La nouvelle discipline « Digital Sciences » et ses compétences dans l’enseignement secondaire luxembourgeois
L’humanité, à ce jour, se trouve confrontée à des défis et bouleversements écologiques, sociétaux et technologiques sans précédent. Les technologies et leurs principes d’automatisation font partie intégrante de nombreux domaines de l’activité humaine. Plus encore, l’innovation technologique devient elle-même un agent de transformation continue. L’éducation numérique, dont fait notamment partie la pensée informatique (computational thinking), touche à une panoplie de compétences multidimensionnelles et interdisciplinaires : elle permet aux apprenant-e-s de mieux cerner et affronter ces changements, et donc de proposer en définitive des solutions adaptées et innovatrices.
Dans cet ordre d’idées, l’éducation numérique et médiatique offre à tous les jeunes la possibilité d’acquérir et de développer de manière responsable à la fois leurs compétences et connaissances ainsi que leurs aptitudes, attitudes et valeurs. Tous ces efforts, qu’ils aient lieu dans le cadre d’une discipline précise ou dans un contexte transdisciplinaire, leur permettront de devenir des utilisateurs et utilisatrices ainsi que des créateurs et créatrices averti·-e-s et responsables. Dans ce sens, la lutte contre les inégalités à l’accès au numérique, à sa constitution, au savoir et au pouvoir attenants permet de parer à toute fracture numérique, synonyme d’injustices sociales.
Le cadre national pour l’éducation aux et par les médias (Medienkompass) situe le Luxembourg par rapport à la vision européenne sur la digitalisation, qui est illustrée dans le document DigComp 2.1, et définit les compétences numériques à développer, l’une d’entre elles étant le coding (figure). Plus encore, dans le monde de l’éducation, les quatre grandes compétences en matière d’apprentissage et d’innovation, dites 4C – créativité, coopération, communication et pensée critique –, sont retenues. Le modèle luxembourgeois se définit donc par cinq compétences clés, les 5C (5K en luxembourgeois) : la pensée critique, la créativité, la communication, la collaboration et le coding. Elles visent à renforcer les compétences du XXIe siècle dans les écoles, les structures d’éducation et d’accueil pour enfants et constituent le fondement sur lequel les démarches du ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse sont réalisées.
L’introduction du coding dans le cours de mathématiques de toutes les classes de l’enseignement fondamental du cycle 4.1, puis sa généralisation transversale dans les cycles 1 à 3, toutes disciplines confondues, créent la base pour le développement des compétences telles que la pensée algorithmique, la capacité d’abstraction ou encore la pensée analytique.
Avec la nouvelle discipline « Digital Sciences », l’enseignement luxembourgeois propose une éducation complète, adaptée à son temps, alliant les compétences en matière d’apprentissage et d’innovation (pensée critique et résolution de problèmes, communication et collaboration, créativité et innovation) aux compétences en matière de littératie numérique, comme la maîtrise de l’information (littératie informationnelle), la maîtrise des médias (littératie des médias) et la maîtrise des technologies de l’information et de la communication (TIC, littératie technologique).
L’objectif principal de la nouvelle branche « Digital Sciences » est de soutenir les jeunes dans leur construction identitaire personnelle et professionnelle, pour en faire des acteurs et actrices ainsi que des auteur·es averti·es, critiques et responsables dans un monde numérique grandissant. Cet objectif se reflète dans les compétences clés et/ou transversales que la nouvelle branche s’engage à viser. Les compétences constituent donc le cadre de référence et un outil pour élaborer des programmes disciplinaires ainsi que les finalités d’un parcours d’apprentissage. Les compétences clés1 se présentent comme suit :
La compétence en matière de multi-littératie
Le jeune, en tant que sujet, utilise efficacement les connaissances et les outils issus des domaines de la culture générale, de la numératie et de la culture numérique. Cette acquisition implique une utilisation compétente du langage, des opérations mathématiques, des technologies numériques et des médias par l’individu afin d’interagir de manière constructive avec son environnement, et ce, pour
- savoir aborder et résoudre des problèmes et défis ;
- avoir accès aux connaissances et à leur partage ;
- développer et exploiter son potentiel et
- participer pleinement à la vie de la communauté et de la société.
La compétence de soi
Le jeune apprend à réguler de manière autonome et responsable ses propres comportements, actions et choix en fonction des exigences d’une situation donnée. La compétence de soi implique d’ailleurs des capacités métacognitives qui permettent à l’apprenant·e d’analyser les situations de manière pertinente et de prendre des décisions en connaissance de cause, y compris la capacité de formuler et de poursuivre des projets personnels (en tenant compte de son bien-être physique, psychologique et émotionnel) dans un rapport à autrui et à l’environnement sociopolitique. Elle présuppose la conscience de ses propres droits, de ses responsabilités et limites. Elle englobe aussi la résilience, l’adaptabilité et la capacité à se motiver.
La compétence sociale
Le jeune interagit de manière responsable avec son environnement social et naturel. La compétence sociale implique la capacité à établir des relations et à collaborer avec autrui, ainsi que la capacité à négocier et à résoudre les conflits. Elle présuppose un état d’esprit éthique et des actions et comportements respectueux et responsables envers les autres et l’environnement naturel.
La compétence réflexive
Le jeune prend des décisions et génère des opérations cognitives appropriées et efficaces pour faire face à une situation, résoudre un problème ou faire des choix. Cela implique un répertoire actif et dynamique de différentes capacités de réflexion, d’approches et de stratégies. De plus, cette compétence fait référence à la capacité de réflexion à évaluer l’efficacité des résultats ainsi qu’à la flexibilité d’envisager avec sérénité des alternatives face à des ambiguïtés ou des incertitudes.
La compétence transformatrice
Le jeune active et utilise son propre répertoire cognitif et non cognitif ainsi que des ressources externes (matérielles et immatérielles), afin d’évaluer des situations, de participer activement, de manière responsable, voire de manière innovante et créative à la vie en communauté et d’apporter ainsi une contribution durable au développement de la société.
Initier, développer et approfondir ces compétences implique que le jeune mette en relation les domaines de connaissance et les disciplines d’un côté ainsi que la communauté et le monde réel de l’autre (system thinking). Dans notre monde numérique, les machines occupent une place considérable et ont un impact sur la vie quotidienne, le plus souvent de manière invisible. Recentrer le sujet sur l’humain est une mission morale de l’enseignement : le monde numérique, ses machines, ses fonctionnements doivent être au service de l’être humain, et non l’inverse.
Pour cette raison, l’approche des « Digital Sciences » se veut pluridisciplinaire, elle implique une part active de l’élève et est axée sur trois champs de compétences traités à parts égales : le savoir (connaissances), le savoir-faire (techniques) et le savoir-être (morale et éthique). La discipline se fonde sur six grands axes thématiques et pose les questions directrices suivantes :
- Mon monde numérique et moi ! Comment communiquons-nous avec les machines ? Se parlent-elles entre elles ou parlent-elles de nous ? Avons-nous du pouvoir sur elles ou sommes-nous à leur merci ?
- Le world wide web, sa Toile et moi ! Comment fonctionne le réseau(tage) informatique ? A-t-il une influence sur nous ? Quelles sont nos responsabilités et lignes éthiques ? Quelles règles régissent Internet, les réseaux sociaux et les jeux en ligne ? Comment dois-je me protéger ?
- Do you speak informatique ? Ma langue, leur langue ! Qu’est-ce que c’est que l’informatique ? Comment fonctionne sa pensée ? Que fait-elle de nos données ? Et nous, que devons-nous faire de toutes ces données ?
- Le jeu, analogue ou numérique, en solitaire ou ensemble, tout un programme ! Comment fonctionne un jeu ? Quel est son rapport à l’informatique et à la pensée computationnelle ? Les jeux, c’est nous qui les jouons ou jouent-ils avec nous ?
- Le robot, partenaire pour le meilleur et le pire ? Qu’est-ce que c’est qu’un robot et à quoi sert-il ? Qu’est-ce qui nous différencie de lui ? A quoi peut-il nous servir ? De l’humain ou du robot, qui est le plus intelligent, le plus fort, le plus dangereux ?
- Une machine plus rusée que moi, cela existe ? C’est quoi, l’intelligence artificielle ? Comment fonctionne-t-elle ? A quoi et à qui sert-elle ? En quoi se différencie-t-elle de la nôtre ? Sommes-nous ses marionnettes ou ses créateurs ?
Fort·es de ces compétences autour de ces grands sujets contemporains, les apprenant·es d’aujourd’hui seront armé·es pour développer les compétences de la vie courante et en matière de carrière professionnelle, celles nécessaires à leur vie adulte de citoyen·nes éclairé·es de demain.
Pour garantir la pertinence des contenus et relever avec confiance le défi de cet enjeu, le développement des « Digital Sciences » est réalisé en étroite collaboration avec des partenaires de l’Education nationale, à savoir le collège des directeurs et les commissions nationales de l’enseignement secondaire général et classique. L’implémentation, quant à elle, est soutenue par des partenaires ayant déjà acquis une expertise sur le terrain du numérique et qui sont indispensables pour le développement professionnel des enseignant·es, notamment l’Institut de formation de l’Education nationale (IFEN) et le Centre de gestion informatique de l’éducation (CGIE), le Zentrum fir politesch Bildung (ZpB), l’Université du Luxembourg et l’équipe Bee Secure du Service national de la jeunesse (SNJ).
La nécessité d’agir ensemble aujourd’hui pour relever les défis de demain est une priorité dans le monde de l’éducation. Les moments de transition que nous vivons sont les symptômes d’un réel changement, seule chose immuable et que l’on ne peut pas ignorer. La révolution numérique y ajoute une vitesse exponentielle, d’où l’urgence d’embrasser, de manière posée et réfléchie, son enjeu dans l’institution scolaire, de mesurer sciemment les chances et les défis pour la société actuelle et future, mais surtout de considérer les avancées technologiques au service de l’humain – et non l’inverse. Aborder ces nouvelles sciences avec conscience pour combattre l’inconscience et l’ignorance, source d’inégalités et d’injustices en tout genre, voilà la mission prioritaire de la nouvelle branche « Digital Sciences ».
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