Depuis 2008, «Donostia-San Sebastian, Capitale européenne de la culture 2016» n’a pas croisé les bras pour mettre sur pied un projet culturel participatif et authentique qui s’insère dans une approche durable. Qu’est-ce qui en reste en 2016, année fatidique et année de faste?
Pour situer l’approche subjective de cette contribution au dossier de forum: L’expérience exemplaire de capitale européenne de la culture par Donostia-San Sebastian n’est pas anecdotique. Elle peut servir d’inspiration pour une approche participative – pourquoi pas chez nous? –, mais également pour montrer moult velléités que même le meilleur projet du monde risque de rencontrer dans sa phase de réalisation.
Le chemin est la destination
À partir de 2008, et jusqu’en 2010, j’ai été sollicité, dans ma qualité d’ancien directeur d’une Capitale culturelle, par la coordination de Donostia-San Sebastian, pour donner quelques menus conseils en vue de la présentation du dossier de candidature. J’ai donc été sur place plusieurs fois. Ce n’est cependant pas grâce aux conseils d’une capitale révolue que le projet DSS2016 a finalement gagné la course devant 15 villes concurrentes, mais bien à cause de l’audace de son approche honnête et démocratique.
En effet, le dossier de candidature avait ouvertement mis le doigt sur le contexte du terrorisme qui avait déchiré la ville, jusqu’au sein même des communautés, pendant la période de plomb autour des activités de l’ETA. Le jury avait été séduit par cette mise à nu des difficultés et des défis de la ville, au grand dam de ses concurrentes qui sont même allés devant les tribunaux pour effacer la honte de voir une ville basque devenir capitale «espagnole» de la culture européenne. Entretemps, l’ETA a baissé les armes, et le leitmotiv de DSS2016 a dès lors basculé de «Cultura por la paz» vers le non moins essentiel «Cultura para convivir».
Retrouvailles à la plage
Maintenant, en janvier 2016, j’ai de la peine à renouer le contact après des années de silence où j’ai pu observer dans la presse les hauts et bas de l’évolution de la «Capitalidad» depuis 2010. En effet, non seulement l’équipe administrative et artistique a changé plusieurs fois, mais Donostia en est maintenant à sa troisième équipe politique pour faire avancer le projet. Juste avant l’échéance fatale, le maire socialiste, moteur du projet, avait été évincé par un nationaliste de gauche de Bildu (anciennement Herri Batasuna). Celui-ci n’a pas désavoué le projet, mais ne faisait pas non plus preuve d’un excès de zèle, si ce n’était pour des projets affichant des aspirations linguistiques et nationalistes. Jusqu’à l’avènement récent du troisième bourgmestre, du parti nationaliste modéré PNV, la coordination était donc soumise à moult pressions politiques et économiques. Pressions qui ont notamment amené à ce que le budget initial de 80 millions soit grignoté à moins de 49, la part de la Ville se limitant à 26,2%.
Par ailleurs, DSS2016 a connu pas moins de trois personnes coordonnatrices successives et autant de responsables artistiques remplacé-e-s. Autant dire que la continuité dans le processus, au niveau administratif et sur le plan artistique, n’était pas à la hauteur de la qualité de la candidature ni des ambitions affichées.
Nonobstant ces changements, le résultat, que l’on peut consulter sur le site www. dss2016.eu sous forme de deux brochures basque/castillan, respectivement français/ anglais, montre que le projet a réussi à garder son esprit participatif et citoyen particulier. Moins de grosses expositions ou de festivals spectaculaires, mis à part ceux qui existaient déjà, par contre un pullulement d’activités d’ateliers, de projets créatifs, d’initiatives de quartier ou émanant de groupes de citoyens. Une ambiance bonne enfant, mais aussi très sérieuse de questionnement des défis sociaux et identitaires de la ville. Ce qui n’a pas manqué d’amener le quotidien global El Pais à s’interroger sur «San Sebastian, Capital ¿Cultural?», en mettant la dimension culturelle entre les fameux doubles points d’interrogation de la langue de Cervantès.
Si la partie nocturne de l’ouverture officielle du 23 janvier s’est quelque peu enlisée dans des artifices techniques à la «Fura dels Baus» négligeant une narration cohérente du propos citoyen, l’ouverture «populaire» à l’heure de midi a montré, surtout au visiteur luxembourgeois connaissant la difficulté à faire sortir ici des bourgeois de Luxe de leurs fauteuils, le potentiel mobilisateur d’une communauté vouée à des activités collectives. Pas moins de 6500 citoyennes et citoyens de tous âgés munis de tambours de tout gabarit, rassemblés à marée basse sur la plage, faisaient vibrer la fameuse baie de la Contxa d’un feu d’artifice sonore inimitable.
Jurys populaires et une culture par tous
Curieux de revenir sur les premiers pas d’une Capitale qui m’a plus appris qu’un coordinateur n’ait pu leur apporter, j’ai donc finalement réussi à sortir avec une responsable pour un déjeuner de « pintxos » extraterrestres – rappelons en passant que Donostia est la capitale gastronomique du monde et cette discipline socio- culturelle est au cœur de toute activité publique dans la ville. Enara Garcia, la responsable pour la participation citoyenne et ressortissante basque, avait été appelée de sa crèche à Luxembourg-Merl, où elle travaillait depuis quelques années, pour rejoindre l’équipe de la Capitale culturelle et reprendre le flambeau du créneau
«Olas de energia» ou de l’élan aux projets citoyens. Autant dire qu’elle se prêtait bien pour donner moult conseils aux forces vives intéressées dans le cadre de l’édition 2022 au Luxembourg, avis aux amateurs!
La nouvelle responsable participation et son équipe n’ont pas hésité à faire évoluer l’approche citoyenne vers des formes de participation qui peuvent paraître intrépides aux yeux de professionnels de la culture. Ainsi, un échantillon représentatif de la population de la ville a reçu un courrier personnalisé du maire les invitant à rejoindre un jury censé évaluer des projets citoyens qui peuvent encore être remis tous les mois pour s’insérer dans la programmation officielle. Ce sont autant des projets à forte connotation socioculturelle de collectifs citoyens que des propositions artistiques émergentes que ces jurys civiques devront évaluer. Les petits projets peuvent bénéficier d’un apport de 2016€, mais des initiatives plus importantes pourront s’attendre à 20160€. Enara assure que cette approche semble avoir réussi à faire descendre la culture de son piédestal pour la mettre au centre des préoccupations civiques. Pas moins de 7% des personnes interpellées se sont physiquement déplacées, souvent d’un air incrédule, pour rejoindre un des jurys. Qui finalement se sont avérés plus sévères en matière de gestion des projets que maint jury professionnel, ramenant les propos artistiques vers le souci de bonne gestion des deniers publics souvent au centre des «cafés du commerce» râleurs ou des «Wutbürger» destructeurs. Une façon osée, mais prometteuse de remettre la culture au cœur de la citoyenneté et un exemple parmi d’autres à suivre.
Enfin, pour finir sur une note luxembourgeoise: Non seulement la responsable participative a un background chez nous, mais c’est également vrai des auteurs du seul guide en allemand, et bientôt en anglais, sur cette ville incroyable qu’est
Donostia-San Sebastian. En effet, le duo bien établi de Susanne Jaspers et Georges Hausemer vient de publier avec Donostia / San Sebastian, die glücklichste Stadt der Welt, paru chez Capybara Books, la meilleure invitation imaginable à découvrir une ville au passé souvent tragique, mais qui peut espérer un avenir plus radieux, où la Capitale européenne de la culture 2022 est une échéance importante, même si ce n’est qu’une étape parmi d’autres.
Als partizipative Debattenzeitschrift und Diskussionsplattform, treten wir für den freien Zugang zu unseren Veröffentlichungen ein, sind jedoch als Verein ohne Gewinnzweck (ASBL) auf Unterstützung angewiesen.
Sie können uns auf direktem Wege eine kleine Spende über folgenden Code zukommen lassen, für größere Unterstützung, schauen Sie doch gerne in der passenden Rubrik vorbei. Wir freuen uns über Ihre Spende!
