- Gesellschaft
Devenir Luxembourgeois pour pouvoir voter?
Depuis le milieu des années 1980, le Luxembourg a réformé par touches successives sa législation sur la nationalité.
Tout en renforçant le critère linguistique – en mettant l’accent sur la compréhension et la maîtrise de la langue luxembourgeoise – les conditions pour obtenir la nationalité luxembourgeoise ont été progressivement allégées.
Depuis le 1er avril 2017, le Luxembourg dispose d’une des législations sur la nationalité les plus libérales de son histoire. Il est tout à fait remarquable que cette évolution se soit faite dans un relatif consensus de la classe politique, à l’exception notable du parti national conservateur ADR.
Alors que, dans le passé, les réformes de la loi sur la nationalité ont souvent été boudées par une grande partie des partis d’opposition, la législation toute récente s’est construite sur des négociations entre majorité et opposition, portée par la volonté partagée d’aboutir à un texte commun.
C’est cet accord politique large au-delà des lignes de démarcation traditionnelles qui a finalement permis de faire voter un texte de loi qui comprend des avancées nettes par rapport à la loi en vigueur jusqu’alors.
Il est encore plus remarquable que cette réforme ait pu s’effectuer sans heurts majeurs et sans résistance notable dans le climat politique actuel qui n’est guère caractérisé par une grande ouverture vers l’extérieur, mais plutôt par des tentations de repli sur soi, voire par un nationalisme croissant.
La tendance générale de la loi du 8 mars 2017 sur la nationalité luxembourgeoise veut faciliter l’accès à la nationalité luxembourgeoise en reprenant l’ensemble des acquis de la loi du 23 octobre 2008 (gratuité de la procédure, double-nationalité, recours en justice, accélération et simplification des procédures…) tout en apportant un certain nombre d’assouplissements supplémentaires au régime.
À l’évidence, une forte ouverture aux règles du droit du sol constitue une avancée, peu commentée, mais historiquement très spectaculaire en la matière. Désormais, un enfant né au Luxembourg deviendra, en principe, automatiquement Luxembourgeois à l’âge de sa majorité. Les conditions posées par la loi sont assez proches de celles qui existent à l’heure actuelle en France, pays par excellence du droit du sol. Cet automatisme, lié seulement à quelques conditions de délai de résidence, aura pour effet de plein droit de faire croître le nombre des Luxembourgeois.
À cette nouveauté s’ajoutent d’autres amendements comme ceux concernant le test de langue luxembourgeoise qui devraient renforcer l’attractivité d’acquérir la nationalité luxembourgeoise. Telle a été la finalité principale de la nouvelle loi qui reprend certaines idées d’un projet de loi de la précédente majorité gouvernementale CSV-LSAP déposé par le ministre François Biltgen en 2013 ainsi que des éléments supplémentaires d’une proposition de la loi du CSV déposée par le député Claude Wiseler, dans le cadre du référendum de 2015.
Cette dernière initiative avait été présentée à l’époque comme alternative à l’extension du droit de vote actif aux non-Luxembourgeois pour les élections à la Chambre des Députés.
Il est intéressant de noter que cet argument n’a guère été repris lors des débats sur la nouvelle loi au Parlement, en tout cas par le CSV. Afin de ne pas attiser les oppositions ou réticences dans une partie de l’opinion publique, on a été préféré adopter une position «low profile».
Sur certains points, le plus grand parti d’opposition éprouvait d’ailleurs des difficultés certaines pour réitérer son soutien à ses propres propositions formulées dans sa proposition de loi. De légères adaptations, par exemple sur le niveau de compétence au sujet de la langue luxembourgeoise, ont dû être effectuées pour obtenir un assentiment général.
Le ministre de la Justice Félix Braz a dû négocier de pied ferme pour obtenir cet accord politique et faire des concessions par rapport à son propre avant-projet de loi. Mais finalement, les quatre partis représentés par un groupe parlementaire à la Chambre des Députés ont pu trouver un terrain d’entente acceptable qui nous permet de progresser dans ce domaine politique très sensible. Le fait d’avoir pu rallier le plus grand parti d’opposition porteur du NON au référendum de 2015 au projet de loi du Gouvernement a été décisif pour faire passer une réforme à forts risques dans un climat politique propice à toutes sortes de populismes et de démagogies. La présence du CSV a certainement contribué à rassurer la partie conservatrice de l’opinion publique. Un passage en force de la coalition DP-LSAP-Gréng aurait risqué de faire tomber toute la réforme.
Lors des débats à la Chambre des Députés, la plupart des orateurs ont mis en avant l’argument de l’intégration pour expliquer le pourquoi de cette réforme. Alors que pour les partis de droite l’acquisition de la nationalité d’un pays est considérée comme la fin voire la récompense à une intégration réussie dans la communauté, les partis de gauche y voient plutôt une étape dans un long processus.
Un deuxième argument avancé plus ou moins ouvertement était celui du droit de vote et de la participation politique au niveau national. Le fait qu’à moyen terme le corps électoral risque de ne plus représenter la majorité des résidents en âge de voter constitue un véritable défi pour notre démocratie.
Une étude de 2013 du Statec a montré qu’à ce moment-là les électeurs représentaient 57,4% de la population totale des résidents de 18 ans et plus. Dans la circonscription du Centre, ce pourcentage n’était que de 45,4%. Depuis lors, les chiffres ont enregistré une nouvelle baisse et ceci en dépit d’un fort intérêt pour opter ou recouvrer la nationalité luxembourgeoise. C’est surtout la très forte immigration des dernières années qui a gonflé le nombre des habitants dans notre pays, un taux de croissance (+2% par an en moyenne) tout à fait exceptionnel dans toute l’Europe dont la population tend plutôt à diminuer légèrement.
L’effet de la nouvelle loi sur la nationalité pourrait dès lors consister à retarder le moment fatidique où les Luxembourgeois deviendront minoritaires au Luxembourg, tout comme celui où l’électorat ne représentera plus la majorité de la population résidente en âge de voter. C’est surtout dans les classes d’âge les plus jeunes (18-50 ans) que la différence entre électorat luxembourgeois et population résidente se manifeste de manière flagrante.
On sait pertinemment que plus de 100000 électeurs potentiels sont et restent exclus du droit de vote actif pour les élections nationales. Le peuple souverain en a ainsi décidé et ce sujet ne réapparaîtra guère sur le devant de la scène politique qu’à très longue échéance.
Pour affronter le défi démocratique qui se présente à nous, il est indispensable de définir et mettre en œuvre une politique de la nationalité, une stratégie d’intégration et du vivre ensemble au Luxembourg qui ne saurait se limiter à la propagation de la langue luxembourgeoise. D’une société multiculturelle, on doit évoluer vers un échange interculturel permanent. Il y va de notre cohésion sociale nationale.
La nouvelle législation sur la nationalité seule ne permettra que peu de progrès dans ce domaine. L’intérêt d’acquérir la nationalité luxembourgeoise, notamment pour participer pleinement aux choix politiques du pays, doit être suffisamment expliqué et entendu.
Mais comprenons-nous bien, pour être un citoyen dans ce pays, pour faire partie de la communauté nationale, il n’est pas indispensable de devenir Luxembourgeois. Heureusement, il existe la citoyenneté européenne qui confère certains droits importants, dont celui de participer aux élections européennes et communales au Luxembourg. Ce dernier droit a été élargi à tous les non-luxembourgeois résidant au Grand-Duché.
En fait, il suffit simplement de respecter, d’aimer ce pays et tous les gens qui ont décidé d’y vivre temporairement ou définitivement. Tout choix personnel est légitime.
Als partizipative Debattenzeitschrift und Diskussionsplattform, treten wir für den freien Zugang zu unseren Veröffentlichungen ein, sind jedoch als Verein ohne Gewinnzweck (ASBL) auf Unterstützung angewiesen.
Sie können uns auf direktem Wege eine kleine Spende über folgenden Code zukommen lassen, für größere Unterstützung, schauen Sie doch gerne in der passenden Rubrik vorbei. Wir freuen uns über Ihre Spende!
