Luxlait/LuxLeaks

Une critique de l’exposition Milk&Money (Rotondes)

 Luca Forgiarini[1]

La question du nation branding[2] est sans doute l’un des thèmes qui, au cours de la législature actuelle, a fait couler le plus d’encre dans la presse luxembourgeoise. En effet, il s’avère plutôt difficile pour un si petit pays, dont plus de 30% du PIB[3] se compose de revenus du secteur financier, de se défaire de l’image de paradis fiscal et de promouvoir une image de marque positive – n’oublions pas non plus l’affaire LuxLeaks.

C’est dans ce contexte que se place l’exposition Milk&Money, à voir aux Rotondes jusqu’au 28.08.2016. Celle-ci cherche à faire le lien entre les marques luxembourgeoises et le nation branding. Au travers de petites questions comme « Qu’est-ce qu’une marque ? » ou « À qui appartient la marque ? », le visiteur découvre l’importance de l’image de la marque et son impact sur le consommateur. Dans une autre section, la pratique du nation branding est prise à la loupe sans ménagement pour la campagne actuelle. Un petit côté humoristique est ajouté à l’ensemble par une liste de recherches Google à propos du Luxembourg, où l’on peut se demander si ce n’est pas cette liste qui a motivé la campagne « Is it true what they say about Luxembourg ? »

La majorité de l’espace est consacrée à l’évolution du design des grandes marques luxembourgeoises et leur rôle dans la construction d’une image nationale au cours du XXe et XXIe siècle. On y retrouve bien sûr les différents producteurs alimentaires (Luxlait, Diekirch, etc.), les compagnies aériennes (Luxair, Cargolux), les banques, mais aussi les producteurs de cigarettes, Post et les médias. Un petit espace est dédié à chaque entreprise et à ses produits, contenant quelques informations générales et des explications quant au design des produits. Quelques petits effets de surprise sont au menu lorsqu’on apprend par exemple que les cigarettes « Ducal » se vendent six fois plus en Afrique qu’au Grand-Duché ou que « Bofferding » se vend également en Chine sous le nom de « Bowding ». On constate vite qu’une majorité d’entre elles utilisent des symboles tels le lion rouge, les couleurs du drapeau national, la tradition ou encore des paroles évoquant la proximité au consommateur (p.ex. « Äert Liewen. Är Bank » (BCEE), « Sidd Léiw mateneen » (Simon), …). En d’autres termes, c’est l’identité « luxembourgeoise » qui est mise en avant. Ceci n’est pas vraiment surprenant si l’on considère qu’une grande partie de la production luxembourgeoise est destinée au marché national. On peut néanmoins se demander à quel point de telles images font écho chez les 47% de la population, qui ne sont pas luxembourgeois. Ici, on regrette un peu le côté unilatéral de l’exposition. Il aurait été tout aussi intéressant de connaître l’avis des consommateurs sur l’image des marques luxembourgeoises et l’importance qu’ils leurs attachent en rapport avec l’identité nationale.

© Mike Zenari
© Mike Zenari

Selon Simon Anholt, l’homme qui a inventé le terme de nation brand, un gouvernement n’est pas censé prendre des mesures dans le seul but d’améliorer l’image de marque de son pays. La création d’une image positive d’un pays se construit sur le long terme, en incluant les différents acteurs nationaux (marques, institutions culturelles, …) et en les incitant à agir de manière commune vers l’image désirée. L’exposition Milk&Money jette dans ce contexte un regard informatif et éducatif sur les marques luxembourgeoises et leur impact sur l’identité nationale dans une période où le pays se pose lui-même la question : Qui sommes nous ? Or, il est clair que cette question est bien plus complexe que l’ensemble des logos des produits luxembourgeois. Ironiquement, c’est le titre de l’exposition qui renvoie à une des dichotomies qui divisent la société au Luxembourg, mais qui n’est pas abordée. D’un côté, Milk fait référence à l’aspect rural et conservateur d’une majorité de la population luxembourgeoise (de souche) et le quasi-protectionnisme par rapport à certaines marques – pensez Luxlait, Diekirch, Bofferding, … D’un autre côté, Money rappelle l’aspect principalement financier de notre économie, centré sur la capitale, elle, beaucoup plus cosmopolite et ouverte.

[1] Luca a rédigé cette critique dans le cadre d’un stage au sein de forum.

[2] Il s’agit ici d’un processus de création d’une image de marque pour un pays à l’aide de méthodes de marketing.

[3] http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/luxembourg/presentation-du-luxembourg/

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