Lorsque la nouvelle est tombée que la rédaction de Charlie Hebdo avait été attaquée, j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait de petits cons qui voulaient se donner de l’importance en s’attaquant à une cible des intégristes. Puis les flashes sont tombés : 10 morts, 11, puis 12. C’était devenu une tragédie épouvantable et un crime sans nom et pourtant, aussi horrible que cela soit à dire, ces morts sont un moment restés pour moi des chiffres. Jusqu’à ce que les titres des journaux sur internet changent : « Cabu et Wolinski sont parmi les victimes ». Là, il y a eu un moment de flottement. Ces deux-là ne pouvaient pas mourir comme ça ! Au-delà du symbole de la liberté de la presse, Cabu et Wolinski étaient l’incarnation d’un état d’esprit. Même si Mai 68 est devenu pour certains un gros mot, c’est l’esprit de révolte et le désir de liberté de cette génération-là qui ont façonné la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Et que la plupart d’entre nous – du moins on ose l’espérer – ne voudraient pas voir disparaître.
Cabu était l’un des rares à être resté obstinément fidèle aux valeurs des années de contestation. Personne n’a jamais mis en doute son intégrité… ni son talent. Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle, disait-on (avant internet). Et un artiste qu’on assassine ? Ils ont en massacré non pas un mais cinq et tué au passage sept autres personnes qui avaient juste le malheur d’être là. Au nom d’un Dieu dont – si on part du principe qu’une telle entité existe – j’ai personnellement quelque mal à imaginer qu’il se préoccupe de ce qu’on mange, ce qu’on met sur la tête ou ce qu’on dessine. On pouvait ne pas être d’accord avec la manière de faire de Charlie Hebdo mais ils portaient haut le flambeau de l’impertinence et de la liberté de parole. En préférant mourir debout, comme disait Charb, ils ont montré où peuvent mener les petites concessions et lâchetés (comme de flouter la couverture de Charlie Hebdo, comme l’ont fait plusieurs organes de presse anglo-saxons le 7 janvier).
Maintenant, il s’agit de préserver cette liberté-là tout en refusant de jouer le jeu de la haine, comme le font déjà ceux qui, dans les commentaires sur le site RTL, appellent à la réintroduction de la peine de mort ou à aller à Dresde manifester avec Pegida. Car ce n’est pas ainsi qu’on sauvera la liberté que symbolisaient Cabu et les autres, mais c’est bien ainsi qu’on la tuera.
Viviane Thill,
au nom de la revue forum
Als partizipative Debattenzeitschrift und Diskussionsplattform, treten wir für den freien Zugang zu unseren Veröffentlichungen ein, sind jedoch als Verein ohne Gewinnzweck (ASBL) auf Unterstützung angewiesen.
Sie können uns auf direktem Wege eine kleine Spende über folgenden Code zukommen lassen, für größere Unterstützung, schauen Sie doch gerne in der passenden Rubrik vorbei. Wir freuen uns über Ihre Spende!
