aura affaire à une communauté plus ancienne, comme c’est le cas des Néerlandais (11%), des Danois (16%), des Bosniaques (19%), des Monténégrins (19%) et des Portugais (20%).

En ce qui concerne les ressortissants des pays voisins, 37% des Français résident au Luxembourg depuis moins de 5 ans, 30% des Belges et 27% des Allemands.

Comment favoriser la participation électorale?

Au niveau national, il s’agit de transmettre le message qu’il y a un lien entre le fait de voter et la réalité quotidienne des gens, expliquer que lorsqu’on vote c’est avant tout dans son/notre intérêt. Une commune a beaucoup de compétences, obligatoires et facultatives, et peut intervenir dans des domaines aussi variés et divers que le logement, la petite enfance (crèches…) et la jeunesse, l’éducation, la culture et les loisirs, la salubrité, etc. Il s’agit également de faciliter l’accès à l’information politique et mettre en place des modules d’information et de formation sur le paysage politique, système électoral, en ciblant certaines communautés et certains groupes d’âge6.

Une ouverture plus ample du débat politique aux étrangers, l’information sur le processus électoral et l’information politique générale constituent d’autres facteurs qui pèsent sur la participation électorale des ressortissants étrangers.

Les partis politiques sont également interpellés pour favoriser l’intégration de personnes de nationalité étrangère dans leur parti ou sur leurs listes, car n’oublions pas que les personnes de nationalité étrangère peuvent non seulement voter, mais aussi être candidats aux élections communales, et accéder aux postes d’échevin ou de bourgmestre.

Dans tous les cas, afin de favoriser l’inscription sur les listes électorales, il s’agit de mettre en place des programmes d’action, pensés et réfléchis, sur une longue période. À qui s’adresse-t-on? Avec quels moyens? Par quels canaux? Des actions de sensibilisation floues et indéterminées n’auront que très peu d’impact, alors que des actions ciblées atteindront plus facilement leurs objectifs.

 

1 Réalisé avec le soutien du ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région – Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration
2 http://www.jepeuxvoter.public.lu/fr.html
3 Source: données du Statec au 1er janvier des dates mentionnées
4 Dans ces chiffres sont exclus les recouvrements de la nationalité luxembourgeoise par les non-résidents ainsi que les enfants deve- nus Luxembourgeois suite à la naturalisation d’un de leurs parents ou en vertu de l’application du principe du double droit du sol.
5 Source: Statec au 1er janvier 1999 et 2016.
6 Voir notamment RED n°19, La participation politique des étran- gers au Luxembourg, www.cefis.lu

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