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Festival de Cannes – Jour 1 : Ceux qui fabriquent les films et ceux qui les vendent
Cannes, 17 mai 10h00
Le choix d’un film d’ouverture est un casse-tête pour tous les festivals de cinéma et celui de Cannes n’y échappe pas. On n’a pas tous les ans sous la main un nouvel opus de Woody Allen qui mettra tout le monde peu ou prou d’accord et assurera du glamour sur le tapis rouge. Pour le 70e anniversaire, le délégué général Thierry Frémaux a choisi de mettre à l’honneur un chouchou de la critique française, Arnaud Desplechin, dont le film „Les fantômes d’Ismaël“ parle – ça tombe bien – de cinéma!
Ca commence comme un film d’espionnage, ça continue comme un film d’amour, il y a du burlesque, du mélodrame et un soupçon de cinéma fantastique dans ce film-valise ou Desplechin accumule les références littéraires, cinématographiques, picturales et autobiographiques pour mieux perdre le spectateur dans son réjouissant dédale dont l’un des personnages s’appelle… Ivan Dedalus.
Dedalus, c’était aussi le nom du héros de „Ulysses“ de James Joyce. Un personnage féminin porte le nom de Carlotta Bloom: Bloom comme l’autre protagoniste de „Ulysses“ mais aussi réminiscence du „Vertigo“ de Hitchcock (Carlotta est le nom de la femme du portrait que Madeleine regarde dans „Vertigo“ comme Sylvia regarde le portrait de Carlotta dans „Les fantômes d’Ismaël“) qui apparaît comme une oeuvre-clé pour la compréhension de „Les fantômes d’Ismaël“. Mais Carlotta se fait aussi appeler Esther comme dans „Esther Kahn“ de… Desplechin. Dedalus était par ailleurs un des personnages du film précédent de Desplechin où il était joué par Mathieu Amalric. Ce denier reprend ici le nom d’Ismaël qu’il portait déjà dans „Rois et reine“, pour jouer un cinéaste qui pourrait être Desplechin… Ce jeu des renvois infins n’est nullement gratuit puisque Desplechin l’utilise pour une vibrante déclaration d’amour au cinéma et aux acteurs et actrices dont il multiplie les gros plans et les reflets dans les miroirs (ici, on pense plutôt à Truffaut). Le réalisateur Arnaud Desplechin qui préfère , comme son alter ego Ismaël – l’intitulé de „fabricant de films“, pousse le vice, pour mieux brouiller le jeu, jusqu’à sortir deux versions de son film, l’une de 1h54 présentée à Cannes (c’est apparemment aussi celle qui est montrée au Luxembourg à partir d’aujourdhui) et l’autre qu’on dit plus explicative (?!) de 2h10.
„Les fantômes d’Ismaël“ d’Arnaud Desplechin
Il y a des gens qui prennent le cinéma autrement plus au sérieux que les „fabricants de films“, ce sont ceux qui les vendent. La décision du festival d’exiger dorénavant, à la demande de l’association des exploitants français de cinéma, de tout film en compétition la garantie qu’il sortira dans les salles françaises, fait couler beaucoup d’encre au début de ce 70e festival. La règle ne sera active qu’à partir de 2018. La discussion a été lancée par la sélection cette année en compétition de deux films („Okja“ et „The Meyerowitz Stories“) produits ou distribués par Netflix qui refuse de les sortir en salle en France. Une sortie salle obligerait en effet Netflix à respecter ensuite la sacro-sainte „chronologie des médias“ française. Celle-ci, qui fait partie de ce que l’on appelle „l’exception française“, règle exactement les délais à respecter entre la sortie cinéma, les passages à la télévision, le dvd, la vod et la svod. Or, Netflix tient à garantir à ses abonnés l’accès immédiat à ses films. Un compromis pourrait être la sortie simultanée en salles et sur Netflix. Mais outre que cette solution risque de ne guère satisfaire les exploitants, Netflix refuse également – et c’est peut-être là la véritable pierre d’achoppement – de contribuer à la production française comme y sont obligés les diffuseurs traditionnels, et ne paie même pas de TVA en France. Pour l’instant, la discussion semble dans l’impasse.
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