Exceptionnellement morose, l’été cinématographique 2017 laisse peu de choix aux spectateurs entre les super-guerriers made in USA et les héros certes plus humains mais non moins valeureux qui sauvent d’un commun élan – et sans la moindre aide française – 300.000 soldats britanniques à Dunkerque. A quiconque trouve encore en soi la force de résister au rouleau compresseur du marketing anglo-saxon, je ne peux que recommander le délicat Estiu 93 venu de Catalogne… ou bien un polar égyptien primé à Sundance: The Nile Hilton Incident.
Il est rare de voir des films égyptiens dans les cinémas luxembourgeois, ce qui est déjà une raison suffisante pour s’intéresser à celui-ci. Encore que The Nile Hilton Incident qui se passe entièrement au Caire et évoque la révolution de 2011, ne soit pas vraiment une production égyptienne. Son réalisateur Tarik Saleh et son interprète principal Fares Fares sont suédois (d’origine égyptienne pour le premier, libanaise pour le deuxième) et le film, produit par la Suède et l’Allemagne, a dû être tourné à Casablanca faute de bénéficier d’une autorisation de tournage en Egypte.
En se référant explicitement à L.A. Confidential, le titre français Le Caire confidentiel est pour une fois bien choisi. The Nile Hilton Incident est un film noir dans la pure tradition de James Ellroy, avec des flics ripoux et des politiciens qui le sont encore davantage, des femmes fatales qui finissent mal, et un protagoniste dépressif qui fume beaucoup et parle peu mais – alors qu’il pourrait se contenter d’amasser son petit pactole en raquettant comme ses collègues les maqueraux et les dealers du quartier – va se mettre en tête de faire tomber un député millionnaire qu’il soupçonne d’avoir assassiné ou fait assassiner sa maîtresse. Tarik Saleh s’est basée sur l’histoire vraie du meurtre d’une chanteuse pour lequel a été condamné en 2008 un proche de Moubarak mais il l’a transposée en 2011, juste avant la révolution du 25 janvier. Le film se passe en grande partie autour de la Place Tahrir où se situent à la fois l’hôtel où est commis le meurtre par lequel débute le récit, et le commissariat où officie Noureddine. Fares Fares (qui fait carrière aux Etats-Unis où on l’a vu notamment dans Zero Dark Thirty et Rogue One) prête à ce personnage de flic somme toute assez classique une présence à la fois virile et vulnérable.
Davantage que pour son intrigue, quelque peu alambiquée, le film vaut surtout pour l’atmosphère que crée Tarik Saleh dans la grouillante capitale égpytienne, plongée dans une permanente pollution où l’on a l’impression de sentir le sable grincer entre les dents. Les rues jonchées d’ordures, les commissariats poisseux où l’on torture allègrement, les immeubles qui semblent soit en construction soit en train de tomber en ruines mais sur lesquels trône immanquablement le portrait géant d’Hosni Moubarak, et les clubs chics, les résidences surveillées d’un côté, les taudis dans lesquels survivent des réfugiés saoudiens de l’autre: Tarik Saleh filme tout cela de façon quasi-documentaire .
Mais s’il suit les errements de Noureddine à travers la nuit cairote, Tarik Saleh consacre également du temps d’écran à Salwa, la femme de chambre, réfugiée soudanaise clandestine (interprétée par la Soudanaise Mari Malek, elle-même réfugiée devenue mannequin aux Etats-Unis) qui a été le malchanceux témoin du meurtre. Bien qu’elle parle encore moins que Noureddine, Mari Malek arrive à conférer à cette femme invisible, doublement victime, une force qui la rend plus touchante que la belle Gina (Hania Amar) qui endosse ici le rôle plus conventionnel de la femme fatale.

Fares Fares et Hania Amar (c) The Match Factory
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