Les élections communales du 11 juin 2023
Les enjeux des inscriptions sur les listes électorales
Les prochaines élections communales se dérouleront le 11 juin 2023. Ces élections, qui d’habitude ont lieu le deuxième dimanche du mois d’octobre, ont été avancées au mois de juin en raison des élections législatives, dont la date tombe le dimanche 8 octobre 2023.
Les élections communales ont ceci de particulier que les étrangers qui vivent au Luxembourg peuvent participer aussi bien au vote actif (le fait de voter) qu’au vote passif (se porter candidat).
Un bref rappel s’impose ici. Le traité de Maastricht, qui avait pour ambition la mise en place d’une citoyenneté européenne, a instauré le droit de vote aux élections européennes et communales pour les étrangers issus de l’Union européenne. Ainsi, aux élections communales de 1994 et de 1999, les étrangers communautaires avaient la possibilité d’y participer, sous condition de durée de résidence et sur base d’une démarche d’inscription préalable sur les listes électorales auprès de la commune de résidence. En plus de ces deux conditions, les personnes de nationalité étrangère souhaitant voter aux élections communales devaient respecter une date limite pour s’inscrire sur les listes. L’ensemble de ces trois conditions va évoluer au fil des élections : élargissement du droit de vote actif et passif pour les non-communautaires aux élections communales de 2005, réduction de la date limite des inscriptions passant de 18 mois à 87 jours aux élections communales de 2011 et à 55 jours pour les élections communales de 2023, et, enfin, suppression de la condition de durée de résidence également aux prochaines élections de 20231.
Le traité de Maastricht a instauré le droit de vote aux élections européennes et communales pour les étrangers issus de l’UE.
Ainsi, les étrangers qui souhaitent voter aux élections communales du 11 juin 2023 doivent s’inscrire sur les listes électorales avant le 17 avril à 17 heures, soit 55 jours avant l’échéance électorale, et ils ne doivent plus justifier d’une période de résidence donnée. Evidemment, au même titre que les Luxembourgeois, toutes les personnes doivent être majeures le jour des élections, raison pour laquelle un mineur étranger peut s’inscrire sur les listes électorales à condition d’atteindre sa majorité le jour des élections.
Quelle est la situation actuelle ?
Depuis les élections communales de 1999, l’ASBL Centre d’étude et de formation interculturelles et sociales (CEFIS) suit de près la participation électorale des étrangers, aussi bien comme électeur que comme candidat (dans les pages qui vont suivre, nous parlerons uniquement des électeurs).
Que nous apprend le graphique 1 (voir page suivante)? Rappelons d’abord qu’une fois inscrit sur les listes électorales, un citoyen de nationalité étrangère le reste et n’a plus besoin de se réinscrire pour les élections suivantes. Ensuite, un étranger qui devient Luxembourgeois n’est plus considéré comme électeur étranger, il y a un transfert de liste et il devient un électeur luxembourgeois. Ce point a son importance, car lorsque nous avions effectué un bilan des inscriptions un an avant les élections communales de 2017, il était apparu que le nombre d’inscrits avait considérablement baissé, dû entre autres à des transferts de liste du fait de l’acquisition de la nationalité luxembourgeoise, mais aussi des départs du pays, etc. Ainsi, ce qui apparaît comme une courbe en constante augmentation ressemble plus à une montagne russe avec, d’un côté, des montées lorsqu’il y a des enjeux électoraux et une campagne d’information et de sensibilisation lors de laquelle les étrangers s’inscrivent effectivement sur les listes électorales (soit environ 6 mois avant des élections) et, de l’autre, des baisses tout aussi importantes qui correspondent à des périodes électoralement creuses, où les gens ne s’inscrivent pas, acquièrent la nationalité luxembourgeoise, déménagent, etc. (soit un peu plus de 5 ans).
Ainsi, au dernier comptage réalisé au 31 octobre 2022, nous avons 27 661 personnes de nationalité étrangère inscrites sur les listes électorales communales, sur un total de 255 232 étrangers ayant 18 ans le jour des élections, soit un taux d’inscription de 11 %.
1. Evolution du taux d’inscription

Que signifie le taux d’inscription ?
Comme le montre le graphique 2 ci-contre, il y a 27 266 personnes inscrites et 227 966 personnes non inscrites, soit des électeurs potentiels qui pourraient s’inscrire sur les listes. Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi supprimant la condition de durée de résidence qui était de 5 ans, on se retrouve avec un « nouveau » public : les électeurs potentiels ayant moins de 5 ans de résidence dans le pays, soit près d’un tiers des électeurs non inscrits (68 107) qui auparavant ne figuraient pas dans nos statistiques, faisant ainsi chuter le taux d’inscription à 11 %, alors que ce même taux d’inscription, calculé sur base des électeurs ayant plus de 5 ans de résidence, serait de 17 %.
2. Composition de l’électorat étranger au 31 octobre 2022

Mais au-delà des statistiques, il y a un enjeu de taille : informer et sensibiliser les nouveaux arrivants, ces mêmes 30 % qui sont au Grand-Duché depuis moins de 5 ans, public particulièrement difficile à toucher.
En effet, parmi les facteurs discriminants à l’inscription sur les listes électorales, la durée de résidence est particulièrement déterminante.
3. Taux d’inscription selon la durée de résidence dans la commune au 31 octobre 2022

Il est intéressant d’observer dans le graphique 3 que les personnes qui vivent depuis moins de 10 ans dans leur commune ont un taux d’inscription en dessous de la moyenne du pays, et c’est encore plus vrai pour les moins de 5 ans qui ont un taux très faible de 3,1 %. A l’inverse, ce taux est supérieur à la moyenne au-delà de 10 ans de résidence, allant même jusqu’à plus de 30 % pour les résidents qui vivent depuis plus de 20 ans dans la commune.
Un autre facteur discriminant, certainement lié à la condition de résidence, est l’âge des personnes. Comme le montre le graphique 4, on peut même parler d’une rupture, tant l’écart entre les moins de 35 ans et les plus de 55 ans est important.
4. Taux d’inscription selon l’âge au 31 octobre 2022

Dans la tranche d’âge des 18-35 ans, le taux d’inscription est de 1,1 %, ce qui signifie que nous avons 820 inscrits sur 77 362 personnes, soit un potentiel de 76 542 personnes de moins de 35 ans qui pourraient encore s’inscrire sur les listes. Dans la mesure où l’on observe ce décalage depuis plusieurs années, on peut dire qu’il y a là un effet d’âge : celui de l’installation dans la vie active, entre la fin des études et les premiers emplois, des premières installations et des premiers déménagements dans une commune.
Il existe d’autres facteurs discriminants à la participation politique, notamment les facteurs socioéconomiques2, où l’on sait que les catégories populaires votent moins que les catégories moyennes et supérieures. Nous ne disposons cependant pas de ce type d’information en ce qui concerne l’inscription sur les listes électorales.
Comment accroître la participation électorale ?
Avant de s’interroger sur la façon d’accroître le taux d’inscription, il faudrait d’abord se poser la question du pourquoi. En effet, question légitime au sujet de laquelle on nous interpelle parfois : pourquoi est-il important d’informer, de sensibiliser et, à terme, d’augmenter le taux d’inscription ? Plusieurs réponses à cela, dont la plus importante relève du bon fonctionnement de notre démocratie, car la participation du plus grand nombre aux élections constitue la base même de toute démocratie représentative et elle renforce surtout la légitimité des élus. Car il s’agit aussi de donner au paysage politique la chance de représenter tous les citoyens résidents, pas seulement une partie de la population.
Par ailleurs, le Luxembourg ne connaît ni provinces ni départements, la commune étant la seule application du principe de décentralisation territoriale. Ainsi, les communes disposent d’une large autonomie et ont le pouvoir de gérer le territoire et les intérêts communaux. Elles disposent de moyens importants et ont des compétences obligatoires comme les transports en commun, la gestion des déchets, les crèches et l’encadrement périscolaire, le logement, les taxes et subsides, etc., ainsi que des compétences facultatives comme les infrastructures sportives et culturelles, les maisons des jeunes et les installations pour les personnes âgées, les subsides aux associations et les subsides scolaires, les initiatives écologiques, les cours de langue, etc. La liste n’est pas exhaustive et un simple regard sur le site Internet des communes permet de découvrir les multiples domaines dans lesquels elles investissent.

Pour conclure, comment accroître le taux d’inscription, qui reste faible avec 10,8 % ? D’abord, c’est une question qui concerne tous les acteurs du monde politique, économique, social et culturel. Si le ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région a mis en place une campagne « jepeuxvoter.lu », cela ne dispense pas les autres acteurs de prendre part à la campagne. Les autres ministères, sans empiéter sur la campagne officielle du ministère de la Famille certes, peuvent la soutenir et la relayer. Ensuite, les syndicats et les chambres professionnelles, salariales et patronales ont aussi un rôle à jouer, de même que les communes et leurs commissions consultatives. Idem pour le monde associatif, toutes les associations, sportives ou culturelles, et pas seulement les associations d’étrangers. Enfin, les partis politiques ont un rôle d’exemplarité important, en incitant les personnes à s’inscrire sur les listes électorales. Il s’agit également d’ouvrir les listes des candidats à plus de diversité : des étrangers, des jeunes, des femmes notamment.
De nombreuses actions avaient été mises en place aux élections communales de 2017, actions qui avaient porté leur fruit : site Internet dévolu aux élections, jeux didactiques, soirées d’information, lettres personnalisées, formations des multiplicateurs, etc. Il s’agit de reconduire les actions qui ont bien fonctionné, les améliorer, les modifier et d’en imaginer d’autres.
1 Mémorial A, n° 394 du 25 juillet 2022.
2 Patrick LEHINGUE, Le vote, Approche sociologique de l’institution et des comportements électoraux, Paris, La Découverte, 2011.
Nénad Dubajic est chargé d’études au Centre d’étude et de formation interculturelles et sociales (CEFIS).
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