«Ce que nous vivons là est un moment historique. Il n’y a pas une ville au monde qui a osé faire ce que nous allons faire aujourd’hui»… L’appel à projets lancé le
3 novembre 2014 par Anne Hidalgo, maire de Paris, a certainement révolutionné la manière de penser la ville. 23 sites étaient proposés à l’imagination des professionnels et des citoyens pour les transformer et préfigurer ce que pourrait être la ville de demain. Il y avait de tout à «réinventer»: édifices protégés, friches industrielles, terrains vagues, gares désaffectées, bureaux et logements, franges de périphérique, bouts de trottoir… Il fallait certes répondre aux défis environnementaux auxquels les grandes métropoles sont confrontées et mettre de la verdure partout (verdure que réclament instamment les Parisiens) mais il fallait aussi repenser complètement les usages. Pas de cahiers des charges drastiques, juste l’exigence que chaque équipe rassemble des professionnels venus d’horizons divers pour «décloisonner les compétences». Rarement un concours d’architecture aura suscité autant d’engouement. 650 dossiers ont été soumis, fruits d’équipes pluralistes venues du monde entier, mêlant architectes, urbanistes, promoteurs, artistes, agriculteurs, anthropologues, chefs cuisiniers, start-up, designers, paysagistes et… riverains, habitants, associations… De vraies équipes pluridisciplinaires qui ont pu, ensemble, «réinventer» la manière de créer un projet urbain.
Sortir du cadre
Déjà dans sa conception, cet appel à projets adopte une approche radicalement nouvelle car il intègre deux univers: l’urbanisme et la construction, d’une part, et de l’autre, les besoins des usagers et la vie réelle. Approche nouvelle également dans la composition du jury: un panel international, comportant aussi des personnalités n’appartenant pas au monde de l’architecture (mathématicien, anthropologue, microbiologiste…). Et dans le choix des gagnants, non pas les promoteurs les plus offrants, mais les plus innovants. Et enfin, succès financier puisque Paris va encaisser 560 millions d‘euros pour des terrains pour certains difficiles à vendre. Le seul hic est de trouver comment rémunérer équitablement les équipes qui n’ont pas été sélectionnées et qui, si elles sont issues de petits bureaux, n’ont pas les reins aussi solides que les grands cabinets d’architecture habitués des concours.
Le résultat? Un foisonnement d’idées d’une incroyable diversité. Et de nombreuses innovations à bien des niveaux: innovations sociales, architecturales, constructives environnementales, juridiques, financières, d’usages… voilà de quoi servir d’exemples inspirants à beaucoup d’autres villes et donneurs d’ordre dans le monde. En vrac on trouve par exemple une ancienne gare transformée en site de production agricole et de restauration bio, le premier immeuble «nudge» qui aide ses habitants à accomplir de «bons» gestes, de l’habitat participatif, de la co-construction, des matériaux nettoyants, dépolluants, des tours végétalisées, des biofaçades, des briques de papier, des dalles actives, des fermes urbaines, un funérarium couplé à une plateforme de logistique urbaine, bien sûr des espaces de co-working, de co-living, de co-fooding, des home office, un camping urbain vertical, un immeuble planté de «mille arbres» qui enjambe le périphérique…
Cette opération d’aménagement et de communication absolument réussie fera date dans l’histoire de Paris. Elle a déjà eu deux suites. En mars 2016, «Réinventer la Seine»: 42 sites dont plans d’eau, ports, pont et tunnels pour inventer de nouvelles façons de vivre sur et au bord de l’eau, de Paris au Havre en passant par Rouen. Puis, le mois dernier, «Réinventer Paris II: les dessous de Paris» ou comment réinventer la ville souterraine.
Comment s’en inspirer?
Paris n’est pas Luxembourg et a une tout autre dimension, en tant que territoire mais aussi quant aux défis gigantesques auxquels elle doit faire face. Cependant, toute proportion gardée, la Ville de Luxembourg est confrontée à des questions cruciales pour son avenir et auxquelles elle n’apporte qu’une réponse qui parait bien tiède au vu de la situation. Croissance exponentielle du nombre d’habitants, manque criant de logements abordables, gentrification accélérée, destruction du patrimoine, asphyxie des voies d’accès et des principaux axes de circulation, pollution importante de l’air à certains endroits, mort du commerce dans le centre-ville n’en sont que quelques-unes. Mutiliplicity est certes une marque sympathique et inclusive, mais elle masque une gestion bien «bourgeoise», sans vision revendiquée ni véritable ambition. En tout cas, pas celle, par exemple, de faciliter un projet d’écoquartier comme Hollerich Village qui proposait d’opérer une transition à la fois urbanistique, énergétique et environnementale sur 4 ha d’anciens terrains industriels et ainsi inventer une nouvelle manière de vivre en ville. Au lieu de cela, on continue à voir fleurir des projets de promotion immobilière «classique» où la rentabilité prime mais dont la valeur ajoutée, pour la vie sociale et le rayonnement de la ville, est limitée. Même le projet sans voiture au Limpertsberg, apparemment novateur, se fera en fait au détriment des habitants de l’avenue Pasteur qui vont se retrouver avec une véritable muraille aveugle et très minérale devant le nez, le projet étant tourné vers l’intérieur, écrin de verdure pour ses seuls résidents.
Changer la manière dont se font les appels à projet publics pourrait être le moyen d’intégrer la créativité et la capacité d’invention du privé au vaste champ que constitue l’espace urbain. En cela l’exemple de Paris est particulièrement inspirant. Dans cette perspective, le projet Hamilius aurait pu déboucher sur quelque chose de plus intéressant pour le quartier si l’on avait adopté une démarche de co-conception avec les usagers de la ville. L’architecte et le promoteur ont conçu un projet somme toute assez classique qui, pour maximiser sa rentabilité, a finalement rétréci la place Aldringen, autrefois publique, mais aujourd’hui devenue propriété privée… Nouvelle approche certes, mais au bout du compte, au détriment du citoyen…
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