forum_C : „Sois tu es vivant, sois tu es mort“

Encensé par la critique française, lauréat cette année à Cannes du prestigieux Grand prix du Jury (2e prix par ordre d’importance après la Palme), 120 battements par minute rend hommage à la lutte menée dans les années 90 par l’association Act Up pour que le sida entre enfin dans la sphère publique, pour exiger des campagnes préventives dignes de ce nom et assurer aux malades l’accès aux traitements.

En faisant référence explicitement à la Révolution de 1848, le réalisateur Robin Campillo se place dans une tradition de contestation chère à la gauche française mais finalement assez peu représentée dans son cinéma national. Campillo a lui-même été membre d‘Act Up au début des années 90 et une grande partie des situations dans le film sont nées de ses propres souvenirs. Contrairement à d’autres associations qui soutenaient concrètement les malades, Act Up était un groupe résolument politique qui représentait en premier lieu les homosexuels, les transexuels, les prostituées, les étrangers et les détenus, tous ces marginaux qui étaient les victimes principales (mais pas les seules!) de l’épidémie et dont le bon bourgeois aurait préféré ignorer l’existence. Campillo montre de façon presque didactique le fonctionnement de l’association, recréant dans une mise en scène quasi-documentaire mais très vivante les discussions et les disputes, les actions, les contradictions, les moments d’euphorie et de doute.

En cela, le film constitue une réflexion – rare au cinéma – sur le militantisme politique exacerbé ici par le fait que pour les membres d‘Act Up, la contestation politique est littéralement affaire de vie ou de mort. Cet enjeu dramatique ainsi que les actions souvent très spectaculaires du groupe rendent son combat particulièrement cinématographique. Campillo fait d’ailleurs dans la première séquence apparaître ses membres sur une scène de spectacle avant de les montrer jetant du faux sang sur les murs d’un laboratoire.

Dès le premier plan, le réalisateur met le public à la place de Nathan (Arnaud Valois, très bien mais volontairement en retrait) à qui l’on explique ce qu’est Act Up. C’est lui (l’un des seuls séronégatifs du groupe et donc comme nous spectateur de la tragédie) qui sera notre guide dans le récit. Le personnage principal en est Sean (Nahuel Perez Biscayart, la vraie révélation du film) qui deviendra l’amant de Nathan. Le film se divise de façon assez égale en deux parties dont l’une pourrait s’intituler ‚La vie‘ et l’autre ‚La mort‘. Il joue aussi constamment d’autres oppositions : action/discussion, jour/nuit, collectif/privé, plaisir/souffrance, documentaire/fiction, etc. Campillo utilise le montage (qu’il signe lui-même) de façon créative pour dynamiser les discussions de groupe (filmées à trois caméras) mais aussi pour passer brutalement d’un ton à un autre, insérer des flash-backs à peine perceptibles, inclure des images d’archives ou des séquences à la limite de l’abstrait.

L’autre atout du film est que, comme Act Up, il appelle un chat un chat et fait fi de tout sentimentalisme comme de tout mysticisme, se réfugiant plutôt dans un humour terre-à-terre. Quand Sean commence a expliquer gravement combien la maladie lui a fait apprécier la vie, c’est une imitation ironique (mais troublante) de ce à quoi nous a habitués le cinéma américain. Plus tard, il dira plus simplement „sois tu es vivant, sois tu es mort“. Les relations sexuelles, la déchéance physique, une scène d’euthanasie et la mort sont filmées de la même façon frontale et factuelle, ce qui n’empêche pas l’émotion. Je ne suis toujours pas sûre que le film ait besoin de la longue agonie de Sean dans sa deuxième partie, mais du moins reste-il fidèle à lui-même jusqu’au beau final où la politique reprend ses droits.

(c) Memento Films Distribution

 

 

 

 

 

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