forum_C : On the Art and Politics of the Cinema

Créée en 1967 par Gary Crowdus (qui en est toujours le rédacteur en chef!), la revue américaine Cineaste vient de fêter son cinquantième anniversaire dans son numéro d’automne 2017. L’ambition de cette revue, qui paraît quatre fois par an et que je considère comme l’une des meilleures et des plus enrichissantes actuellement sur le marché, est définie dans les lignes directrices qu’elle soumet à ses auteurs: offrir un point de vue social, politique et esthétique sur le cinéma. Son slogan est „America’s leading magazine on the art and politics of the cinema“, qui résonne comme un écho au sous-titre „für Politik, Gesellschaft und Kultur“ de forum.

(c) Cineaste, no. automne 2017

Ce n’est pas un hasard. Les deux revues sont nées à 11 ans d’intervalle dans la foulée des mouvements contestataires des années 1960/70 mais contrairement à d’autres initiatives surgies à la même époque, elles ont refusé tout sectarisme, affirmant au contraire dès leur premier numéro respectif la volonté d’inviter au débat et de rester ouvert à toutes les opinions. Cineaste bannit aussi explicitement le jargon théorique ou universitaire utilisé dans la plupart des écrits anglosaxons sur le cinéma, tout comme les articles de complaisance ou le ralliement à telle ou telle mode.

Mais ce qui distingue vraiment Cineaste (qui fonctionne comme forum avec une rédaction constituée de membres bénévoles) d’autres revues de cinéma, c’est donc qu’on y analyse les films d’un point de vue politique, sans pour cela négliger les aspects esthétiques, comme on essaie aussi de le faire, en toute modestie, dans forum_C: „The authors should examine both the sociopolitical and artistic aspects of the topic“. En 1994, Gary Crowdus a publié une encyclopédie intitulée The Political Companion to American Film qui m’a longtemps servi dans la préparation de mes articles pour forum et qu’il serait grand temps de réactualiser!

Prenant en compte à la fois l’actualité cinématographique et l’histoire du cinéma, Cineaste propose des critiques approfondies de films, de séries, de dvd et de livres sur le cinéma mais aussi des articles de fond sur des cinéastes, des thématiques particulières ou des cinématographies nationales, ainsi que de nombreuses interviews, ces dernières constituant l’une des pièces maîtresses de la revue. Fait rare dans la presse aujourd’hui (et un autre point commun avec forum), les auteurs disposent de toute la place nécessaire pour exposer leurs idées, l’interview d’Ethan Hawke (l’une des meilleures que j’ai lue avec un acteur) ayant même pu s’étaler sur 15 pages et deux numéros. Si le cinéma militant a depuis toujours sa place dans la revue, de même que les films non américains, le cinéma populaire n’est pas négligé pour autant et King Kong peut voisiner avec Robert Bresson, Les 1001 nuits du Portugais Miguel Gomes avec James Bond.

(c) Cineaste, numéro printemps 2016

Les études féministes et LGBT constituent également un point fort. Dans le numéro d’automne 2017, J.E. Smyth  bouscule ainsi quelques idées reçues en critiquant la définition qu’a récemment donnée du „chick flick“ la célébre féministe Gloria Steinem : a film „that has more dialogue than car chases, more relationships than special effects, and whose suspense comes more from how people live than from how they get killed“ (in The New York Times, 2 mars 2017). Mais pourquoi, demande Smyth, les femmes ne pourraient pas aimer les films de guerre et les westerns, Dirty Harry ou Mad Max: Fury Road ? Et pourquoi, renchérit-elle, élargissant son propos, devraient-elle préférer au The Beguiled de 1971 avec Clint Eastwood, sa version édulcorée („pretty-in-pink remake“) sous prétexte que celle-ci est signée par Sofia Coppola? Smyth plaide plutôt pour refaire une place plus large aux femmes dans tous les genres de films (place que notamment certaines scénaristes occupaient paradoxalement à l’Âge d’Or d’Hollywood).

Les auteurs réfléchissent aussi à leur propre exercice de la critique cinématographique à laquelle ils consacrent de nombreux articles pour en suivre l’évolution, depuis la grande époque des théories structuralistes et marxistes jusqu’à la révolution internet. En novembre paraîtra un nouveau livre intitulé Cineaste on Film Criticism, Programming, and Preservation in the New Millenium.

Numéro après numéro, Cineaste pousse ainsi à la réflexion et rappelle que l’analyse de film digne de ce nom ne saurait se résumer aux opinions subjectives vite griffonnées sur Twitter ou facebook. L’abonnement annuel coûte 44$, le site cineaste.com proposant également certains articles en accès libre.

 

 

 

 

 

 

 

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