Les conseils supérieurs
Des instruments de dialogue efficaces entre le gouvernement et la société civile ?
Le législateur a mis en place un certain nombre de conseils supérieurs (CS). Citons à titre d’exemple le CS de l’éducation nationale, le CS de la statistique, le CS pour un développement durable, le CS des personnes handicapées, le CS de la jeunesse, le CS des personnes âgées, le CS de la protection de la nature, le CS de la chasse, le CS de la pêche, le CS de l’aménagement du territoire, etc. Le Conseil économique et social occupe une place particulière parmi ces conseils, étant donné qu’il est doté d’infrastructures propres et d’une équipe de fonctionnaires et employés d’État à sa disposition.
Si tous les CS doivent faciliter le dialogue entre le gouvernement, respectivement le ministre compétent, ou le législateur d’une part et la partie de la société civile concernée d’autre part, leur composition, leurs missions et leurs modes de fonctionnement diffèrent largement. À l’instar du Conseil économique et social, la majorité des CS est composée de représentants d’organismes ou d’associations compétents
dans le domaine en question et les membres ont généralement un suppléant qui les remplace en cas de non disponibilité. Il n’en est pas de même pour le Conseil supérieur pour un développement durable
(CSDD). Le CSDD est composé de 15 personnalités issues des divers secteurs de la société luxembourgeoise, choisies en référence de leurs connaissances, de leur compétence et de leur engagement dans la société (art.1 du règlement grandducal du 14 juillet 2005). Ces personnalités
ne sont donc pas membres du CSDD en tant que représentants d’une organisation ou association, mais en tant que personnes privées. Ils doivent agir en toute indépendance et il n’y a pas de membre avec un mandat politique national.
L’avantage de cette composition réside dans le fait que les membres n’ont pas à recourir à des organismes qui les auraient désignés, mais peuvent exprimer en toute liberté leur propre opinion. Ceci donne une plus grande flexibilité à ce conseil et permet de réagir rapidement à des demandes éventuelles. Par contre, les membres du CSDD n’ont pas l’appui d’une organisation et n’ont pas de comptes à rendre quant à leur engagement et leurs interventions. De plus, ils ne peuvent pas se faire remplacer par un suppléant car ceci pourrait favoriser un certain absentéisme et entraver le bon
fonctionnement du conseil.
Les missions et le fonctionnement du CSDD
Si les tâches des CS diffèrent sur certains points, quelques-uns ayant même un rôle juridique, ils peuvent tous être saisis par le gouvernement pour donner un avis concernant des projets de loi ou s’autosaisir
s’ils le jugent opportun. Les missions du CSDD sont définies par l’article 4 de la loi du 25 juin 2004. Le CSDD agira en tant que forum de discussion sur le développement durable : il proposera des recherches
et études dans tous les domaines ayant trait au développement durable et établira des liens avec les comités comparables des pays membres de l’Union européenne. Afin de réaliser ces objectifs, il suscitera la participation la plus large des organismes publics et privés ainsi que celle des citoyens. Enfin, il émettra des avis sur toutes mesures relatives à la politique nationale de développement durable prises ou envisagées par le gouvernement, notamment sur le plan national, mais aussi concernant les engagements internationaux du Luxembourg. Vu la grande diversité des travaux, nous distinguons
entre les réponses à des demandes de l’État et les initiatives propres du CSDD. Les premières peuvent prendre la forme de propositions, d’avis ou de recherches. Ainsi, le CSDD a fait des propositions en vue de la position luxembourgeoise à la conférence « Rio +20 », a participé à l’élaboration d’un avis sur la mesure de l’indicateur de bien-être et a évalué des programmes et politiques publiques. En termes d’initiatives propres, le CSDD a adopté, entre autres, une prise de position sur le programme gouvernemental de 2013, a participé au projet de recherche «Nachhaltigkeitscheck», a fait réaliser par TNS Ilres une enquête publique sur la perception du développement durable et a aussi lancé l’appel à projets « Yes we care ! »1. Le CSDD se réunit en moyenne toutes les six semaines en assemblée plénière et en vue de mieux remplir ses missions, il a décidé d’organiser ses travaux dans le cadre de groupes de travail. Il s’est doté d’un bureau, constitué du président et deux vice-présidents, chargé de représenter
le CSDD dans le public. Le secrétariat est assuré par des fonctionnaires du Département de l’environnement du ministère du Développement durable et des Infrastructures.
Outre les activités citées, le CSDD a organisé des conférences publiques comme par exemple celle concernant les coopératives de logement, suivie d’une table ronde en présence du ministre des Affaires sociales et de la représentante de la ministre du Logement. L’écho de la presse et la participation du public aux activités proposées par le CSDD sont chaque fois très encourageants. Des échanges réguliers ont lieu entre le CSDD et ses ministres de tutelle et en général, les autres membres du gouvernement
répondent positivement aux invitations du CSDD. Cependant, il est rare que le gouvernement ou le législateur lui demande un avis ou une prise de position. Il semble ignorer que le développement
durable ne se réduit pas aux seuls aspects environnementaux, mais englobe à la fois les composantes écologiques, économiques et sociales du développement.
Les CS au service d’un dialogue entre l’État et la société civile ?
L’idée qui est à la base de tous les CS, c’est-à-dire établir un lien entre le gouvernement, respectivement le législateur, et la société civile, est tout à fait pertinente. Or, sont-ils les instruments adéquats pour remplir cette fonction ? Tout d’abord, les instances législatives et exécutives doivent se souvenir qu’ils ont créé ces conseils pour, comme le nom le laisse entendre, donner des conseils en amont des prises de décision. Très souvent, les ministères ou les députés oublient de consulter les CS ou ignorent leurs prises
de position. D’un autre côté, les CS ont la possibilité de s’autosaisir, mais pour cela ils doivent être informés à un stade assez précoce du processus législatif.
Certains CS, comme le CSDD, ont pris l’habitude d’analyser des problématiques pertinentes, même si aucun processus législatif n’est en cours dans ce domaine. Je pense que, d’une part, l’État devrait avoir
plus souvent recours aux CS et réagir à leurs avis. D’autre part, les CS devraient utiliser plus souvent leur droit d’autosaisine. Les CS pourraient même aller plus loin et jouer le rôle d’une vraie interface entre l’État et la société civile. Ainsi, ils peuvent non seulement sensibiliser le public à des questions relatives à la politique en question, mais aussi donner au public l’occasion de s’exprimer, formuler son avis et de participer de cette manière au processus de prise de conscience et de développement.
Depuis deux ans, le CSDD mène un travail de réflexion et d’analyse d’envergure sur l’avenir de l’enseignement et de l’apprentissage au regard des enjeux de durabilité, des évolutions sociales et technologiques, ainsi que des changements de compétences requises par le marché du travail luxembourgeois. Les scénarios élaborés ont été présentés aux ministres de l’Éducation nationale, du Développement durable et de l’Environnement et des ateliers de travail seront organisés avec les syndicats et autres organismes compétents ainsi qu’avec des écoles. Cet exemple montre qu’il est possible que les CS organisent des « think tank » pour élaborer des propositions cohérentes concernant l’organisation de l’avenir du pays. Ils peuvent donc être des instruments efficaces de dialogue entre la société civile et l’État à condition que celui-ci les consulte et prenne au sérieux leurs démarches et prises de position et que les CS sortent de leur tour d’ivoire et utilisent toute l’ampleur de leurs champs d’action. À ces fins, ils doivent évidemment disposer des ressources humaines et matérielles adéquates.
1 Les avis et prises de position peuvent être consultés sur le site du CSDD : www.csdd.public.lu
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