Longtemps oubliées par l’histoire officielle, les femmes pionnières du cinéma refont surface. Dans un article de forum, j’ai rappelé la carrière de la Française Alice Guy qui fut non seulement la première femme productrice et réalisatrice au monde mais compte parmi les premiers producteurs et réalisateurs de cinéma tout court !
La recherche concernant le cinéma muet et plus encore les premières années du cinématographe jusqu’en 1920 s’apparente davantage aux fouilles archéologiques qu’à l’histoire proprement dite. La très grande majorité des films (qui ne comprenaient pas de générique à l’époque) ont disparu. On estime que 75% à 90% des films muets n’existent plus tandis que les sources écrites ou photographiques sont rares, peu organisées et doivent être péniblement inventoriées. De façon générale, mis à part quelques grands noms comme les frères Lumière, Méliès, D.W. Griffith, Cecil B. DeMille ou Chaplin, peu de cinéastes des toutes premières années sont restés dans les mémoires, les cinéphiles les plus assidus pouvant citer encore Ferdinand Zecca, Louis Feuillade, Victor Sjöström ou Giovanni Pastrone. On aura remarqué que ce sont tous des hommes…
Sur internet existe depuis 2013 le Women Film Pioneers Project (WFPP, créé en 1993) qui s’est donné comme mission d’encourager la recherche sur les femmes pionnières du cinéma. En juin 2017, il en recense dans le monde 234, toutes activités confondues, qui ont travaillé dans le cinéma avant l’arrivée du parlant. Il a été rejoint en 2007 par le site Women and Silent British Cinema (WSBC). Et puisque qui cherche trouve, on découvre de plus en plus de témoignages mais aussi des copies qu’on croyait perdues de films réalisés par des femmes dans les deux premières décennies du cinéma.
La réalisatrice la plus connue en-dehors d’Alice Guy est l’Américaine Loïs Weber qui, selon le site WFPP, aurait commencé à coréaliser des films avec son mari dès 1907. En 1914, elle est la première Américaine à tourner un long métrage (The Merchant of Venice). Loïs Weber, qui était également sa propre scénariste et a tourné beaucoup de films à contenu social, était considérée à l’époque comme l’égale de Griffith ou Cecil B. de Mille ! Elle devint aussi dès 1916 la seule femme membre de la ‘Motion Picture Directors Association’ (qui exista jusqu’en 1936) avant de créer en 1917 sa propre société de production. En 2011, le Eye Film Institute aux Pays-Bas a restauré son film Shoes (1916), visible sur le site European Film Gateway.
Loïs Weber
Mabel Normand, l’une des stars des ‘Keystone comedies’ réalisa elle-même un nombre indéterminé de ces courts métrages dont plusieurs interprétés par Chaplin. Les Américaines Helen Gardner, Ruth Ann Baldwin, Ida May Park, Ruth Stonehouse, l’Allemande Rosa Porten (sœur de l’actrice Henny Porten), la Française avant-gardiste Germaine Dulac (l’une des seules à avoir survécu dans les livres d’histoire) ou la Britannique Ethyle Batley sont d’autres exemples de femmes qui ont réalisé des films avant 1920. Mais à une époque où le cinéma n’était pas encore pris très au sérieux et était très peu organisé, les femmes étaient aussi productrices, monteuses, décoratrices ou scénaristes (et parfois tout cela à la fois tout en jouant dans leurs films), dirigeaient des sociétés de production et des salles de cinéma ou maniaient parfois même la caméra. La Britannique Jessica Elvira Borthwick filma ainsi à 25 ans en 1913 la première guerre balkanique.
Malheureusement ces films, comme tous ceux du début du 20e siècle, sont difficiles à voir. Certains sites comme le European Gateway ou la National Film Preservation Foundation aux Etats-Unis en mettent cependant gratuitement en ligne sur des sites dédiés ou sur youtube. Le WFPP publie une liste (incomplète) de liens.
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